CHILI – Le pays attire les migrants haïtiens.

(Noticias Aliadas, 26/05/2017 –  Trad. B. Fieux)

« Je suis parti d’Haïti à cause du manque d’emplois. J’avais étudié les sciences vétérinaires mais je ne trouvais aucun travail. On m’obligea à renoncer à ma foi chrétienne pour aller vendre des billets de loterie et pouvoir faire vivre ma famille. Malgré tout, cela ne suffisait pas, je ne disposais pas du nécessaire » nous raconte Pierre Faniel, 42 ans, natif de Fort Liberté,  au nord-est d’Haïti, une des régions les plus pauvres du pays. Pierre vit actuellement au Chili, le nouvel El Dorado de la migration haïtienne.

De même que Pierre, des jeunes de plus en plus nombreux veulent s’en aller d’Haïti à tout prix à cause de la situation économique qui  ne cesse d’empirer dans ce  pays des Caraïbes.
 » Haïti nous décourage. Je ne  veux plus rester dans un pays sans  hôpitaux ni emplois. Il n’y a rien ici ! » s’exclame Germain, 25 ans, à Noticias Aliadas. Son intention est de partir du pays le plus tôt possible.

En Haïti la pauvreté et la misère se sont accentuées. Le chômage, la fréquente dévaluation de la Gourde ( monnaie locale ), l’inflation galopante, l’augmentation du coût de la vie, la diminution du pouvoir d’achat des foyers, l’épidémie de choléra et l’insécurité alimentaire se sont installées dans ce pays épuisé durant ces sept dernières années par deux catastrophes : le tragique séisme de 2010 qui laissa un solde de 230 000 morts et 1,3 millions de sinistrés, et le passage de l’ouragan dévastateur Matthew en octobre 2016, qui tua 547 personnes et en affecta 2,4 millions d’autres.

« Si la migration haïtienne vers la République Dominicaine a commencé avec des agriculteurs, celle vers le Chili concerne plutôt les jeunes professionnels et les étudiants, des talents qui malheureusement quittent le pays parce qu’ils n’ont pas d’autre alternative, « déclare Geralda, responsable du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés ( GARR ), plateforme d’organisations haïtiennes  qui travaille sur la migration.

« A cause des conditions socio-économiques du pays, le population n’a pas les moyens de subsister. Au problème de l’emploi s’ajoutent les catastrophes naturelles. La seule manière de s’en sortir est de quitter le pays », explique Geralda qui mentionne en outre comme cause la déception par rapport  à la gouvernance du pays  et le non respect des promesses des autorités élues. « On sent qu’il y a une sorte de déception collective », ajoute-t-elle. « La situation est préoccupante, c’est une migration que l’Etat devrait contrôler pour qu’elle ne génère pas d’autres phénomènes comme la traite de personnes. »

Depuis 2016, le Chili devient lentement et sûrement le second lieu de destination de la migration haïtienne après la République Dominicaine. En Amérique du sud il a détrôné le Brésil où vit une importante communauté haïtienne qui, au cours des dernières années, a tenté d’entrer illégalement aux Etats-Unis au bout d’un long et périlleux voyage clandestin. Même si certains ont pu arriver sur le territoire états-unien, d’autres n’y sont pas parvenus.

Selon des témoignages de migrants recueillis par la presse, quand ils ne meurent pas de faim ou par des attaques d’animaux sauvages, ils sont violés dans la forêt amazonienne ou restent coincés au Mexique. En janvier de cette année, plus de 7000 migrants haïtiens sont restés bloqués à la frontière mexicaine avec les Etats-Unis.

Ce long et onéreux périple est effectué par des femmes enceintes, des enfants et des jeunes qui veulent fuir la crise économique qui frappe le Brésil. Ils traversent le Pérou, l’Equateur, la Colombie, le Panama, le Nicaragua, le Guatemala et le Mexique, durant des semaines, à pied à travers les bois et les ríos, avec l’aide de réseaux de trafiquants de migrants qui opèrent dans tout le continent. Les Haïtiens ne sont pas les seuls dans cette longue traversée. On y trouve d’habitude  des migrants dominicains, africains, cubains et d’autres voyageurs. Beaucoup de témoignages, dans lesquels les Haïtiens narrent leur mortelle trajectoire, ont circulé sur les réseaux sociaux de 2016.

