ARGENTINE – Barrick Gold : quand le troisième n’est pas le dernier.

(Florencia Fernández et Juan Carlos Travela – Trad. B. Fieux)

Le troisième déversement produit par Barrick Gold dans la province de San Juan, s’ajoutant à la violation de la Loi des Glaciers *, doit être l’impulsion pour amener la discussion sur l’industrie minière à un plan supérieur.

Durant le mois de Janvier, l’entreprise Barrick a annoncé un nouveau déversement dans la province de San Juan, le 3ème en un an et demi. Ceci devrait nous inciter à de sérieuses actions en vue d’en finir avec les dégâts considérables dans l’environnement dus à l’activité minière. Cependant, il semblerait que les grandes agglomérations urbaines demeurent timidement dans l’expectative, du fait que les médias hégémoniques ne donnent que des informations insuffisantes à ce sujet.

A ce nouveau déversement il nous faut ajouter la solution cyanurée préalablement dispersée dans l’environnement, et évaluée à un million de litres dans chacun des déversements précédents qui eurent lieu en septembre 2015 et 2016.

Devant ces faits, nous trouvons insuffisantes  les mesures prises  par l’Etat Argentin, d’abord l’amende de 9 millions de dollars après le premier écoulement, et ensuite les mesures  que nous avons dénoncées à la justice de la province. Pour cette raison, nous accompagnons les exigences de l’Association des Avocats Ecologistes, Greenpeace, entre autres organisations, qui réclament la cessation définitive des opérations de la Barrik dans cette zone, ce qui ne signifie rien d’autre que la simple application de la Loi des Glaciers*.

Cependant, la situation mérite une discussion plus approfondie.

Quels sont les bénéfices si l’on continue de soutenir l’activité minière ?
L’activité minière ne génère pas de travail, c’est une activité qui génère entre 0,5 et 2 emplois pour chaque million de dollars investis. Ce qui explique comment en 2014, seulement 1% de l’emploi du San Juan était produit par la mine.

En outre, la promesse de l’activité minière comme moteur de développement et pont entre les populations locales vers une meilleure qualité de vie ne s’est réalisée dans aucune des provinces qui pratiquent cette activité. Au contraire, après de nombreuses années, les indices de pauvreté et d’indigence continuent d’être plus élevés que la moyenne nationale, et il faut y ajouter les dégâts écologiques.

Donc on ruine l’espace où nous vivons, simplement pour développer une activité qui ne génère pas d’emploi mais qui assure 3% de revenus à l’Etat ( de ce qui est déclaré par cette même entreprise) et qui ne bénéficie en termes économiques qu’à un nombre réduit de personnes.

Et les relations avec l’Etat ?

Les signes émis par l’Etat ne sont pas porteurs d’espoir car, contrairement à ce que la réalité nous suggère, il soutient que le secteur minier peut être une solution au chômage et au progrès. Ceci se reflète dans ses déclarations, quand il promet aux responsables d’entreprises minières d’éliminer les rétentions à leur activité, l’une des premières décisions du pouvoir actuel.

Même si on a appliqué une amende à l’entreprise Barrick et présenté une dénonciation à la justice, il semble que le gouvernement n’accorde pas assez de sérieux à ce problème, du moins c’est l’impression que l’on peut avoir quand le président Macri se réunit avec le premier ministre du Canada et se contente d’une insignifiante marque de préoccupation de la part de celui-ci quand on lui expose les problèmes que provoque l’entreprise canadienne dans notre pays.

Il faut savoir que l’actuel ministre de l’environnement, Sergio Bergman, n’a aucune formation dans ce domaine, c’est dire l’importance que ce gouvernement accorde au sujet qui nous préoccupe. Sa première déclaration a été : « Je n’ai pas tellement de connaissances techniques dans le secteur de l’environnement ; je parle selon le sens commun… »

Que manque-t-il pour parvenir à une citoyenneté consciente des problèmes en Argentine?

