NICARAGUA : ambiance avant les municipales. (Source : ENVIO, août- sept.- oct. 2008 )

Novembre est un mois d’élections pour l’Amérique Latine : aux Etats-Unis le 4, au Nicaragua le 9, pour deux millions et demi de Nicaraguayens qui vont élire les gouvernements locaux de 143 municipalités ; et au Venezuela le 23, où les Venezueliens élisent  gouverneurs, maires et députés aux conseils législatifs.

Au Nicaragua les élections municipales devraient être l’occasion pour les citoyens de choisir les personnes qui contribueront le mieux au développement de la localité. Mais le gouvernement Ortega a travaillé à les convertir en plébiscite national qui lui donnerait le feu vert dans le modèle politique autoritaire qu’il est en train d’imposer et qu’il prétend consolider après les élections.

Cinq partis participent aux élections, le Front Sandiniste de Libération Nationale ( FSLN), l’alliance PLC-VCE (Parti Libéral Constitutionnel et Vamos con Eduardo), PRN, (Parti de la Résistance), ALN, (Alliance Libérale Nicaraguayenne) et AC.

La polarisation sera une fois de plus entre le FSLN et l’alliance des libéraux. Elle est le fruit du pacte Ortega-Alemán, et s’est exprimée en diverses mesures arbitraires auprès du Conseil Suprême Electoral, notamment en retirant la personnalité juridique à deux partis anti-pacte : le Mouvement Rénovateur Sandiniste et le Parti Conservateur.

A  cette “ fête civique ” du 9 novembre, le FSLN culmine les avantages : les ressources publiques ont été utilisées à discrétion dans toutes les structures y compris auprès des membres qui président et contrôlent les onze mille bureaux de vote. Il y aura en plus dans chacun trois membres de la police, sélectionnés par le parti. Précédemment un seul policier suffisait.

Autre avantage pour le FSLN : le Pouvoir Electoral n’a pas, jusqu’ici, autorisé les observateurs extérieurs sauf une organisation du gouvernement venezuelien.La permanente confusion Etat-Parti est une des règles du jeu de l’actuel gouvernement. Et  cette confusion est évidente sur tout le parcours des élections. Les ministres font campagne en faveur des candidats FSLN, les édifices publics sont couverts de leurs affiches…Il n’y a pas de sanction ni même d’enquête.

Si Daniel Ortega est aujourd’hui président c’est grâce à la division des partis de droite, qu’il a alimentée en manœuvrant avec le cas Alemán. Quand on additionne les résultats obtenus par les groupes libéraux et conservateurs opposés au FSLN dans les municipales de 2004, et aujourd’hui pratiquement tous unis, on voit que dans les villes importantes, la victoire du FSLN  ne s’explique que par la division de l’opposition. Dans de nombreuses places électorales importantes le FSLN perd devant une éventuelle unité d’opposition. Mais dans les municipales ce qui compte le plus c’est le candidat local. D’où incertitude des résultats…

La polarisation politique encouragée par Ortega joue contre lui. Le sandinisme jouissait d’une sympathie  majoritaire dans les années 80, du moins dans les premières années. Puis il y a eu la guerre pour défendre la révolution, les erreurs de certains dirigeants, et l’anti-sandinisme a grandi. L’attitude actuelle du président est-elle une arrogance qui ne connaît pas ses limites  ou bien l’expression d’un autisme politique qui l’empêche de comprendre les changements vécus par la société nicaraguayenne ?

Aux élections municipales de 2004, le FSLN avait gagné 87 mairies. Mais depuis, la couleur de ce parti s’est affadie, et dans une métamorphose drastique il a accédé au gouvernement national après une alliance avec Alemán le corrompu et son parti le PLC, après le partage d’intérêts économiques avec le grand capital national, et en faisant la promotion des croyances religieuses les plus conservatrices.

Aujourd’hui le FSLN espère encore “ davantage de victoires ” aux municipales.Il parle de “ pouvoir citoyen ” dans sa propagande.Ortega aspire à gagner plus de cent mairies, grâce aux candidats qui ont signé devant lui l’engagement “ d’obéir ”aux Conseils de Pouvoir Citoyen (CPC) structures minoritaires dirigées depuis la présidence de la République. Ce seront de nouvelles règles du jeu dans le pouvoir local mais cette perspective génère incertitude et inquiétude dans la population.

