PEROU – Une continuité sans espoir

(D’après l’article de Hugo Salinas, ALAI, 08/06/2016
et « Lo que importa », de Gustavo Salinas, REBELION – Trad. B. Fieux)

Le résultat des élections générales 2016 au Pérou présente une caractéristique bien  propre aux pays dépendants : la continuité. Et pour affirmer cette continuité il n’y a pas de meilleure preuve que les deux pouvoirs de l’Etat dirigés par deux partis politiques différents : le Congrès aux mains de « Force Populaire » avec orientation capitaliste, et la présidence de la République aux mains de « Péruviens pour le changement », à orientation capitaliste également…

De cette manière, le modèle socio-économique ne sera pas en discussion. Ce sera le même, capitaliste, néolibéral, dépendant, agro-exportateur, comme on voudra l’appeler. Ce qui viendra durant ces cinq années, ce seront les jeux d’intérêt personnel et de parti, donnant la priorité à l’insécurité citoyenne et à  la corruption, sans rien faire de sérieux, et en évitant de signaler l’origine des maux.

Deux pouvoirs qui s’affronteront pour continuer avec le cirque électoral dans le cirque de la vie réelle : pauvreté, chômage, marginalisation des peuples originaires, destruction du milieu environnant, etc. Et tout cela pour que les entreprises multinationales continuent  d’empocher, avec l’aide du gouvernement, 100% de leurs bénéfices et de la corruption généralisée.

Et la gauche ? Quelle gauche ? Tandis que le FMI lui-même admet que « le libre mouvement du capital à travers les frontières génère beaucoup de bénéfices, et qu’il a des conséquences adverses pour bien des gens dans l’économie, surtout pour les pauvres », ceux de gauche du Frente Amplio ne demandent qu’une augmentation de 150 Soles pour le salaire minimum, quand les multinationales du Pérou empochent des milliers de millions de dollars par an, en monnaie sonnante et trébuchante, en ressources naturelles et en main-d’œuvre à prix de « Cholo barato ».

Auront-ils envie de résoudre la problématique des jeunes « ni-nis », des 15-24 ans, qui n’étudient ni ne travaillent, et totalisent plus d’un million de personnes ? S’intéresseront-ils au sort des trois millions de micro-entreprises, formelles et informelles, qui créent 71 % des postes de travail du secteur privé mais auxquelles, pourtant, les banques ferment leur porte et que le SUNAT (Trésor Public) réprime ?

Sauront-ils qu’il existe un million et demi de chefs d’entreprises informelles, et qu’environ 3 millions de Péruviens travaillent pour leur propre compte, 49,4 % d’entre eux le faisant « par nécessité économique » ?

Seront-ils intéressés de savoir que dans la seule Lima Métropolitaine, 38,2 % des travailleurs sont sous-employés, c’est-à-dire travaillent dans des activités pour lesquelles ils n’ont pas été formés ?

On sait que PPK sera contre le Venezuela, et sûrement aussi contre Cuba. Avec plus de précautions – pour des raisons géopolitiques – il agira aussi contre Evo, Correa, et le mouvement progressiste centro-américain. Il tentera également de nouer  des liens avec la droite chilienne, le régime de Macri, les autorités corrompues dirigées par le « nouveau » mandataire brésilien, et tous ceux qui constituent « l’opposition vénézuélienne ».

Le  peuple n’a pas voté pour PPK seulement par anti-fujimorisme. Il l’a fait aussi conscient du péril de voter pour un « Etat Narco ». Et ce péril ne s’est pas dissipé comme par magie  avec le vote du 2e tour.

La structure mafieuse qui encourage le narcotrafic subsiste, elle est intacte. Il faut la vaincre, et vaincre aussi l’action de tout l’appareil qui s’est créé dans le pays depuis 1990 et qui fut alimenté en son temps par le président Alan García. Cet appareil se  nourrit de juges corrompus, de magistrats à leur service, de procureurs toujours disposés à servir d’obscurs intérêts.

Nous avons, en matière de Droits de l’Homme, de nombreuses demandes en attente : la réparation aux victimes, la révision de sentences léonines dictées par la haine ou la barbarie, la défaite des tueurs à gages, la fin de la délinquance artificiellement utilisée pour déstabiliser la société, l’élimination des Escadrons de la Mort qui opèrent avec sauvagerie et en toute impunité, et bien d’autres thèmes.

Sur le plan de la politique sociale, il y aura des bannières que nous pourrons brandir avec plus de confiance que sous un régime fujimoriste : les droits des travailleurs, la négociation collective, le respect de la législation du travail, la santé et les pensions, l’appui aux enseignants, le soutien aux Universités d’Etat…

Il  nous faudra aussi affronter de toutes parts l’artillerie soutenue de la « grande presse ». Elle a été dès le début du côté de Keiko. Mais la grande zone de divergences sera sans doute la politique extérieure, surtout en ce qui concerne le scénario continental : Mercosur, Unasur, la Celac, l’Alliance du Pacifique  et l’Alba. En ce domaine, PPK optera pour l’Empire, et le peuple pour l’unité continentale, l’indépendance des pays, la souveraineté des Etats, et le processus émancipateur de l’Amérique Latine…

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