Dernières nouvelles de la Communauté de Tuni (Bolivie) par Alain Malatrait.

Alimentation en eau potable et aménagement hydroélectrique

Historique

En Bolivie, la petite communauté  d’indiens aymaras de Tuni (80 hab) vient de recevoir, en juin 2012, l’eau potable et l’électricité. Tout a commencé en 2008 avec une première rencontre au pied de la majestueuse Cordillère Royale. Cette communauté vivant à 4440m d’altitude a survécu à l’abandon des mines alentours, grâce à l’élevage de lamas. Depuis peu, elle s’est ouverte au tourisme, avec la construction d’une maison communale  et d’un lodge. Mais en 2008, il n’y avait ni eau potable, ni électricité !.. L’eau était prélevée dans un puits souillé par les lamas. L’eau potable, ce « don du ciel et de la terre » vénéré par les Incas, devenait une nécessité, à la fois pour leur santé et pour se fixer durablement.  Une petite source repérée à 1,5 km  pourrait être captée. Avec quelques croquis et des photos, j’imagine déjà un « projet AEP » avec HSF.
En avril 2009, profitant d’une mission à La Paz, je retourne à Tuni. Surprise : la « casa comunal » est construite. Ils ne traînent pas !  Avec la communauté, nous parcourons le terrain pour implanter une conduite enterrée entre la source et un réservoir. Retour en octobre. Un filet d’eau sort d’un petit tuyau tiré depuis la source. « C’est pour accueillir les randonneurs », me dit Jaime. « C’est du provisoire,… ». La communauté me supplie de poursuivre notre action, m’assurant qu’elle fournira  la main-d’œuvre pour les travaux. Elle veut prendre son destin en main !… Une demande officielle d’aide parviendra à HSF peu de temps après. Dès lors, j’ai la certitude que ce projet AEP peut aboutir,…Mais c’est sans compter avec les aléas de la recherche  de financement …
2010 et 2011 sont consacrés à solliciter divers financeurs potentiels. Un dossier est élaboré avec un projet estimé à 18.000 €, envoyé  à divers organismes et associations (Rotary, Guilde du Raid, Sogréah,…). Ils sont tous rejetés! En cause : trop peu de bénéficiaires. Le ratio est beaucoup trop élevé : 220 €/hab. Du côté de Terra Andina et d’autres voyagistes, pas de réponse.
Si bien qu’il fallait revoir le projet à la baisse.
Le montant est ramené à 12.420 €, avec un réservoir plus petit (10 m3), la main-d’œuvre locale gratuite et des frais HSF réduits. Fin 2011, une somme de 9.870 € est réunie. « C’est largement suffisant pour réaliser les travaux », m’écrit  Andrés.
Entre-temps, Sébastien Fourcade (HSF) avait décidé de mettre entre parenthèses son activité professionnelle pour prendre la direction du chantier qui se profilait.  Andres me fait part du don de 1400 m de tuyau par EPSAS (C. des Eaux de La Paz). Avec cette économie, la communauté souhaite acheter une turbine et un générateur pour faire de l’électricité à partir d’un canal (à réhabiliter). Pourquoi pas ! « Nous verrons sur place », avons-nous répondu.  Le chantier est programmé en 2012, au début de l’hiver austral. Une convention est signée entre la communauté et HSF. Les acteurs du projet sont les suivants : Chef de projet HSF : Alain Malatrait (ing. géologue)  / Direction des travaux HSF : Sébastien Fourcade (ing. hydraulicien) / Maître d’ouvrage : Andres Quispe (représentant la communauté de Tuni) / Main d’œuvre et transport des matériaux assurés par la communauté /   Maçon qualifié (sous traitance) : Eloy Assistance technique pour la microcentrale hydro-électrique : Ariel