Que sont les CPC ?  La pauvreté et le chômage massifs ont permis de recruter  et de mobiliser des gens qui ont besoin de nourrir leur famille ou d’obtenir des prêts à faible intérêt. Les CPC les inscrivent sur des listes pour la distribution de vivres, pour la construction de logements, pour les bourses à  leurs enfants scolarisés, pour obtenir un emploi à  la mairie… Avec les programmes gouvernementaux – et l’argent du Venezuela – ces gens  reçoivent des aides et retrouvent dans les activités communautaires l’impression que la Révolution des années 80 ne s’est pas perdue.

Ce que nous voyons au Nicaragua, c’est une minorité qui tient le pouvoir et l’exerce en cherchant à s’imposer sur la majorité, qu’elle ne respecte pas et traite comme minoritaire.
Peu avant le début de la campagne électorale, des groupes organisés de la société civile préparèrent une marche en opposition au gouvernement. Une minorité du FSLN, groupe de choc et CPC, obéissant aux ordres et agissant avec une intolérance fanatique, agressa les manifestants à coups de projectiles divers et d’intimidations.

Les membres de la police, qui avaient autorisé la marche, n’intervinrent qu’au bout de plusieurs heures, et malgré les nombreux dégâts commis à León et Chinandega, il n’y eut même pas un rapport de police publié. Le dilemme de la police est de situer sa mission entre ses propres lois et celles de la Constitution. Empêcher les manifestations de protestation mais permettre les réponses à ces manifestants… tâche ingrate !

Le gouvernement a intensifié le clientélisme à la veille des élections : des bons pour denrées alimentaires, du riz, des haricots et  de l’huile à bas prix. Un décret inespéré du Ministère du Travail augmente de 18 % le salaire minimum pour quelque cent mille travailleurs de neuf secteurs de l’économie…

Mais cette augmentation salariale fera que les zones franches du textile seront moins rentables et pourraient se décider à quitter le pays…Déjà quinze mille emplois ont été perdus ainsi. Ce sont des emplois à la limite de l’esclavage, mal payés, mais la différence entre avoir ou non ce type d’emploi, c’est choisir entre manger et ne pas manger.

Le gouvernement a lancé une campagne de dénigrement  contre les médias et les ONG : deux lieux où son “ pacte ” ne peut intervenir. Son argument est que la société civile n’est rien d’autre qu’un groupe d’ONG “ financées par l’empire pour renverser le gouvernement et pour enrichir les oligarques qui les dirigent ” ! C’est ainsi qu’il s’en est pris au “ Centre de Investigaciones para la Comunicación ”( CINCO ) dirigé par Carlos Fernando Chamorro, un journaliste sandiniste très professionnel qui contribuait depuis des années au débat d’idées. Devenu la cible de l’agressivité présidentielle depuis qu’il a révélé en mai 2007 un scandale de corruption gouvernementale, il ne cesse d’être calomnié.

De même pour le MAM (Mouvement Autonome des Femmes) dirigé par la journaliste Sofia Montenegro. Les membres du MAM sont qualifiées d’avorteuses depuis qu’elles ont, comme d’autres ONG, promu au Nicaragua le respect des droits des femmes, droits humains que l’Eglise catholique, alliée du FSLN, rejette et combat. Dernièrement les bureaux du MAM ont été perquisitionnés et saccagés, comme le CINCO, soupçonné d’activités illicites. L’objectif semble être de vouloir en finir avec la liberté d’association.

“ Parmi les gens se développe la peur, peur de parler, de dire les choses, de se manifester, de participer à telle ou telle activité… ” constate Vilma Nuñez, du Centre Nicaraguayen des Droits de l’Homme (CENIDH). Réflexion d’un étudiant lors d’une manifestation de jeunes  qui se voulait pacifiste mais qui fut elle aussi réprimée :“ El pobre Sandino se revuelca en su tumba al ver como usan su nombre… ”(Le pauvre Sandino se retourne dans sa tombe en voyant comment ils utilisent son nom…)

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