Mexique : Au Chiapas, le sous-commandant Marcos « disparait » mais le projet zapatiste se poursuit…

(Noticias Aliadas) septembre2014)

« Il n’y aura pas de musée ni de plaques de métal pour indiquer que je suis né ici. Il n’y aura personne qui dira avoir été le sous-commandant Marcos. Personne n’héritera de mon nom ni de ma charge. Pas de voyage organisé pour entendre un conférencier parler de Marcos. Ni funérailles, ni statue, ni honneurs, ni rien de tout ce qu’on fait pour promouvoir le culte de l’individu et pour dédaigner le mérite collectif. »

C’est par ces paroles que le sous-commandant Marcos, légendaire porte-paroles de l’EZLN, annonça sa « disparition », décision qui prit tout le monde par surprise. Il l’annonça le 25 mai dernier dans le Caracol de La Realidad, siège du gouvernement autonome zapatiste, dans les profondeurs de la forêt Lacandone. Pour le remplacer comme porte-parole, le sous-commandant Moisés fut nommé.

« C’est notre conviction et notre pratique que pour se rebeller et pour lutter, ne sont nécessaires ni leaders, ni caudillos, ni messies, ni sauveurs », déclara Marcos depuis la scène érigée à La Realidad, dans une atmosphère onirique créée par la pluie nocturne dans la forêt. « Pour lutter il ne faut qu’un peu de honte, un peu de dignité et beaucoup d’organisation ».

Exemple de cohérence.

L’ex porte-paroles de l’EZLN se définit lui-même comme un artifice médiatique créé par les peuples zapatistes. Ils avaient décidé de le construire et à présent de le faire disparaitre, parce qu’il n’est plus nécessaire dans une organisation qui croît dans l’horizontalité et dans le pouvoir de la base, et dont la direction n’est plus métisse mais indigène.

Les gens applaudissaient, lançaient des consignes, quelques-uns pleuraient, peut-être davantage par émotion dans l’intensité de ce moment que par tristesse. Finalement, la décision de « disparaître » de Marcos, figure qui d’une certaine façon occultait la résistance quotidienne de milliers de bases d’appui zapatistes, fut un grand exemple de cohérence pour une organisation comme l’EZLN.

« Nous aurions dû faire un effort pour qu’on se concentre moins sur la figure de Marcos, dès les premières années », admit le sous-commandant en 2009, durant une entrevue avec la journaliste Laura Castellanos. « Par la suite nous avons tenté d’y remédier mais ce n’était plus possible ».

Mais le 10 août le visage masqué de Marcos réapparut par surprise au Caracol de La Realidad, durant une conférence de presse avec les médias libres. Là, le sous-commandant Galeano – personnage dans lequel Marcos annonça s’être converti, en hommage à un zapatiste assassiné en mai dernier par des opposants au mouvement insurgé -, critiqua les « médias payés » et annonça que l’organisation parlerait exclusivement avec les médias indépendants.

La disparition de Marcos en tant que porte-parole est survenue dans un moment de maturité de l’EZLN, qui durant ses 20 années de vie a réalisé d’importantes avancées et fait preuve d’une humilité suffisante pour se transformer. Bien que durant les dernières années, l’EZLN ait été traitée comme invisible par les médias, le projet politique zapatiste continue d’aller de l’avant.

Après la trahison par le gouvernement des engagements pris avec la signature des Accords de San Andrés sur le droit des indigènes à l’autonomie, en 2003 l’EZLN décida de l’exercer unilatéralement à travers la création des Juntes de Bon Gouvernement, qui renforcèrent le principe de « commander en obéissant ».

Tout en affrontant de nombreuses difficultés, en 20 années la participation politique des femmes augmenta dans les communautés autonomes, des enseignants et des médecins se formèrent, des écoles et des cliniques furent créées, on mit au point un système de justice auquel même des personnes n’appartenant pas à l’EZLN eurent recours, car il était plus efficace que la justice institutionnelle.

Changement d’attitude.

L’insurrection armée de 1994 a su aussi faire évoluer l’attitude d’une bonne partie de la population métisse mexicaine vis-à-vis des indigènes. « Avant le soulèvement, les « coletos » (habitants de San Cristobal de Las Casas) exprimaient de manière explicite leur racisme envers les indigènes » explique à Noticias Aliadas Juan Blasco, professeur de l’Université Autonome du Chiapas. « Depuis l’insurrection, les périodiques ont beaucoup critiqué les gens de San Cristobal pour avoir maltraité les indigènes durant des siècles, et depuis lors leur attitude a changé, tout au moins dans le discours. »

En outre, le soulèvement zapatiste a été capable d’impulser un processus qui amena des peuples originaires d’Amérique à être des acteurs centraux dans la politique de leur pays. Un autre succès de l’EZLN fut de mettre en évidence la marginalisation dans laquelle vivent les peuples originaires, en mettant la cause indigène dans l’agenda politique du Mexique.

Mais le gouvernement instrumentalisa les nouvelles demandes pour mettre en place des stratégies de contre-insurrection dont la finalité est d’éloigner le peuple de la résistance. Celles-ci se déguisent en programmes d’appui aux indigènes, et peuvent se concrétiser en politiques assistencialistes ou en investissements pour infrastructures.

Toutefois « l’investissement pour infrastructure de la part du gouvernement a commencé après le soulèvement zapatiste, maintenant chaque chef-lieu municipal a son centre de santé. Mais les ressources humaines manquent et les hôpitaux sont vides… » révèle la responsable du « Réseau pour les Droits Sexuels et Reproductifs ».

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