La bataille de UNASUR en Haïti (09/2010)

(www.prensamercosur.com.ar)

“ Nous devons contribuer au développement Sud-Sud et respecter les Haïtiens, ne pas leur imposer un modèle de développement comme ont prétendu le faire les Etats-Unis, le Canada et la France… ”
Interview de Rodolfo Mattarollo, titulaire du Secrétariat Technique et Politique du bloc sud-américain UNASUR à Port-au-Prince.( 02/09/2010)  (L’UNASUR est l’Union des Nations Sud-Américaines, organisation intergouvernementale économique et politique qui comprend les 12 pays d’Amérique du Sud.)Peu avant d’accéder au Secrétariat Technique et Politique de UNASUR en Haïti, Rodolfo Mattarollo s’entretint avec un journaliste de APM (Agencia Prensamercosur) :

– Votre nomination en Haïti n’est pas due au hasard : vous avez vécu et travaillé dans ce pays et vous connaissez bien ses réalités.
La première fois que je suis venu en Haïti, ce fut pour une mission de Droits de l’Homme des Nations Unies.C’était pour trois mois et j’y suis resté cinq ans, de 1995 à 2000. Haïti est un pays qui a toujours fasciné ceux qui l’ont connue et aussi ceux qui ne l’ont pas connue. Il existe sur Haïti une bibliographie imposante, on a écrit beaucoup et peut-être qu’on a agi moins que ne le laissaient espérer  tant d’analyses. On ne se rappelle pas toujours, – ou  peut-être ne le sait-on pas -, que Bolivar reconstitua son armée en Haïti, alors qu’il était dans une situation de casi déroute. Sans argent il se dirige vers le premier territoire qui s’était rendu indépendant en Amérique Latine – souvenons-nous qu’Haïti obtint son indépendance en 1804 -, et c’est là qu’il réunit les  ressources nécessaires pour continuer la lutte.

-Ce fait que vous signalez contraste avec l’histoire de violence institutionnelle et politique qui a caractérisé Haïti.
Jean Dominique, journaliste haïtien assassiné en 2000, me dit un  jour : “ L’Etat haïtien est despotique ”, il eut un silence puis ajouta “ mais faible ”. C’est peut-être la définition la plus parfaite que j’ai entendue d’un Etat qui est despotique, dans le sens où il est arbitraire, que là où il peut exercer des pouvoirs il les exerce sans limites, mais qu’il n’a pas la vision d’ensemble. Un pays où il n’y a pas de services sociaux. Un pays où 15 % de l’éducation est aux mains de l’Etat et 85 % au privé. Un  pays qui maintient 80 % de sans emplois depuis les années 90. Un Etat qui ne garantit pas les services de base. Alors, le tremblement de terre est un désastre qui vient s’ajouter au désastre quotidien d’Haïti.

-Dans cette situation quelle fut l’influence des Etats-Unis ?
En Haïti  la présence des Etats-Unis est telle que tout Haïtien qui veut trouver du travail a l’idée d’obtenir le visa pour entrer aux Etats-Unis. Rappelons qu’il n’y a qu’une  heure et demie de vol jusqu’à Miami. Et s’il n’obtient pas le visa, l’objectif est d’arriver là-bas par tout autre moyen, et chercher ensuite de quelle manière survivre. Et ils sont très nombreux à tenter l’expérience. Cependant, le grand problème d’Haïti, peut-être fondamental, c’est une oligarchie féroce, qui n’a pas le moindre sentiment national, terriblement prédatrice, qui vit fondamentalement de trafics. Quand on se demande d’où vient la richesse d’Haïti, et quelle est cette richesse, la réponse est dans le trafic de drogues, le trafic d’armes, les activités de contrebande.

