MEXIQUE : Assassinats et disparitions dans le Guerrero

(telesurtv.net – 16 octobre 2014)

La disparition de 43 étudiants mexicains et le soupçon de leur assassinat par la police ou par le groupe criminel « Guerreros Unidos » ont rappelé brutalement la violence sanglante qui règne envers les jeunes de Iguala (Etat de Guerrero) et qui se caractérise par l’impunité dont bénéficient les auteurs.

Deux semaines se sont écoulées depuis la disparition forcée de 43 étudiants de l’Ecole Normale Rurale « Raúl Isidro Burgos » de Ayotzinapa. Depuis ce fatidique 26 septembre, les familles de ces jeunes et le peuple mexicain ont envahi les rues pour exiger leur récupération « en vie ».
Cependant, au lieu de recevoir des réponses encourageantes des autorités locales et nationales, ils se sont heurtés à une information affligeante : on avait découvert plusieurs fosses clandestines avec 28 cadavres près de la ville de Iguala (Guerrero) et on soupçonnait qu’il s’agisse des étudiants disparus.
Le jeudi quatre personnes détenues indiquèrent l’existence de quatre nouvelles fosses clandestines où elles assurèrent que se trouvaient 15 cadavres d’étudiants, mais deux jours plus tard, le gouverneur du Guerrero, Angel Aguirre, informa que des experts argentins avaient déterminé que les cadavres n’étaient pas tous ceux d’étudiants.
Face à un tel scénario, les familles des victimes exigent de la célérité dans les investigations et la justice pour les 43 jeunes disparus, qui n’ont pas été les premiers à souffrir de la violence qui règne à Iguala.

Le maire de Iguala, responsable de la répression envers les étudiants.
Le 26 septembre la police municipale tira contre des autobus qui transportaient les étudiants, faisant six morts et 17 blessés, outre la disparition de 58 étudiants, dont 15 furent retrouvés, l’un d’eux décédé. Restaient 43 disparus.
Dès qu’il connut la nouvelle, le maire de Iguala, José Luis Abarca, sollicita du Conseil Municipal une licence pour s’absenter 30 jours de sa charge, ce qui lui fut accordé, et depuis lors il a disparu. Quelques jours après sa fuite, il ferma son compte Facebook.
Abarca est marié avec María Pineda, présidente du DIF national, (Développement Intégral de la Famille), dont la famille est liée au cartel des Beltrán Leyva. Elle s’enfuit aussi et demeure disparue depuis le 30 septembre.
Le Cártel des Beltrán Leyva est une organisation délinquante de Sinaloa (Mexique). Ses leaders sont les frères Marcos Arturo, Alfredo, Héctor et Carlos Beltrán Leyvan qui étaient à la tête de deux groupes d’assassins connus sous les noms de « Los Pelones », au Guerrero, et « Los Güeros » au Sonora.

Un rapport du CISEN (Centre d’Investigations et de Sécurité Nationale) indique que ce fut le maire de Iguala qui ordonna l’attaque contre les étudiants de l’Ecole Normale qui, supposait-il, avaient prévu de se diriger vers le lieu où son épouse présentait les travaux du DIF. Le rapport précise que le maire  » avait toujours eu connaissance des faits, puisqu’il était constamment tenu informé par le directeur de Sécurité Publique Municipal. En fait, le maire aurait ordonné à Flores Velázquez de poursuivre et d’arrêter les étudiants dans le but de leur donner une leçon ».
Le beau-frère du maire, Salomon Pineda, fut également détenu le 10 octobre pour sa possible responsabilité dans la disparition des 43 étudiants et dans l’assassinat de six personnes.

Les liens de Abarca avec le crime organisé.
Les faits délictueux de José Luis Abarca datent de bien avant l’attaque des étudiants de Ayotzinapa. Le leader du PRD local dénonça que le maire d’Iguala travaillait pour le groupe criminel « Guerreros Unidos ».
Et la belle-mère du maire d’Iguala, Leonor Villa, a affirmé sur les réseaux sociaux les relations de son gendre avec le groupe criminel « Guerreros Unidos » : « Mon gendre les protège en échange d’un paiement mensuel de deux millions de pesos ( environ 153 mille dollars). Ils manipulent à leur guise tous les commandants et les policiers de Iguala » indique-t-elle dans une vidéo où elle apparait menottée et le visage flouté.
Abarca est aussi en lien avec l’assassinat en 2013 de trois leaders de l’Unité Populaire de Iguala, qui avaient été séquestrés avec cinq autres personnes qui ont pu s’échapper. Autre assassinat qui causa une polémique au Mexique : celui du responsable administratif Justino Carbajal en mars 2013. Deux semaines plus tôt, Carbajal fut agressé près de la localité par un groupe d’hommes armés, et un peu plus tard assassiné par arme à feu.
Abarca avait été porté à la mairie de Iguala comme candidat du PRD. Il assumait cette charge pour la période 2012-2015.

