CHILI – On en parle trop peu…

(Article de Marianela Jarroud, pour InterPressService)

La communauté indigène de Caspana, est située à 3300 m. d’altitude dans le désert d’Atacama. Ses 429 habitants vivent de l’agriculture familiale. Maintenant, grâce à l’effort de deux femmes, tous ont l’électricité dans leur habitation, générée par des panneaux solaires, qui font déjà partie du paysage…

Liliana Terán et sa cousine Luisa, deux femmes indigènes de l’Atacama, sont allées en Inde se former en énergie solaire photovoltaïque. Elles ont réussi à changer non seulement leur destin mais celui de toute la communauté de Caspana, cachée dans une vallée profonde de El Alto Loa, en plein désert d’Atacama, à 400 km au nord de Santiago. « Les gens ont eu du mal à accepter ce que nous avions appris en Inde. Au début ils ne voyaient pas cela d’un bon œil, parce que nous sommes des femmes, mais peu à peu ils se sont enthousiasmés et à présent ils nous respectent », reconnait Lilian.

Sa cousine Luisa rappelle qu’avant de se rendre en Asie, il y avait dans le village plus de 200 personnes qui souhaitaient disposer de l’énergie solaire, mais quand ils surent que c’était elles qui seraient chargées  de l’installation et de  l’entretien du matériel, le nombre se réduisit à 30…« C’est que dans ce village il y a un conseil constitué d’anciens qui prend toutes  les décisions. C’est un groupe dont je ne ferai jamais partie » affirme Luisa avec un soupir qui garantit que sa décision est une garantie de sa liberté.

Elle a 43 ans, est sportive, célibataire avec une fille à élever, pratique l’agriculture familiale et la peinture rupestre. Après avoir terminé l’école secondaire à Calama ( 85 km ), elle a suivi différents cours, notamment de pédagogie.

Liliana, 45 ans, mariée avec quatre enfants et quatre petits-enfants, se consacre au nettoyage du refuge du village en plus de son travail agricole. Après le secondaire elle a suivi des cours de tourisme parce qu’elle pense  que cette activité est complémentaire à l’agriculture  et permettra de freiner l’exode des gens du village.

Mais ces femmes aux yeux en amande et à la peau tannée par le soleil du désert, avec leur voix douce et leur vie de sacrifices, sont chargées d’apporter à Caspana au moins une partie de l’autonomie énergétique dont leur village a besoin pour survivre. Si Caspana compte 429 habitants, 150 seulement y vivent toute la semaine, les autres n’y reviennent qu’en fin de semaine. Et chaque année, une dizaine de familles s’en vont de Caspana pour les études des enfants et le travail des jeunes.

Jusqu’en 2013, la communauté disposait seulement d’un générateur électrique qui assurait à chaque maison deux heures et demie de lumière la nuit. Et quand le générateur tombait en panne, ce qui était fréquent, on vivait dans l’obscurité. Maintenant le générateur est seulement une alternative pour les 127 maisons qui ont acquis l’autonomie de trois  heures quotidiennes de lumière, grâce à l’installation solaire que les deux cousines ont réalisée.

Pour générer de l’énergie, chaque habitation dispose d’un panel de 12 volts, d’une batterie de 12 volts, une lampe LED de quatre ampères et d’une boîte de contrôle de huit ampères. Cet équipement a été donné en mars 2013 par l’entreprise italienne Enel Green Power, qui fut aussi responsable, avec le Service National de la Femme et le Secrétariat Régional Ministériel de l’Energie, de la formation des deux femmes au Barefoot College (Université aux Pieds Nus), organisation sociale réputée de l’Inde.

Jusqu’à présent, 700 femmes de 49 pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine ont pris part à ces cours pour devenir des « ingénieures solaires aux pieds nus ». Ce titre les rend responsables d’installer, de réparer et d’assurer l’entretien des unités photovoltaïques dans leur village, pour une période de 5 ans minimum, et d’organiser un atelier électronique rural pour garder le matériel nécessaire, qui fonctionne comme une minicentrale électrique avec une puissance de 320 watts à l’heure.

Les deux cousines partirent en mars 2012 à Tilonia, (nord-ouest du Rajasthan), où se trouve le siège de l’Université d’Education Populaire. Elles n’étaient pas seules dans l’aventure : deux femmes quechuas et une aymara qui vivent dans la région d’Antofagasta, participaient aussi au séjour.

« Nous avons reçu un avis disant qu’on recherchait des femmes de 35  à 40 ans pour se former en Inde. Ça m’intéressait beaucoup, mais quand ils me dirent que c’était pour 6 mois, j’ai hésité. Si longtemps loin de la famille ! », se souvient Luisa. Mais encouragée par sa sœur, qui allait se charger de sa fille, elle se décida.

Là-bas elles trouvèrent une réalité très différente de ce qu’on leur avait promis. Elles dormaient sur des matelas durs, les habitations étaient pleines de bestioles, elles ne pouvaient pas faire chauffer de l’eau pour leur toilette et la nourriture était complètement différente.

« Je savais que ce serait différent, mais j’ai quand même mis trois mois à m’adapter, surtout à cause de la nourriture et de la chaleur intense », dit Luisa. Aujourd’hui, entre deux rires, elle se souvient avoir eu mal à l’estomac : « Il y avait trop de fritures », dit-elle, « et j’ai beaucoup maigri parce que pendant ces six mois  je n’ai mangé que du riz ». Puis en regardant Liliana, elle éclate de rire en disant : « Mais elle aussi ne mangeait que du riz, et elle a grossi ! »

A leur retour, toutes deux ont commencé à mettre en pratique ce qu’elles avaient appris. Pour une somme modique, équivalente à 45 dollars, elle sont installé le kit solaire dans les habitations du village, construites en pierre ponce avec des toits d’argile. Actuellement, la communauté les paie 75 dollars chacune pour l’entretien bimensuel des 127 panneaux qu’elles ont réussi à installer dans le village. Mais il reste encore 40 maisons à équiper.

« Nous voulons augmenter la capacité des batteries, que les panneaux nous servent pour connecter un réfrigérateur. Mais le plus urgent est d’installer le matériel dans les 40 maisons qui en ont besoin. Toutefois, quelqu’un, dans le village, n’a pas de quoi payer le kit solaire. Il est nécessaire de prévoir un système qui fasse place aux donations. »

Les patriarches du Conseil local  reconnaissent maintenant que peu d’entre eux auraient osé s’aventurer si loin pour apprendre quelque chose au bénéfice de la communauté ! « Les gens apprécient ce que nous faisons…Nous contribuons à faire respecter davantage les femmes », dit Luisa avec satisfaction. « Je sais que cette expérience m’accompagnera toute la vie ! » constate Liliana.

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