Après ce trajet dangereux marqué par les vols, la faim, les viols et l’emprisonnement, certains de ceux qui ont réussi à parvenir aux Etats-Unis sont capturés et reconduits vers Haïti par l’autorité migratoire états-unienne. Depuis longtemps ceux qui redoutent d’être ainsi déportés restent dans la ville frontalière mexicaine de Tijuana.

Le Chili est le rêve de tous. Où que l’on aille en Haïti, les jeunes évoquent ce pays comme leur prochaine destination. Tant dans les réseaux sociaux les plus utilisés par les Haïtiens comme Facebook, que dans les médias traditionnels, ce phénomène social est constamment mentionné.

L’ambassadeur chilien en Haïti, Patricio Utreras, a indiqué au périodique haïtien Le Nouvelliste que les citoyens haïtiens n’ont pas besoin de visa pour entrer au Chili ; une pièce d’identité suffit, plus le billet d’avion et de l’argent en fonction de la durée du séjour. « Les Haïtiens sont très appréciés au Chili », déclare-t-il au journal.

Le voyage pour le Chili coûte environ 3000 dollars US. Il faut compter en plus de mille à 1500 dollars pour pouvoir payer les frais d’une habitation, le transport, la nourriture et les appels téléphoniques après l’arrivée. Le voyage en avion pour se rendre au Chili via la République Dominicaine coûte environ 1200 dollars. Le visa dominicain, de 180 à 200$; l’aller en bus de Haïti à la République Dominicaine, 35 à 40$. Finalement, les 20 dollars à payer à la frontière entre Haïti et République Dominicaine finissent de gonfler le budget. A cela il faut ajouter les frais de transport et les petites consommations additionnelles en République Dominicaine.

Il faut des efforts considérables pour réunir cet argent. Certaines personnes contractent des dettes énormes, d’autres liquident tous leurs biens pour parvenir à ce qu’ils nomment « l’ultime sacrifice », et d’autres recourent à des proches qui vivent aux Etats-Unis  pour financer leur voyage.

Or celui-ci peut s’avérer plus coûteux encore si l’on fait appel à des intermédiaires, les « facilitateurs » qui le planifient à  partir du Chili. Ceux-ci exigent plus d’argent que nécessaire, abusant du fait que le migrant haïtien ignore la réalité, courant le risque d’être escroqué. Des économistes haïtiens expliquent que la nombreuse communauté haïtienne qui vit au Chili et la croissance économique de ce dernier constituent les principaux motifs qui expliquent le choix de ce pays comme destination.

« Maintenant la situation s’améliore. Je travaille comme peintre en bâtiment dans une entreprise de publicité. Avec un salaire de 500 000 pesos chiliens (750 $) sans temps extra, je réussis à payer l’électricité, l’eau, les transports et la nourriture, mais aussi la scolarité et la nourriture de mes deux enfants qui vivent à Fort Liberté »,  explique Pierre, qui ne cesse de louer les nombreuses possibilités d’emplois qu’offre le Chili.

La migration haïtienne constitue un thème de discussion au plus haut niveau. Le 27 mars, le président haïtien Jovenel Moïse et son homologue Michelle Bachelet, en visite en Haïti, se sont entretenus sur les liens de coopération et d’amitié entre nos deux pays.

Ils ont signé un « Accord bilatéral pour la compatibilité ou l’équivalence et la reconnaissance d’études de cycles d’éducation basique ou fondamentale et d’éducation moyenne ou secondaire ». Moïse a déclaré à la presse : « Nous avons signé un accord pour voir ce que nous pouvons faire en termes de coopération. Il y a environ 60 000 Haïtien(ne)s au Chili. Nous allons faire tout notre possible pour leur obtenir des papiers ».

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