Implications socio-environnementales de l’activité minière en Amérique Centrale

Extraits de l’article de Tania SOSA, ingénieure en qualité de l’environnement au Centro Humboldt, NICARAGUA – juillet 2013

L’activité minière est l’un des secteurs économiques les plus polluants du monde, non seulement par ses méthodes d’extraction qui sont de plus en plus agressives pour obtenir de meilleurs profits en moins de temps, mais aussi par les conséquences à court, moyen et long terme, qui affectent l’eau, le sol et l’air, condamnant la vie des espèces naturelles et les communautés dans lesquelles s’insèrent les projets miniers.
L’actuelle crise mondiale et la déstabilisation économique qu’a laissée la dévaluation du dollar a fait que les investisseurs portent leur regard sur l’ancienne ressource du monde la plus convoitée, l’or, dont le prix a augmenté de manière retentissante, passant de 250$ à 1750$ l’once entre 2000 et 2011.

La nouvelle quête de l’or et la vision politique des gouvernements de la région centro-américaine, qui ont ouvert leurs portes à l’investissement étranger les yeux fermés, ont laissé vulnérables leurs ressources naturelles, à la recherche d’un rapide « développement » qui n’est finalement jamais arrivé. Les entreprises minières, dont 60 % sont de capital canadien, travaillent dans la logique d’exploitation maximum, à faible coût et dans un temps limité ; conditions qui sont encore plus avantageuses si, sur le site où elles s’installent, elles versent des taxes minimes et s’il existe très peu d’engagement sociaux  et environnementaux, conditions que l’Amérique Centrale offre sur un plateau d’argent à ces transnationales.

Dans les pays d’Amérique Centrale, les lois sur l’activité minière sont similaires : elles se concentrent sur les méthodes, les critères pour l’acquisition des concessions d’exploration et d’exploitation, les autorités régulatrices et autres aspects purement concessionnaires. Cependant, elles n’incluent pas d’obligation et de méthodologie pour le contrôle d’impacts environnementaux et sociaux. Le Costa Rica est l’unique pays qui, en 2010, a approuvé une loi interdisant la mine à ciel ouvert, comme méthode définitive pour refuser l’acceptation de ce type de projet.

La législation environnementale, encore récente et relativement succinte dans la région, a démontré ses faiblesses face aux agissements des entreprises minières. Les projets les plus emblématiques ont confirmé que ces entreprises découvrent aisément les points faibles qui  leur permettent d’esquiver les sanctions et de contourner la législation environnementale. Dans la plupart des cas, elles s’associent alors avec des représentants des communautés locales, voire à des représentants de niveau national, pour échapper aux considérations de caractère social et environnemental. Dans le pire des cas, elles se réfèrent à des accords internationaux comme le Traité Commercial DR-CAFTA, ce type de traité qui sert à menacer le pays centro-américain : s’il n’assume pas ses engagements commerciaux il sera obligé d’accepter les  exigences des transnationales.

Quant au fameux « développement », que les entreprises minières disent apporter aux pays, une étude publiée en 2011 par le Centre de Recherche sur l’Investissement et le Commerce (CEICOM)  sur « les impacts de l’activité minière en Amérique Centrale »explique que les revenus que les entreprises minières reversent aux pays de la région ne représentent en moyenne que 1,5 % des gains réalisés…

Mouvements socio-environnementaux face à l’activité minière.

La lutte sociale contre l’activité minière, principalement contre les mines qui extraient des métaux, s’est accrue à mesure que des générations entières ont mesuré les impacts sociaux et environnementaux de ce phénomène que l’on a appelé « recolonisation ».

Au GUATEMALA, selon le documentaire « L’or ou la vie », 54 communautés indigènes ont effectué des consultations communautaires, totalisant un million de personnes qui rejettent les entreprises minières, pétrolières et hydro-électriques. Ces « consultations » sont des pratiques ancestrales reconnues par les lois municipales, la Constitution du pays et l’Accord 169 de l’OIT. Mais le gouvernement a ignoré ce mouvement social et jusqu’en 2011 il avait concédé 155 licences d’exploration et d’exploitation de mines de métal.(…) Le projet Marlin ( San Marcos) est peut-être le plus emblématique pour le Guatemala, du fait des conséquences écologiques qui ont créé de graves problèmes aux communautés indigènes de la zone : dans une étude de 2008, réalisée par la Commission Pastorale Paix et Ecologie (COPAE), on a trouvé des concentrations de métaux lourds dans le río Tzala (aluminium, arsenic et manganèse) qui dépassaient les taux acceptables, ceci s’ajoutant à des problèmes de santé publique.

