MEXIQUE : l’activité minière industrielle dans les territoires indigènes.

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L’activité minière contemporaine est entrée dans une nouvelle phase : de l’exploitation de filons de matières principalement métalliques, elle est passée au brassage massif de matériaux pierreux qui, dans certaines strates, contiennent des métaux à très faible teneur (pour l’or : la moyenne serait de 1 gramme par tonne de roche traitée.)
Pour ce processus industriel on utilise des engins de grande taille et des procédés de lixiviation (traitement par le cyanure, interdit dans plusieurs pays d’Europe). Il s’agit d’une exploitation de grande dimension à ciel ouvert, qui requiert une exploration préalable sur de grandes portions de territoire, des ouvertures de routes, et des centaines de sites de forages.
L’article de la Loi Minière imposée par la Banque Mondiale et par les régimes des présidents successifs Salinas, Fox puis Calderón, signalent que l’exploitation du sous-sol est « d’intérêt public prioritaire »et que cet intérêt prime sur d’autres intérêts publics et privés non miniers.
Cet intérêt public prioritaire se transfère à des intérêts privés par un système de concessions que l’Etat octroie aux grands consortiums nationaux et internationaux, souvent de capital étranger à 100 %.Les consortiums basés au Canada dominent, cependant les intérêts chinois font leur apparition. Ces schémas sont imposés par la signature des traités de libre commerce de toute l’Amérique Latine.
Pour extraire le minerais, tout le territoire d’une concession n’est pas exploré, cependant, dans cette phase d’exploration on peut détruire des semailles, ouvrir des chemins, entreposer des matériaux, polluer les cours d’eau et surtout accaparer les terrains et s’approprier en priorité les points d’eau qui normalement alimentent peuples et villes.
Si les propriétaires des terrains refusent de vendre, l’entreprise peut solliciter de l’Etat l’expropriation ou recourir… à l’assassinat.
Les concessions incluent parfois des portions de sous-sol marins. L’entreprise minière ne paiera à l’Etat que 1 % du minerais exporté, et le peuple mexicain ne tirera aucun bénéfice de ce processus industriel à haut risque.
Avec ces concessions les compagnies minières ont en mains, de manière directe ou indirecte, l’administration des politiques « de développement » régionales, et ceci à très long terme : les concessions s’octroient pour 50 ans, durée qui peut être prorogée 50 ans de plus.

Illustrons  par un exemple récemment étudié la démarche d’une entreprise minière de taille moyenne. Dans la phase d’exploration on bouleverse toute la végétation  naturelle, affectant ainsi  les écosystèmes. Dans la phase d’exploitation, l’entreprise va creuser une excavation de mille mètres de diamètre sur environ 400m de profondeur. Elle transportera 119 millions de tonnes de terre dont 35 millions recèlent le métal convoité, et le reste est déposé dans d’énormes  monticules. L’or présente ici une teneur de 0,7 g par tonne. Pour les processus de lixiviation on utilisera 3000 mètres cubes d’eau par jour durant dix ans, 2 millions de litres de diesel par mois pendant 7 ans, (non seulement comme carburant,  mais aussi comme substance qui intensifie les explosions), 35 000 tonnes d’explosifs, 6 à 7 mille tonnes de cyanure, trois cent mille litres d’acide chlorhydrique, etc.
Quant aux cicatrices environnementales les plus visibles, on trouverait plus tard un cratère de 40 ha de superficie et d’une profondeur d’environ 400m, qu’il serait très onéreux de combler, comme il serait difficile de contrôler les éventuelles infiltrations d’acides qui s’en iraient vers les nappes phréatiques pour des centaines d’années.
Quant aux tas de déchets, s’ils contiennent des composés soufrés, ils génèrent pour des siècles des infiltrations acides, des migrations d’arsenic et de métaux lourds qui pollueront les cours d’eau, le sous-sol, les lagunes, la mer…
La Compagnie prétend obtenir six cent  mille onces d’or à coup sûr, plus l’argent associé, ce qui lui rapporterait durant les 7 années de ce travail, la somme de 1900 millions de dollars, selon le prix de l’once d’or sur le marché fin 2012, en ayant investi 300 à 400 millions de dollars. Le volume d’or obtenu serait de moins d’un mètre cube. On aura ainsi réduit 119 millions de tonnes d’un paysage à un mètre cube d’or…
Pour légitimer ce processus industriel et obtenir les autorisations du Secrétariat de l’environnement, les Compagnies tiennent le discours du « développement durable ». Leur principal argument est la création d’emplois pour la population locale. Or sur 300 emplois temporaires, la moitié seront des ouvriers spécialisés fournis par la compagnie, et pour les travaux d’infrastructure qui nécessitent un millier d’hommes, toujours à titre temporaire, ils ne peuvent retrouver ensuite ce même genre d’emploi dans l’économie du pays.

Pour les peuples indigènes, un tel projet signifie le déplacement, le dépouillement de leurs ressources naturelles comme l’eau et la diversité biologique, leurs connaissances millénaires à recréer, leurs relations sociales à rétablir. C’est un désastre humain autant qu’environnemental.
De 2000 à 2012, sur les territoires indigènes, deux millions deux cents mille hectares ont été concédés principalement pour la recherche de métaux : 2814 concessions pour la recherche d’or, 71 pour l’argent et 25 pour le cuivre. Il est fréquent que l’exploitation d’autres minéraux soit occultée, bien que certains soient d’un grand intérêt industriel :   tungstène, cuivre, molybdène, etc.
Au cours des cent dernières années les indigènes ont perdu la juridiction de 17 % de leur territoire pour des concessions minières, le plus souvent sans même avoir été informés préalablement. Or selon la loi minière le gouvernement a l’obligation d’informer les propriétaires qu’il prétend concéder telles portions de terres, et en  condition de capacité d’exploitation, les indigènes seraient prioritaires. L’article 169 de l’OIT parle du « consentement libre et informé » qui inclut aussi le droit de dire non à une intervention publique ou privée sur les territoires indigènes si l’intervention va à  l’encontre de leurs intérêts et de leur mode de vie.  Mais il n’existe pas un seul cas où la loi ait été respectée.
La majorité des concessions sont en phase d’exploration. C’est durant  cette phase que les entreprises minières s’approchent de la population concernée, avec des « spécialistes en résolutions de conflits », pour faire des propositions et des promesses, (construire un local de réunion, repeindre un bâtiment, construire un chemin, etc). Ce processus de « mobilisation sociale » engendre souvent la division de la population.
Avec les concessions les compagnies minières ont entre leurs mains, de manière directe ou indirecte, l’administration des politiques « de développement » régionales à très long terme.
Un rapport récent de l’ONU demande au Mexique de revoir ses lois sur l’activité minière pour le respect des droits indigènes. Ce rapport, présenté au « Forum Permanent pour les Questions Indigènes » de l’ONU, souligne que le Mexique est l’un des pays d’Amérique Latine qui est parvenu à de grandes avancées législatives et institutionnelles en matière de droits des peuples indigènes. Cependant, si  le cadre légal a progressé, dans la réalité l’intensité des conflits et leur nombre croissant, ainsi que la criminalisation des protestations des personnes affectées,sont préoccupantes.
De même, le rapport critique les entreprises extractives nationales et transnationales qui manquent à leurs obligations légales et à  leurs responsabilités sociales. L’étude conclut que les conflits surgissent fréquemment à cause du manque de consultation des peuples indigènes et de l’obtention de leur consentement libre et informé, et aussi à cause de problèmes environnementaux ou liés au travail.

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