BRESIL – Dilma, Lula et le PT dans les cordes…

(Sources : extraits de Telesur, Rebelion, ALAI, ADITAL- Trad. B. Fieux)

Après quatre mandats successifs du PT (Parti des Travailleurs), le Brésil affronte une situation complexe avec des répercussions potentielles non seulement internes, mais pour tout le continent latino-américain.

Un jugement politique en suspens depuis décembre 2015 contre Dilma au Congrès ; une offensive juridique lancée en mars contre Lula ; de nombreux scandales de corruption qui touchent autant les membres du gouvernement et du PT que ceux de l’opposition ; des dénonciations sur l’utilisation de l’entreprise d’Etat Petrobras pour des financements illicites…

Selon Sergio Haddad, – personnalité de référence de la société civile brésilienne et analyste politique reconnu -, la situation actuelle a trois causes principales : « La politique, qui s’exprime par une profonde polarisation des partis en lutte et du fait des gouvernements de coalition; la cause économique, avec une chute continue de la croissance, et par conséquent de la redistribution sociale, et la cause éthique, qui implique les très différents scandales de corruption « .

Dilma a assumé son second mandat grâce à l’unité de la gauche et avec un discours de gauche. Mais le PT n’étant pas majoritaire au Parlement, elle a été conduite à réaliser des alliances avec des secteurs de droite et  finalement à appliquer une politique très conservatrice qui n’a fait qu’aggraver la situation économique, réunissant « croissance négative, récession et chômage » et anéantissant les plans sociaux qui avaient été le pilier le plus populaire de la gestion de Lula.

Le pays a terminé l’année 2015 avec un chômage de 6,9 %, le taux le plus élevé des huit dernières années. Et même si plus de 40 millions de Brésiliens étaient sortis de la pauvreté depuis 2003, il se produit une rechute notoire vers la situation antérieure. Avec le facteur aggravant que 75 % des nouveaux chômeurs ont moins de 24 ans.

Haddad rappelle que le Brésil, un véritable continent de 8,5 millions de km2 et plus de 200 millions d’habitants, continue d’être un pays aux énormes inégalités et avec une grande polarisation sociale, et donc un terrain propice aux protestations et aux explosions sociales. Dans le cas de l’entreprise pétrolière d’Etat Petrobras, « il y a eu beaucoup de vols … Les accusations contre le PT, ses alliés et Dilma vont demeurer pour elle comme une épée de Damoclès, même s’il est certain qu’il n’existe pas d’éléments signalant une responsabilité directe de sa part dans ce scandale ».

« La corruption, explique l’analyste, n’est pas un phénomène nouveau au Brésil. Elle fait partie de son histoire et traverse tous les secteurs de la population, quotidiennement quelqu’un paie un fonctionnaire pour résoudre une démarche officielle ou obtenir son permis de conduire, ou diminuer le montant d’une amende de trafic… Et sur le terrain politique, c’est plus grave : le financement privé des campagnes politiques électorales, les arrangements de chefs d’entreprises et d’investisseurs  avec les forces politiques, etc. « 

« La demande de destitution de Dilma n’a rien à voir avec une initiative de combat contre la corruption. Dilma n’est pas accusée d’avoir volé un seul centime. Le prétexte utilisé par les politiciens d’opposition pour tenter de l’évincer du gouvernement, est ce qu’on appelle « maquillage fiscal », c’est un procédé de gestion du budget public, de routine à tous les  niveaux du gouvernement, et qui fut adopté sous les mandats de Henrique Cardoso et Lula sans aucun problème. Elle a simplement mis de l’argent de la Caixa Econômica Federal dans des programmes sociaux pour  pouvoir clore les comptes, et l’année suivante, elle a rendu l’argent à la Caixa. Elle n’a perçu aucun bénéfice personnel et même ses pires ennemis ne peuvent l’accuser d’un acte de corruption. C’est justement pour cela que cette demande de destitution est un coup d’Etat, car Dilma n’a pas commis de crime et aucun soupçon de corruption n’a été émis contre elle. »

Contrairement à la présidente Dilma, les hommes politiques qui demandent sa destitution auraient beaucoup à se reprocher. Dans la commission de 65 députés qui analysera la demande de destitution, 37 sont dans le viseur de la justice pour corruption. S’ils réussissent à destituer la présidente, ils espèrent, en échange, bénéficier de  l’impunité pour les escroqueries commises.…

Si le coup d’Etat réussit, l’opposition appliquera toutes les propositions autoritaires que son candidat, Aecio Neves, a prévues s’il gagnait l’élection: ce président putchiste changera la législation du travail au détriment des salariés ; il révoquera la politique de valorisation du salaire minimum; il mettra en place la terciarisation de la main d’œuvre sans restrictions ; il remettra les réserves de pétrole aux corporations transnationales ; il privatisera la Banco do Brasil et la Caixa Econômica Federal ; il introduira l’éducation payante dans les universités fédérales, – premier pas vers la privatisation – ; il réprimera les mouvements sociaux et la liberté d’expression sur internet ; il donnera le feu vert à l’agronégoce pour s’approprier les terres indigènes ; il expulsera les Cubains qui travaillent dans le Programme « Plus de Médecins »…

Bien plus que le mandat de la présidente Dilma  ou le futur politique de Lula, voilà ce qui est en jeu dans la bataille du jugement politique.

C’est la capacité de mobilisation des mouvements populaires, très dynamiques,  qui pourrait changer la donne : MST (Mouvement Sans Terre), Vía Campesina, organisations urbaines, féministes, juvéniles…Ces mouvements qui appuient le PT ne souffrent pas de l’usure des forces traditionnelles… João Pedro Stedile du MST a promu  la constitution du Frente Brasil Popular qui regroupe 70 organisations nationales… D’abord créer une grande unité entre les classes travailleuses, paysans, travailleurs précarisés ou syndicalisés pour présenter un programme qui nous sorte de la crise.

Mais il ne s’agit pas seulement de paroles et de programmes… « La population, notre base sociale, assiste depuis son sofa… et c’est très mauvais… »

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