-Quelle est la situation actuelle, après le tremblement de terre ?
En Haïti il existe de grandes déficiences, l’une d’elles est  le manque de leaders, de structures politiques qui permettent de canaliser la force sociale. En novembre prochain il faudra élire un nouveau Président et il y aura les législatives. Il y a 65 partis politiques et 35 candidats à la Présidence dans un pays aux dimensions d’une province ! Parmi les déplacés après le tremblement de terre du 12 janvier, la moitié vivent sous des tentes. Cela peut paraître paradoxal mais ils ont des services sociaux qu’ils n’avaient jamais eus auparavant. Parce qu’il y a un  peu d’eau, un peu d’aliments, un peu de services sanitaires, qu’ils n’avaient jamais connus. On dit toujours qu’Haïti est la ville-misère la plus grande d’Amérique. En même temps, c’est un pays de contrastes, je ne voudrais nullement qu’on l’imagine comme un désastre humain où il n’y a pas de lueur d’espoir. C’est un pays où existe une créativité extraordinaire dans le domaine des arts, de la musique, de la danse, des arts plastiques. Dans les sciences sociales, il y a des représentants d’Haïti dans la littérature sociologique mondiale. Il y a de grandes contradictions entre cette élite culturelle et le reste.

-Que peut faire l’UNASUR ?
Contribuer au développement Sud-Sud, et ce n’est pas un slogan. Cela signifie, en premier lieu, respecter les Haïtiens, ne pas leur imposer un modèle de développement, ne pas entrer dans la compétition des trois grandes puissances qui ont agi dans le pays, – les Etats-Unis, le Canada et la France -, et qui ont tenté d’imposer des modèles de police, des modèles de justice, des modèles économiques. Naturellement les ressources de l’UNASUR  ne sont pas comparables à celles des Etats-Unis ou des pays du Nord, mais nous verrons ce que nous pouvons faire. Il y a un proverbe qui dit : “ les melons se mettent en place avec le roulement du chariot ”, et je crois que cela convient pour des situations comme celle-ci !

-Mais par où commencer ?
C’est très difficile à dire. A mon sens, il faudrait commencer par construire une Justice, avant toute autre chose.Je crois qu’il faut commencer par la tête. Ainsi, dans notre pays, si on n’avait pas changé la Cour Suprême nous n’aurions pas de politique des droits de l’Homme, pas de politique sociale. Si nous ne réussissons pas à construire une tête au pouvoir judiciaire, nous n’aurons aucune possibilité d’avancer. Par ailleurs, la sécurité alimentaire est essentielle dans un pays comme Haïti. En cette  matière, le programme argentin Pro Huerta de l’INTA qui fonctionne depuis un certain temps, ( voir ci-dessous)  est ce qui existe de plus solide. L’Argentine le réalise avec le financement d’autres pays et nous allons voir si la UNASUR peut co-financer ce programme.Un autre point est la construction de logements, dans le sens de  logements en autogestion, avec développement communautaire lié à  la question de la santé et de l’éducation. Les schémas de développement multinationaux ont débarqué là-bas et jusqu’à maintenant bien peu de choses ont été faites.…

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Argentine : le programme PRO HUERTA

Ce programme alimentaire existe depuis 20 ans. Il a été conçu par  l’INTA ( Institut National de Technologie Agropastorale). Il s’adresse à une population en situation de vulnérabilité sociale : familles de zones urbaines et rurales vivant en-dessous du seuil de pauvreté.

Depuis sa création, ce programme a permis à 3,5 millions de personnes de produire leurs propres aliments et aussi de commercialiser leurs excédents. Récemment la marque “ Pro Huerta ” a été créée pour accompagner ces produits.

Dans 3800 localités du pays, 630 000 potagers familiaux produisent légumes et fruits.
Pro Huerta organise son opération en deux campagnes annuelles : “ automne-hiver ” et “ printemps-été ” . Au début, Pro-Huerta a sélectionné semences et plants pour une douzaine d’espèces.

Chaque jardin a une superficie d’environ cent mètres carrés, en tenant compte des besoins en légumes frais pour une famille de 5 personnes. Etant donné la diversité des conditions agro-écologiques dans le pays, le programme tient compte des espèces cultivées selon les régions, la saison et la consommation locale.

Les bénéficiaires doivent disposer d’une surface suffisante pour l’implantation d’un  potager, participer aux séances de formation ainsi qu’aux initiatives liées à ce programme : conservation et transformation d’aliments, réseaux de troc, micro-entreprises, etc…

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