MEXIQUE: Les migrants et la frontière MEXIQUE – ETATS-UNIS (février 2013)

(www.alainet.org / www.rebellion.org )

Ils sont en majorité Mexicains mais aussi Centro-Américains, voire issus de pays plus au sud. Des hommes et des femmes, dont beaucoup avec leurs enfants, attirés par un rêve que peu d’entre eux réussissent à matérialiser, traversent chaque jour pour aller « de l’autre côté », comme disent les Mexicains parlant des Etats-Unis.

Certes il est très difficile d’accéder au rêve américain, mais pour eux tout vaut mieux que de rester dans un pays sans emploi, où les salaires et même les espoirs sont minces. C’est pourquoi la vague des pauvres n’hésite pas à traverser la frontière  – » le plus  grand corridor migratoire du monde »-, malgé les dures conditions du voyage  – de 25  jours et 5000 km – qui incluent températures extrêmes, humiliations à l’intégrité physique et émotionnelle, et même, risque de perdre la vie dans la tentative. Les chiffres officiels du gouvernement indiquent une moyenne de cinq cent mille  tentatives de traversées par an, mais les organismes de droits humains et l’Institut de Naturalisation et d’Immigration des Etats-Unis avancent le nombre de neuf cent mille.

En 1995, un an après l’entrée en vigueur du TLCAN, (Traité de Libre Commerce de l’Amérique du Nord), le nombre des  migrants sans papiers explosa. Alors le gouvernement des Etats-Unis militarisa pratiquement la frontière par le plan Gatekeeper entre le Mexique et la Californie (San DIego-Tijuana) : un mur de piliers métalliques infranchissables accompagné des techniques les plus sophistiquées : détecteurs infra-rouges, détecteurs de chaleur et caméras renforçant les patrouilles présentes à toute heure du jour et de la nuit. La patrouille frontalière vit son budget tripler et le nombre de ses agents passer à 9500 sur la totalité de la frontière. Mais l’opération Gatekeeper ne suffit pas à décourager l’immigration illégale, qui ne diminua que de 1,2% entre 1995 et 2004. A l’inverse, les tarifs des coyotes (passeurs) quadruplèrent.

En fait, la militarisation de la région San DIego-Tijuana a provoqué un déplacement des passages de migrants vers l’est. On enregistra alors de nombreuses tentatives de passage dans les régions arides et désertiques de l’Arizona et du Texas, où quantité de personnes sont mortes de déshydratation, d’hypothermie ou d’accident dans les canyons, dans ce « corridor de la mort ». Le nombre des morts à la frontière s’est dramatiquement accru. Les zones les moins surveillées sont aussi les plus dangereuses géographiquement.

D’autres facteurs contribuent à transformer en tragédie le voyage vers le « rêve américain ». La migration centro-américaine se concentre principalement sur deux axes partant du sud du pays pour traverser le Mexique. Ces itinéraires sont à peu près les mêmes que ceux des chargements de drogues. En outre il existe au moins seize itinéraires terrestres. Par la route atlantique ou route du Golfe, les migrants, dont 96 % proviennent du Guatemala, du Honduras  ou du Salvador, traversent la forêt guatémaltèque et entrent dans l’Etat de Tabasco où ils peuvent prendre un train  partant de Tenosique. Cette route est contrôlée par Los Zetas (*).

Pour l’autre route de migration, celle du Pacifique, à Tapachula (Chiapas), les migrants doivent marcher presque 300 km avant d’atteindre la première station, et durant ce chemin, ils sont très vulnérables aux bandes de malfaiteurs. La situation est particulièrement périlleuse pour les femmes et les  jeunes (20 % des migrants sont des femmes). Les deux routes se rejoignent au sud-est de la capitale mexicaine, dans l’Etat de Veracruz, la zone la plus dangereuse, et après Mexico, elles se séparent en cinq en direction de la frontière états-unienne.

Plus de 20 000 migrants sont séquestrés chaque année au Mexique, sur le chemin des Etats-Unis. La majorité sont des personnes d’Amérique Centrale. La séquestration est perpétrée par  des membres du crime organisé, en collaboration ouverte ou explicite avec des agents d’Etat de trois niveaux du gouvernement : Institut National de Migration, Police Fédérale et policiers municipaux.
Les migrants s’exposent à toutes sortes de sévices et de traitements inhumains et dégradants. Les témoignages recueillis par la Maison du Migrant de Saltillo décrivent les tortures physiques et psychologiques endurées par les migrants victimes de séquestration. Les coups, la privation d’aliments et de vêtements, la restriction des besoins physiologiques, la privation de sommeil, les menaces avec toutes sortes d’armes…Ceci accompagné d’insultes et  d’humiliations. Les détenus sont contraints de frapper leurs compagnons, d’assister à des assassinats et à des viols.

Le contexte actuel de violence du Mexique permet que de graves violations se commettent en toute impunité. Ni la dénonciation publique, ni même les instances internationales ne sont en mesure d’arrêter les abus. Les « Maisons du Migrant » et les centres de défense des Droits Humains sont les seules organisations qui tentent de procurer aux personnes émigrées une attention humanitaire et la protection de leurs droits. Les programmes de régularisation migratoire consistent à expédier des documents  mais non à écouter  les victimes. Et ni les personnes migrantes ni leurs défenseurs ne font confiance à l’Administration mexicaine, les dénonciations de délits sont donc un acte risqué, face à l’impunité existante.

On estime que plus de quatre mille migrants sont morts en voulant franchir le « mur » matériel et virtuel, qui sépare le Mexique des Etats-Unis, en  12 ans. C’est 15 fois plus que le nombre de morts qui ont voulu franchir  le mur de Berlin en 26 ans d’existence.

Les meurtres de femmes de Ciudad Juárez désignent une série d’assassinats commis depuis 1993 dans la ville frontière de Ciudad Juárez au nord du Mexique. Ciudad Juarez est considérée comme la ville la plus violente du monde. Beaucoup de ces meurtres n’ont jamais été élucidés. Selon Amnesty International, plus de 1653 cadavres ont été trouvés jusqu’en juin 2008 et plus de 2000 femmes sont considérées comme disparues. La plupart des victimes étaient âgées de 13 à 25 ans au moment des faits ; elles travaillaient dans les maquiladoras de groupes internationaux, qui ont été construites à proximité de la frontière. En 2009, la Cour interaméricaine des droits de l’homme  (CIDH) a condamné l’État du Mexique pour avoir manqué à ses devoirs pour trois meurtres à Ciudad Juárez

L’évolution de la situation des personnes migrantes relève aussi de la responsabilité de leurs pays  d’origine , Honduras, Guatemala, El Salvador et Nicaragua, qui devraient dépasser leur conflictivité historique et élaborer des conditions de vie digne pour leurs habitants. Ainsi, les personnes ne seraient plus obligées de quitter leur pays d’origine pour survivre.

(*) Los Zetas : (« Les Z ») est une organisation criminelle mexicaine, créée en 2004 par le cartel du Golfe afin de lui servir de bras armé. Elle est composée d’anciens militaires et de policiers corrompus. La zone d’activité de ce groupe s’étend dans toute la région du golfe du Mexique, y compris au Texas et dans certaines zones côtières du Pacifique. Les Zetas emploient également des enfants-soldats. Ce groupe est considéré comme le plus dangereux du Mexique. Il est organisé en cellules  et, outre la trafic de stupéfiants, il est engagé dans des enlèvements, du racket, du blanchiment d’argent, du vol de carburant, etc.

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