Témoignages des survivants.
Paradoxalement, ce 26 septembre les étudiants collectaient de l’argent pour effectuer une marche le 2 octobre en commémoration au massacre de Tlatelolco, survenu en 1968, quand furent assassinés des centaines d’étudiants qui luttaient pour leurs droits.
Un étudiant de l’Ecole Normale Rurale « Isidro Burgos » de Ayotzinapa, du nom de Marcos, survécut au massacre et au séquestre du 26 septembre, et relata l’enfer qu’il avait vécu avec ses compagnons. Selon son récit, ce jour-là, environ 70 élèves se trouvaient à bord de 3 autobus quand ils se rendirent compte qu’ils étaient suivis par des patrouilles de la police municipale.
Marcos se souvient qu’un de ses compagnons descendit du premier bus pour demander aux policiers de les laisser passer, ce fut alors qu’ils se mirent à tirer.  » Le compañero Aldo fut l’un des premiers à descendre, alors les patrouilles, sans prévenir, se mirent à tirer en rafale, vers le haut, vers toutes les vitres (…) Aldo fut le premier à recevoir le coup de feu parce qu’il était descendu. »

Marcos, qui se trouvait dans le 3ème bus, raconte que les policiers les firent tous descendre et commencèrent à les regrouper en patrouilles. « Ils les ont fait monter dans leur véhicule, mes compañeros, qui saignaient et avaient reçu des coups, certains pleuraient de peur et d’impuissance ».Le garçon expliqua que lui-même et quelques compagnons ne purent être emmenés faute de place dans le véhicule de la patrouille.
Après ce moment terrible des gens arrivèrent, des enseignants de la Coordination d’Etat des Travailleurs de l’Education du Guerrero (CETEG), quelques reporters, des passants, et d’autres compagnons de l’école. Peu après minuit, on entendit de nouveaux coups de feu. »C’est là que deux autres compañeros ont perdu la vie, » ajouta Marcos.
Un autre jeune, Omar García, confirma le récit de Marcos. Il était venu sur les lieux pour aider ses compagnons et en entendant les coups de feu, il voulut s’enfuir vers le centre de Iguala. Il tomba alors sur un groupe de militaires qui surveillaient la zone et le menacèrent: « Ferme-la, ils l’ont bien cherché ! » Pour García, l’assassinat et le séquestre de ses compañeros sont seulement « un cas de plus de gens disparus.…au Mexique et dans le Guerrero on tue des gens dans les fameux dégâts collatéraux de la jungle politique qui existe entre différentes forces (…) Nous ne voulons pas de ça. Nous voulons un Mexique juste et libre. »

Les étudiants de l’Ecole Normale Rurale « Isidro Burgos » de Ayotzinapa sont en majorité des fils de paysans. Durant des années, ils ont lutté contre la discrimination dont ils souffrent dans la répartition des places en faveur des écoles urbaines faite par le gouvernement central. Ils exigent aussi un appui économique pour leur installation et des fonds pour réaliser leurs pratiques professionnelles. Ils ont été victimes d’attaques constantes de la police.

Le cas Tlatlaya.
Le 30 juillet dernier, huit militaires exécutèrent 22 personnes à Tlatlaya, sous le prétexte qu’il s’agissait de membres du crime organisé. Mais des témoins affirment que ces personnes étaient innocentes et furent exécutées de sang froid après s’être rendues. Malgré les nombreux cas d’abus des forces policières mexicaines, le Président Enrique Peña Nieto a annoncé devant la 69ème Assemblée Générale de l’ONU que son pays se joindrait aux missions des casques bleus, appelés aussi Soldats de la Paix…
L’ONU, de son côté, considère la disparition des 43 étudiants comme « un fait d’une extrême gravité » et a exigé le recherche immédiate de ces jeunes…

 

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