BRÉSIL – La corruption oligarchique

(Article de Hedelberto López Blanch-Rebelion-27/06/2016 -Trad. B. Fieux)

La corruption accompagne la majorité des membres de la Chambre Basse, du Sénat et du gouvernement provisoire brésilien depuis que l’oligarchie locale a réussi avec ses machinations à écarter la présidente légitime Dilma Rousseff du pouvoir. L’argent mal acquis a éclaboussé ceux qui jusqu’à un passé récent étaient nommés les « intouchables », à cause du pouvoir qu’ils exercent dans cette immense nation sud-américaine.

Tout était préparé depuis des mois pour lancer le coup d’Etat contre  la présidente légitime du Brésil, Dilma Rousseff, avec l’objectif de rendre le pays à la bourgeoisie locale, éliminer les programmes sociaux réalisés depuis 2003 et implanter le système néolibéral qui ignore les bénéfices au profit des grandes majorités.

Après la mise en place de l’impeachment (jugement politique) à la Chambre des Députés qui l’approuva par 342 votes, l’étape suivante fut le Sénat, et sanctionnée par cette instance, la mandataire fut écartée de sa charge pour six mois en l’attente d’un verdict, qui sera également aux mains de la Chambre Haute.

Il semble complètement incongru que sur les 21 sénateurs de la commission spéciale qui décida que Dilma devait aller au jugement politique, 8 d’entre eux soient impliqués dans le cas de la corruption de Petrobras. A ceux-ci s’ajoutent de nombreux sénateurs et congressistes impliqués dans des actes de corruption avec l’objectif manifeste  que soit enterré le cas Lava Jato (« lavage de voitures »), pour détournement et malversations dans l’entreprise d’Etat Petrobras.

En 2014, l’enquête qui découvrit le réseau de corruption dans l’entreprise Petrobras fut rendue publique, avec de nombreux problèmes financiers dans l’entreprise. L’opération consistait à soudoyer de hauts dirigeants de Petrobras ainsi que d’autres fonctionnaires publics pour obtenir des contrats multimillionnaires avec l’entreprise pétrolière mentionnée. Des dizaines d’exécutifs de plusieurs entreprises ont été détenus.

Récemment on a découvert chez des leaders de l’opposition et l’un des directeurs de l’entreprise pétrolière Petrobras, que le motif réel de la destitution de la présidente n’était pas vraiment l’irresponsabilité fiscale prétendue : il était nécessaire de la retirer du pouvoir pour clore l’enquête à Petrobras qui impliquait des corrompus, non seulement du Parti des Travailleurs (PT) mais aussi des ministres, sénateurs et députés des principaux partis de l’opposition. Pour échapper aux procès et à la prison, il fallait stopper cette « hémorragie » de millions de dollars qui menaçait  les hommes politiques.

De nombreux politiciens puissants impliqués ont tenté de stopper les investigations  sur Petrobras pour que la boue ne se convertisse pas en sables mouvants. Aux mains du juge du Tribunal Suprême Fédéral sont actuellement quatre des « intouchables » : l’Ex-président du Sénat Renan Calheiros, le sénateur et ex-ministre Romero Jucá, l’ex-président du Parlement, Eduardo Cunha, et l’ex-président du Brésil José Sarney, tous sous l’accusation de faire obstruction aux investigations sur Petrobras et de conspirer contre l’opération.

Deux aspects importants auxquels aspirent l’oligarchie locale et les politiciens de droite : obtenir la privatisation de Petrobras (pour s’enrichir encore davantage) et éliminer les grandes avancées sociales réussies durant les gouvernements successifs de Lula et Dilma. Mais nous pourrions nous demander comment une administration, avec un pouvoir exécutif et législatif, et de nombreuses personnes ayant des antécédents et des processus actuels contre la corruption, peuvent se maintenir au pouvoir sans que des
organisations financières internationales, des gouvernements de pays développés ou des médias occidentaux, ne les ait condamnés ou n’ait sollicité des sanctions.

Quelques données significatives : selon l’ONG Anticorruption Transparence Brésil, sur les 594 membres des deux Chambres, 59% ont des condamnations au tribunal, y compris pour blanchiment d’argent ou pour torture. Sur les 513 congressistes, 303 font l’objet de procès ou de condamnations judiciaires pour différents motifs.  Quant aux 81 sénateurs, 49 figurent avec des procès en cours ou des condamnations par la justice ou la Cour des Comptes.…

Le président de la Chambre des Députés, Eduardo Cunha, a été suspendu de sa charge pour avoir menti sur ses comptes secrets dans des banques suisses, et dans une autre pour 20 millions dans des banques uruguayennes, pour malversation de 5,7 millions de dollars. Cunha a menacé d’impliquer 150 députés, un ministre et un sénateur proches de Temer, s’il est condamné. « Si je vais en prison, je ne tomberai pas seul », a dit Cunha et il a rappelé au président provisoire que sans son appui, aucun gouvernement ne parviendra à appuyer aucun projet. »

Temer n’est pas en reste et négocie un accord général avec la Justice car il est accusé d’avoir fait en 2012 une donation de 428 000 dollars d’origine irrégulière  pour la campagne électorale de Gabriel Chalita, candidat du PMDB (Partido Movimiento Democrático Brasileño) à la mairie de Sao Paulo ; une accusation pour avoir favorisé une vente illicite d’éthanol à la fin des années 90; une autre plainte pour avoir reçu  un million  230 mille dollars de la part d’un constructeur.….

Temer et tout son appareil  oligarchique se sont lancés à essayer d’éliminer le plus vite possible les actions sociales entreprises par les gouvernements de Lula et de Dilma en faveur du peuple. Dans ce but, ils font pression pour réduire les budgets de la santé et de l’éducation ; éliminer des emplois dans  le secteur public ; repousser l’âge de la retraite à 65 ans ; privatiser de nombreuses entreprises d’Etat, dont Petrobras ; suspendre le programme « Mi Casa, mi Vida » et stopper la construction de 11 200 logements décidée par l’administration antérieure.

Durant les gouvernements du PT environ 6 millions d’emplois furent créés, pour élever le pouvoir d’achat des Brésiliens. Le projet « Mi Casa, mi Vida » permit de réaliser plus d’un million d’immeubles et espérait arriver en 2016 à 2,75 millions au total.

La pauvreté a baissé : de 26% en 2002 à 8,7% en 2015. Le budget pour l’éducation en 2015 atteignait 15,57 % du budget national, et dans la santé la couverture médicale touchait 85% de la population la  moins favorisée. Depuis 12 ans, le programme Bolsa Familia a assuré un appui à 53 millions de familles pauvres et à 17 millions d’enfants d’âge scolaire.

Dilma n’est pas accusée de corruption, mais de « ne pas avoir respecté la loi de Responsabilité Fiscale, un projet néolibéral qui limite énormément les dépenses de l’Etat pour les projets sociaux, mais par contre, permet des versements de grande fortune aux banquiers. »

En résumé, on assiste au  fameux coup d’Etat « en douce » dans lequel un président élu démocratiquement par 54 millions de votes, a été désavoué par des parlementaires autoproclamés « juges », dont  beaucoup sont imputés de corruption, détournement de fonds et blanchiment d’argent.

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