BRESIL: Le dilemme de Dilma ( mai 2012)

(www.rebelion.org)

Fin avril dernier, après des années d’hésitations, le Congrès a approuvé la réforme controversée du Code Forestier. Selon les écologistes, elle laissera le champ libre à une déforestation brutale de l’Amazonie. Certains députés appuyés par les grands propriétaires qui financent leur campagne électorale ont un pouvoir exorbitant à la Chambre. Ce sont les « ruralistes ».
Le secteur rural  ne représente que 16 % de la population, cependant le  Front Parlementaire agro-pastoral est composé de 268 députés, soit 52 % des élus. Les ruralistes veulent l’expansion de l’agro-négoce, qui fera du Brésil un grand exportateur d’aliments et d’agrocarburants, aux dépens des petits agriculteurs qui pratiquent une agriculture soutenable et du million et demi de paysans sans terre qui continuent de réclamer les terres restées improductives pour pouvoir travailler. Si le Code Forestier l’emporte, c’est la planète qui perdra.
Or la Constitution donne à la présidente le droit de veto. Elle dispose de quinze jours pour opposer son veto à l’approbation du Code, et ainsi respecter les promesses faites durant sa campagne électorale, en faveur de la conservation de l’Amazonie. Dix ex-ministres brésiliens de l’Environnement ont adressé à Dilma une pétition pour qu’elle utilise son veto.
Dilma Rousseff, économiste, le sourire et l’élégance discrète, était membre de groupes armés pendant la dictature. Elle fut emprisonnée et torturée. Aujourd’hui, mandataire du pays le plus grand d’Amérique, elle sait faire preuve de détermination : en un an et demi de gouvernement, elle a éliminé dix ministres, dont huit pour corruption. Elle a critiqué durement les banques qui malgré leur situation florissante pratiquent des taux excessifs. Les médias ne l’encensent pas mais sa popularité atteint 77 %. « Ce n’est pas  mon caractère qui est difficile, c’est ma fonction », déclare-t-elle. « Je dois résoudre sans cesse des problèmes et des conflits. Je suis une femme dure, au milieu d’hommes contaminés par la vie politique brésilienne : ils sont habitués par exemple à l’échange, entre eux, de « faveurs contre faveurs », ce que je déteste ».
Il n’est certes pas facile de gouverner ce grand pays, 6ème puissance du monde, qui possède 60 % de la forêt humide  la plus étendue de la planète, de grandes réserves d’eau douce, et produit la moitié du PIB de l’Amérique. Un pays aux énormes inégalités sociales, mais en même temps, avec un taux de chômage de seulement 4,7 %, la moitié de celui d’Europe, et un pays qui peut attirer des jeunes ingénieurs étrangers pour les plans de développement des industries et infrastructures du pays. Un Brésil en plein essor qui réclame un rôle plus éminent parmi les pays émergents et dans le monde.
Presque la moitié des forêts brésiliennes sont officiellement protégées en tant que réserves ou parcs nationaux, est-ce que ce n’est pas suffisant ? disent  les ruralistes. Non, car c’est une protection en grande partie théorique, rétorquent les écologistes : les forêts sont constamment envahies par des marchands de bois et des agriculteurs illégaux. Et que peut faire un garde armé contre ces envahisseurs, sur 1800 km2 de forêt ? Comment faire respecter la loi aux « fazendeiros »  (grands propriétaires) qui raisonnent avec du plomb ?
Les chemins de l’Amazonie continuent d’être arrosés de sang. Entre 1985 et 2010, 1585 assassinats dans les conflits pour la terre sont dénoncés par la Commission Pastorale de la Terre,  liée à l’Eglise catholique.  91 cas seulement ont été traités par la justice. Les victimes sont des dirigeants paysans, des écologistes, des religieuses et des prêtres qui luttent contre le travail semi esclave et en faveur d’une agriculture soutenable. Parmi les rares cas punis, celui des assassins de Dorothy Sang, religieuse étatsunienne qui passa 40 ans de sa vie au côté des paysans pauvres. Assassinée en 2005 par deux pistoleros qui reçurent une récompense de 24 mille dollars de deux fazendeiros locaux qui voulaient se débarrasser d’elle. Tous les quatre sont encore en prison, une exception.
Dès son premier mandat, l’ex-président Lula avait tenté de réordonner le territoire, de recenser les terres déboisées et ravagées. Et la déforestation a diminué même si son niveau demeurait alarmant. Il avait aussi  promis d’utiliser des terres à travers la réforme agraire, pour 400 mille familles de paysans sans terre. Mais la remise des terres fut d’une lenteur extrême et parvint à quelques milliers de familles seulement, tandis que la BNDES, (Banque Nationale de Développement du Brésil) continuait de financer les fazendeiros. Ceux-ci gardent, depuis l’époque de l’indépendance  et ensuite par l’occupation continue et illégale des terres, un pouvoir despotique dans les zones rurales et exorbitant au Parlement…
« Veta Dilma ! » peut-on lire sur les affiches des environnementalistes encourageant Dilma à utiliser son veto et à signer pour un développement plus humain…

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