Le chantier : avril – juin 2012
Le 4 avril, nous atterrissons à El Alto (4060 m !). Je revoie avec plaisir La Paz, cette capitale extrême blottie dans une «cuenca» minérale tourmentée par l’érosion. Quelques jours d’acclimatation nous permettent de régler divers points administratifs et de rechercher des fournisseurs. Puis nous partons pour Tuni avec Jaimé Quispe, via El Alto afin  d’acheter du matériel (brouettes, pelles, pioches,…).
Nous sommes  sur l’Altiplano. Les terres cultivées font place aux pâturages maigres à lamas. Au loin se profilent les montagnes enneigées de la Cordillère Royale. Grandiose ! Les retrouvailles avec la communauté sont chaleureuses. Sébastien découvre l’estancia, tapie dans une vallée glaciaire austère, hors du temps,… Le lodge vient d’être terminé,  sobre, mais spacieux. Ce sera notre pied à terre. La première nuit est difficile. Nous grelottons. Sébastien souffre du « soroche », le mal d’altitude.
Dès les premiers jours, la communauté s’active. La source est dégagée et plusieurs familles attaquent le creusement de la tranchée pour enterrer la conduite sur 1,2 km. Une autre équipe commence la fouille du réservoir sur une croupe. C’est bien parti ! Un ingénieur de EPSAS  confirme le don de 1400 m de tuyau PHED. Sébastien organise le chantier : planning, répartition des tâches, fournitures, transports, budget,… Un maçon local (Eloy) est embauché pour 3 semaines afin de diriger la construction du réservoir. Les matériaux (coffrages, sable, ciment,…) sont achetés à El Alto et acheminés par camion. Le chantier ralentit durant une semaine pendant laquelle la population récolte les patates du côté de Chunari, plus bas.
En marge de ce chantier AEP, la réalisation d’un aménagement hydroélectrique est décidée après la visite d’un spécialiste en microcentrale. L’eau sera prélevée dans un ancien canal à réhabiliter, alimenté par un torrent à 2,5 km. Une conduite forcée enterrée fera tourner une turbine, 30 m plus bas. La communauté est ravie par la perspective d’avoir l’électricité,… 2 commissions, eau et électricité,  sont créées pour la gestion communautaire des 2 chantiers : De fréquentes réunions permettent de faire le point sur l’avancement des 2 chantiers, les difficultés, les besoins en main d’œuvre et le budget à respecter.
Fin avril. Je dois quitter Tuni, à regret,… Durant un repas joyeux, les femmes  m’habillent en indien Mallku, pour sceller mon attachement à la communauté de Tuni. Je laisse Sébastien qui restera encore 1,5 mois pour mener à bien les travaux restants.
Le captage est aménagé et protégé par une clôture. Un premier essai donne un débit de      8 l/mn au niveau du réservoir terminé. Une conduite PEHD est posée en tranchée jusqu’au cœur de l’estancia. La distribution vers chacune des 20 propriétés se fait par piquage avec un petit tuyau PVC.  Fin mai, la vanne d’alimentation du réservoir   est ouverte. En une nuit, il est rempli (débit > 10 l/mn). L’eau potable arrive aux habitations, même  les plus éloignées,… C’est un succès !
Maintenant, la communauté peut se consacrer entièrement avec Sébastien à l’électricité. Une prise d’eau maçonnée est réalisée sur le canal réhabilité. La conduite forcée est enterrée dans une pente forte (L=170 m, déniv. 30 m). La microcentrale est construite dans un vallon. Elle comporte une turbine de type Pelton conçue avec Ariel et fabriquée à La Paz, un générateur de 7 kw  et un boitier de contrôle. L’ensemble est abrité dans un local en briques maçonnées. Il reste à mettre en place la distribution pour chaque habitation, qui prendra 2 semaines. Des poteaux en bois sont foncés dans le sol. Ils supportent un fil de cuivre  accroché aux isolateurs de façon acrobatique !
Pendant ce temps le canal est mis en eau. Les premiers essais ne sont pas concluants au niveau de la turbine. Il faut modifier le boitier et faire quelques réglages. Le 16 juin, Félix ouvre la vanne de la conduite forcée,… Le tableau de contrôle indique 5 kw.  C’est gagné !!  La nuit venue les ampoules éclairent les habitations, un rêve  pour la communauté,…
C’était la veille du départ de Sébastien, départ fêté joyeusement avec toute la communauté qui l’a comblé de cadeaux. Habillé en indien Mallku, il s’est initié à la danse traditionnelle avec les « cholitas »,…
Avant de rejoindre La Paz puis la France, Sébastien rappelle un point important : les consignes d’entretien et de sécurité écrites dans un manuel, et signés par Andrés, Josué et Félix.
A la fin de cette mission, les dépenses totales s’élèvent à 12.540 €, réparties ainsi :

  • 2 voyages avion : 2.540 €
  • AEP : 4.800 €
  • Electricité : 6.200 €
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