NICARAGUA : Le Canal Interocéanique et les besoins en eau douce.

(ENVIO, septembre 2014)

Les organisations écologistes alertent sur le cadre juridique qui protège la plus grande source d’eau douce du pays et d’Amérique Centrale, le lac Cocibolca.

« La loi qui a remis à une entreprise chinoise la concession pour le construction et l’administration de la voie interocéanique qui unira les océans Atlantique et Pacifique a dérogé le cadre juridique qui protégeait le lac Cocibolca, le plus grand d’Amérique Centrale, ainsi que ses sources et ses affluents », ont dénoncé les groupes écologistes.

La « Loi Spéciale pour le Développement d’Infrastructure et de Transport Nicaraguayens concernant le Canal, la Zone de Libre Commerce et les Infrastructures Associées,  » ou Loi du Canal Interocéanique, approuvée en juin par l’Assemblée Nationale, octroie la concession pour 50 ans, renouvelable pour 50 ans de plus à l’entreprise HK Nicaragua Canal Developement Group (HKND), dont le siège est à Hong Kong, pour construire la voie interocéanique qui fera concurrence au Canal de Panama, qui se trouve à moins de 600 km de distance et sur lequel circule 5% du commerce mondial.

L’Accord Cadre de Concession et de Mise en œuvre de la loi donne des pouvoirs absolus à HKND pour la gestion des cours d’eau, en établissant que l’Etat nicaraguayen est obligé de garantir au concessionnaire « l’accès et le droit de navigation sur les rios, les lacs, les océans, et autres cours d’eau à l’intérieur du Nicaragua et sur ses eaux, ainsi que le droit d’étendre, de draguer, de dévier ou de réduire ces cours d’eau ».

En outre, il accorde à HKND l’autonomie absolue pour décider quelles terres devront être expropriées et la liberté de fixer tarifs et péages, et il oblige l’Etat nicaraguayen à renoncer à sa souveraineté s’il voulait éventuellement déposer plainte contre l’entreprise devant des tribunaux nationaux et internationaux pour un dommage quelconque durant les étapes d’étude, de construction et d’opération du projet.

Victor Campos, sous-directeur du Centro Humboldt, organisation qui promeut le développement territorial et la gestion de l’environnement, a expliqué à la revue ENVIO que « l’eau du lac Cocibolca est une ressource vitale pour toutes les populations qui vivent sur les rives du lac. Il s’agit de la sécurité hydrique de la majorité de la population nicaraguayenne qui vit dans ce bassin, un bassin qui garantit une part très importante des ressources hydriques de notre pays. »

Outre les dommages graves et irréversibles que cela pourrait causer à d’autres écosystèmes, Campos précisa que « la concession établit que l’entreprise investisseuse a un droit sur toutes nos ressources hydriques. On lui a remis un paquet complet et sans aucune restriction. L’Accord Cadre parle textuellement d’extension, de dragage, ou de réduction des cours d’eau. Il autorise à transvaser de l’eau d’un bassin dans un autre et donne des droits « sur les ressources d’eau sujettes à protection et conservation ». On a transmis toutes nos eaux, superficielles et souterraines. Pratiquement, toute la régulation et le contrôle des conditions environnementales ont été transférées à cette entreprise, et ce sera elle qui décidera de l’utilisation des ressources naturelles de notre nation ».

Campos manifesta aussi sa préoccupation « pour le consentement préalable, libre et informé que doivent concéder les communautés indigènes et les peuples originaires pour que leurs terres soient occupées par ce projet ». En communication avec un porte- parole officiel du parti majoritaire au Parlement (le FSLN) face à l’argument disant de tenir compte que, par la loi, les terres indigènes sont insaisissables, imprescriptibles et inaliénables, celui-ci répondit que « ces terres ne seraient pas aliénées puisque « ce n’était qu’une concession ». Mais cette concession ne durera pas moins de cent ans !…

Edwin Castro, chef du parti sandiniste, assura que la construction du canal garantirait une croissance économique de 10 % à 15 % à court terme et la création de deux millions d’emplois formels. Cependant, l’Alliance Nicaraguayenne et le Changement Climatique qui regroupe une vingtaine d’organisations écologistes locales, manifesta que « même si elle partage le désir de trouver des alternatives qui nous conduisent à surmonter les niveaux de pauvreté, le projet ne doit pas compromettre les possibilités des futures générations à vivre dans un environnement sain ».

Pour Campos, la construction du canal et la conservation de l’eau pour la consommation humaine « s’excluent mutuellement. Ou bien on a un canal, ou bien on a un réservoir d’eau pour la population », conclut-il.

 

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