Le débat sur l’activité minière et l’insoutenabilité écologique de nos productions et habitudes de consommation restent encore laissés de côté. Même avec de grandes dettes sociales, le 21ème siècle a généré des avancées positives en termes de droits dans notre pays, non sans avoir provoqué de grands débats et disputes. Malheureusement l’insoutenabilité écologique de certaines activités productives, et surtout le style de vie occidental qui a été adopté comme synonyme de progrès, n’ont pas donné lieu à des réflexions critiques.

Parmi les responsables de cette situation nous devons mentionner  le gouvernement précédent, qui a alimenté la prolifération de citoyens consommateurs  qui, par leurs pratiques et leurs projets, sont encore très loin de se préoccuper des problématiques écologiques.

En termes d’activités minières, il suffit de mentionner l’ex-gouverneur du San Juan, actuel président du parti justicialiste, (considéré comme le parti officiel du péronisme) qui a la même conception que Macri sur l’activité minière: « Il faut promouvoir l’activité minière, qui rapporte plus d’argent que le soja! » « Je suis un fervent défenseur de l’activité minière »,etc.

Ce président a tenu ce genre de réflexions durant ses trois mandats. L’insoutenabilité écologique de notre style de vie ne se limite pas au secteur minier et traverse toutes les valeurs et principes ancrés dans la société actuelle. Le consumérisme s’est enraciné dans notre société, reflet de la culture occidentale, et a créé des citoyens qui conçoivent  la prospérité ou le progrès comme la consommation de biens matériels. Le gouvernement précédent avait pour objectif de créer de nouvelles classes moyennes à partir de la consommation, sans tenir compte de la nécessité de le rendre conscient. Une nouvelle classe moyenne s’est créée, avec la capacité de consommer, mais porteuse du vieux sens commun conservateur, et dans ce cas, insoutenable.

La réponse  ne  peut venir que de l’économie écologique, qui fait de la discussion sur l’équité, la distribution, l’éthique, les processus culturels, un élément central pour la compréhension du problème de la soutenabilité.

C’est de là que doit commencer le débat pour discuter du modèle de pays et d’activités économiques alternatives à la mine. Ce débat doit impliquer les grandes masses urbaines dans la lutte politique qui accompagnerait les soulèvements de l’intérieur, et qui assoirait les bases pour que cette fois, effectivement, « le troisième soit le dernier ».

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* Loi sur les Glaciers
(par Arnaud Jouve, publiée le 01/10/2010)

L’Argentine a adopté ce 30 septembre 2010 une loi qui limite toutes exploitations près des glaciers vitaux pour l’environnement argentin. Une mesure qui soulève de vives réactions notamment dans le secteur minier où de gros projets risquent d’êtres interrompus. Par 35 voix contre 33, les sénateurs argentins ont pu faire adopter une loi, déjà votée par la chambre des députés, qui interdit toutes exploitations à ciel ouvert à proximité des glaciers argentins. Ces derniers représentent de grands réservoirs d’eau qui alimentent tous les bassins versants aussi bien du côté atlantique que du côté pacifique et qui représentent 75% des réserves hydriques du pays. Cette loi qui va d’abord faire un inventaire des glaciers stratégiques devrait garantir la qualité de l’eau des glaciers en les préservant de tout risque de pollution à proximité. Mais cette mesure remet en question l’existence de plusieurs projets miniers dont un très important programme d’exploitation de l’or par la compagnie canadienne Barrick Gold, qui envisageait d’exploiter  un très gros gisement à 5000 mètres d’altitude, à proximité des glaciers. Mais bien que la production argentine d’or ait augmenté de 6000% entre 2003 et 2008, la priorité a été donnée à la protection de l’environnement. Une loi courageuse pour l’Argentine qui, jusqu’alors, avait toujours marqué avec les gouvernements précédents un soutien indéfectible et prioritaire au développement économique.

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