EL SALVADOR – Avec les « pandillas »… Les filles en prison.

Ce  texte fait suite à notre info de février 2015 intitulée : « Un plan pour freiner la violence des pandillas ». Ce plan n’ayant pas été couronné de succès, le Parlement a cru bon de considérer désormais les pandilleros comme des terroristes…Grave décision…

Les internes de l’unique prison pour filles mineures s’accrochent à l’éducation pour éviter les pandillas quand elles retrouveront  la liberté.

« Dehors je n’ai plus d’amies, elles sont toutes sous la terre… » Pour Veronica, vivre recluse dans l’unique centre d’internement pour filles du Salvador a été sa bouée de sauvetage. Elle a déjà passé deux ans comme interne, a repris des études et il lui reste encore 5 années pour « feminicidio agravado » (assassinat de femme avec circonstances aggravantes).

Un temps durant lequel elle espère apprendre un nouveau métier : couture et réparation d’ordinateurs. A 17 ans, sa vie est déjà marquée pour toujours : non pas tant par l’homicide, mais pour avoir fait partie des pandillas, dont on dit qu’il n’y a pas d’issue.

Derrière le visage de ces filles on devine une enfance assiégée par la violence. « Tu es inconsciente, tu ne réfléchis pas aux choses. Puis quand tu le fais, tu es déjà ici et il est trop tard… » Une « inconscience » responsable de l’escalade de violence qui a converti le Salvador en 2e pays le plus violent du monde, avec presque 4000 homicides en un an, soit 57 % de plus que l’année précédente, après la rupture de la trêve avec les pandillas.

Et « l’inconscience » que fuient chaque jour, illégalement, des centaines de Salvadoriens en direction des Etats-Unis, pour laisser derrière eux les menaces, l’extorsion et la mort. Ceux qui ne traversent pas la frontière doivent se déplacer à travers le pays pour protéger leurs enfants, filles et garçons, des réseaux de la pandilla. On estime qu’au total, 60 000 jeunes en font partie. Maintenant on utilise les mineur(e)s pour commettre les pires délits, conscients que leurs peines seront plus légères. « Les pires criminels de ce pays ont moins de 18 ans », affirme le Procureur.

Ce sont ses camarades d’école qui ont amené Veronica à la pandilla « Barrio 18 » de la ville de San Vicente où elle vivait. « Tu es rebelle et tu trouves intéressant  de te ballader tout le temps dans les rues avec de la drogue, et avec tes copains… » Maintenant elle purge une peine pour homicide avec circonstances aggravantes, en compagnie de 71 autres filles de 13 à 25 ans…« Si je pouvais revenir en arrière, j’éviterais tout ça. Je ne cesse de le répéter à mon frère qui continue dehors ». Pour elle, être en prison lui a apporté un soulagement par rapport aux niveaux de violence de la rue et aussi l’unique façon de continuer à étudier. 100% de ces internes sont scolarisées et tous les 3 mois, un juge effectue une étude psycho-sociale : il regarde leurs notes, s’inquiète de leur conduite et de leur entourage familial.

95% d’entre elles manquent de référent paternel et beaucoup ont été remises à des réseaux de prostitution dès leur plus jeune âge. « Beaucoup arrivent dans la pandilla pour fuir la violence de leur foyer et la prostitution et se retrouvent dans de nouveaux contextes de violence », constate le Procureur des Droits Humains.

Le principal objectif de l’internement est de leur rendre une partie de leur enfance perdue : scolarisation, appui psycho-social et formation professionnelle. Aujourd’hui Veronica a des cours le matin, l’après-midi ce sont celles du secteur 2. Quant aux recluses en relation avec la Mara Salvatrucha (MS-13), il existe un 3e module pour elles, qui sont en « conditions d’isolement ». Cependant, que l’on parle avec elle ou avec le reste de ses compagnes, aucune ne reconnait appartenir à une pandilla.

« Pour nous, il n’y a que celles qui sont tatouées qui font partie de la pandilla, celles qui ont été « brincadas » (qui ont subi le rite d’entrée). » En fait, les deux pandillas, MS 13 et Barrio 18, se sont entendues sur un point : pas de filles ou de femmes au sein des pandillas. Elles peuvent souffrir des mêmes persécutions, commettre les pires délits, mais elles ne jouissent pas de la possibilité d’être considérées comme » pandillera ».

Dans ces organisations aussi, le rôle de la femme est le reflet de la culture machiste. La femme n’est qu’un objet de désir ou de vengeance… Les pandilleros poursuivent les plus attirantes pour qu’elles soient leur « novia », mais bientôt celles-ci deviennent une cible facile pour la pandilla rivale, la police et les autres jeunes de leur propre pandilla.

Carmen, la compagne de secteur de Veronica, tient dans ses bras sa seconde fille durant le temps de répit entre deux cours.  70 % des recluses sont mères d’un ou deux enfants. A deux ans les bébés sont retirés du centre et remis à des membres de la famille ou à des centres d’accueil. « Ici nous manquons des conditions nécessaires pour les garder », dit la directrice tout en s’arrêtant pour regarder la petite.

« Je me repens de ce que j’ai fait parce que ça m’a éloignée de mon enfant et de  ma mère », dit Carmen. Mais ce qu’elle ne se pardonne pas, c’est que sa mère fait partie à présent des personnes visées par les pandilleros. Pour Carmen, son erreur est celle de nombreuses filles de ce pays : tomber amoureuse d’un pandillero… Son regard est plus dur que celui de Veronica, elle a 21 ans et encore sept années de prison devant elle…

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