Le GUATEMALA a une force de résistance admirable, grâce à l’appropriation par les peuples indigènes de la valeur de leur territoire et de leurs ressources naturelles, héritage ancestral inestimable. Mais dans les 10 dernières années, les conséquences de cette résistance  se sont traduites par les assassinats de 120 militants  et défenseurs des Droits Humains. Cependant, le cas de la mine Marlin fut présenté à la Commission des Droits Humains de l’ONU, et celle-ci a émis des mesures pour résoudre le conflit et arrêter le processus de pollution environnementale. Puis, face aux  mesures dilatoires du gouvernement pour ne pas tenir compte des mesures proposées, le mouvement social réussit à obtenir que le rapporteur de l’ONU pour les Peuples Indigènes visite les communautés affectées par la Mine Marlin, afin d’entendre leurs témoignages et leurs demandes, et divulguer le cas au niveau international.

EL SALVADOR.  Le mouvement social et environnemental a obtenu que l’Etat salvadorien  refuse les permis d’exploitation à plusieurs  projets dont le projet El Dorado, dans le département de Cabañas. Celui-ci prétendait consommer neuf cent mille litres d’eau par jour, ce qui correspond à la quantité nécessaire à une famille moyenne pendant 20 ans. Dans le même département, suite au projet Mina San Sebastian, le río San Sebastian est affecté d’une pollution par des infiltrations acides qui rendent son eau inutilisable et les habitants de la zone se retrouvent sans eau potable. Le refus de l’Etat salvadorien  a eu pour conséquence l’assassinat de 4 leaders communautaires, membres du Comité Environnemental de Cabañas (.…)

HONDURAS. Après les dégâts occasionnés par l’ouragan Mitch en 1998, le Congrès approuva une loi établissant que l’usage de l’eau était une priorité pour les projets miniers. C’est ainsi que le Honduras se retrouve comme le pays d’Amérique Centrale ayant le plus grand nombre de concessions minières occupant 31 % du territoire national. Citons quelques exemples : le projet San Martin, qui fut acheté par Goldcorp Inc. en 2006 ; dès 2007 s’élevèrent d’innombrables réclamations pour pollutions et violations des Droits Humains. La majorité des points d’eau se trouvaient pollués et une épidémie de problèmes dermiques se déclara. On constata 150 cas de personnes présentant de l’arsenic dans le sang. Mais l’Etat hondurien ne réagit qu’en 2010 à cette problématique. Quant au projet Mina San Andres, (département de Copán) les communautés proches de la mine durent dénoncer des déversements d’eau cyanurée à proximité du río Lara, affectant les sources et les eaux superficielles et leur interdisant un approvisionnement normal en eau potable… (…)

NICARAGUA. Il existe 260 concessions minières accordées, et 95 nouvelles demandes. Citons les projets Mina El Limón au nord-ouest du pays et La Libertad, au centre nord au pays. En 2006, l’ONG nationale Centro Humboldt effectua, pour ces deux projets, des prélèvements des eaux et des sols, qui mirent en évidence des concentrations anormales d’aluminium et de manganèse dans le premier cas, et pour La Libertad, aluminium, manganèse, zinc, plomb et fer…

En 2009, des habitants remirent aux autorités des dénonciations concernant la pollution des eaux, des sols et de l’air. Un grand nombre de ces personnes souffraient de problèmes rénaux à cause de la mauvaise qualité de l’eau. A plusieurs reprises, les dénonciations ou résolutions ne furent jamais suivies d’effet.
Autre site de concentration de projets miniers au Nicaragua : la zone de Bonanza et Siuna, le « Triangle Minier ». Cette zone a connu des séismes d’amplitude moyenne qui ont causé la rupture de conduites des eaux résiduelles. Ces déversements ont affecté les rïos qui débouchent dans la Mer des Caraïbes.

COSTA RICA. La Mine Bella Vista, située au nord-ouest de Miramar de Montes de Oro (Puntarenas) est une exemple type de l’irresponsabilité des entreprises quand elles ont quitté le terrain. Laissant les lieux à l‘abandon durant plusieurs années après un glissement de terrain, sans se préoccuper des suites et de la pollution éventuelle.
Quant au projet Minero Crucitas, il est emblématique d’une lutte ardue anti-mines, menée par des organisations écologiques du Costa Rica et du Nicaragua. Après le recours à  la Cour Suprême de Justice, le jugement rendu condamna les responsables du projet à verser une indemnisation pour dégâts environnementaux. La Cour ordonna également une investigation des implications de l’ex-président Oscar Arias et d’autres fonctionnaires pour fautes de gestion.

En conclusion, les projets miniers d’Amérique Centrale présentent des similitudes, se situant stratégiquement à proximité des cours d’eau, affectant les bassins hydrographiques d’importance vitale pour la population, négligeant les exigences techniques et violant les récentes lois sur le respect de  l’environnement. Ces projets ne se sentent pas responsables des conséquences sociales et environnementales.
Pourtant les conséquences de l’activité  minière sont irréversibles, elles affectent et affecteront des générations qui seront condamnées à un accès restreint à l‘eau, en qualité et quantité, et condamnées à l’exposition à des produits polluants comme les métaux  lourds. Leurs capacités de développement en seront limitées, la pauvreté demeurera alors que le profit sera réservé à des particuliers.

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