EL SALVADOR – Interdiction d’exploitation de mines de métaux, un pas de plus dans la lutte…

(Edgardo Ayala, dans Noticias Aliadas du 17/04/2017 – Trad. B. Fieux)

Les écologistes, l’académie, l’Eglise Catholique et les communautés en résistance contre les mines de métaux ont obtenu un triomphe historique en réussissant à ce que le Congrès salvadorien interdise par une loi cette industrie, mais la menace persiste, latente, et la lutte continue, ont dit les militants.

Le 29 mars, par 69 votes des 84 députés de l’Assemblée Législative, El Salvador est devenu le premier pays du monde à interdire par une loi, cette industrie, une exigence exprimée par le mouvement social depuis des années.

En fait, la réglementation ferme tous les accès à la mine de métaux, tant à ciel ouvert que souterraine, et interdit en outre l’utilisation de cyanure et autres composés chimiques que l’industrie emploie pour extraire l’or.

Les congressistes ont approuvé la réglementation après le 9 mars, jour où les hiérarques de l’Eglise catholique ont conduit une marche demandant à convertir en loi un pré-projet élaboré par l’Université Centroaméricaine José Simeón Cañas (UCA), qu’ils ont remis aux députés.

« L’affaire de la loi fut une victoire sans précédent, mais c’est un pas dans une lutte plus vaste que nous devons poursuivre, et maintenant l’effort est contre la mine transnationale et régionale », a dit à Noticias Aliadas le militant Luis González, de la Mesa National Frente a la Mineria Metálica, organisme qui regroupe une vingtaine d’organisations écologistes du pays.

La décision de s’opposer à ce secteur fut un triomphe historique pour la société civile salvadorienne, opposée depuis plus d’une décennie à cette industrie. Ce fut aussi un coup dur pour la transnationale australo- canadienne Oceana Gold.

En 2013 ce consortium avait acquis Pacific Rim, l’entreprise canadienne qui accusa l’Etat salvadorien devant le Centre International de Réglement des différends relatifs aux investissements (CIADI), appartenant à la Banque Mondiale, pour lui avoir refusé en 2009 le permis d’exploiter la mine El Dorado, située dans le département central de Cabañas.

Le CIADI, dont le siège est à Washington, régla la querelle et trancha en octobre dernier en faveur du Salvador, qui maintenant attend le paiement de 8 millions de dollars pour les coûts de la procédure plus les intérêts. Le 30 mars, l’entreprise exprima dans un communiqué que « le projet El Dorado et toute autre opportunité ne font pas partie de notre stratégie de négoces ».

Le risque vient du dehors.
Même si d’autres nations ont interdit l’activité de consortiums de mines spécifiques, ou ont déclaré des moratoires contre cette industrie pour les dégâts sur l’environnement, El Salvador, le pays le plus petit d’Amérique Centrale, avec 6,3 millions d’habitants, a été l’unique pays à s’opposer résolument. Malgré cela, l’ombre de l’exploitation minière se projette encore sur le pays, surtout pour les projets situés au Guatemala et au Honduras qui finiront par nuire écologiquement au río Lempa, déjà contaminé, et dont le cours est partagé par ces nations avec le Salvador.

« Nous avons recensé 8 projets miniers du côté du Guatemala, et 40 sur le Honduras qui finiraient d’affecter le pays à travers le río Lempa », précisa González.

La mine Cerro Blanco dans le municipio de Asunción Mita, dans le département de Jutiapa, Guatemala, est actuellement celle qui présente le plus grand risque, située dans une région frontalière avec le département occidental de Santa Ana, au Salvador.

Bien qu’il se trouve encore en phase d’exploration, le gisement propriété du conglomérat canadien Gold Corp, réalise déjà des déversements d’eau avec des niveaux élevés d’arsenic dans le río Ostúa, qui débouche dans le lac de Güija, que partagent le Salvador et le Guatemala, et de là, dans le Lempa du côté salvadorien.

Le Lempa, – l’un des ríos les plus longs d’Amérique Centrale qui traverse le Guatemala, le Honduras et le Salvador -,  » est l’aorte du Salvador, » indique le militant, puisque son bassin couvre 45% du territoire national, et représente 60% de l’eau qui est consommée dans ce pays, dont 30% dans sa capitale San Salvador.

« C’est pourquoi il a une importance stratégique », assura González.

Pour Oswaldo Samayoa, chercheur au Centre d’Etudes du Guatemala (CEG), le succès obtenu dans ce pays centro-américain est le début d’une lutte de toute une vie, car les thèmes sur les droits humains ne finissent jamais, surtout à présent que la menace persiste, latente, au niveau régional.

 » Nous qui sommes ici, nous ne serons plus là pour mener la bataille, et d’autres devront obtenir ces victoires », déclara Samayoa, durant un forum sur l’exploitation minière en Amérique Centrale réalisé le 30 mars au Salvador.

La lutte continue.
Bernardo Belloso, directeur exécutif de l’Association pour le Développement du Salvador, affirma à Noticias Aliadas que le succès atteint par la législation contre la minería se verrait terni si le pays doit continuer d’être affecté par les gisements des pays voisins. C’est pourquoi il trouve crucial d’impulser un travail de coordination avec des groupes écologistes de ces nations et de la région, pour créer un instrument qui permette le renforcement de cet effort conjoint.

« Nous devons miser sur la création de ce mécanisme qui nous permette de renforcer ce travail coordonné, en mesure d’expulser les entreprises minières d’Amérique Centrale », déclare-t-il.

La majorité des entreprises minières qui opèrent au Salvador, au Guatemala et au Honduras sont canadiennes, précise le rapport « L’exploitation minière en Amérique Centrale : une évaluation des impacts, de la transparence et de la fiscalité », publié en février 2017 par Oxfam et le CEG. Le rapport signale que 75% des entreprises minières du monde ont leur siège au Canada.

Bien que dans la région se trouve le « Cinturon del Oro »qui va du Mexique au Panama, ce métal présente une concentration si basse, – de 1 à 14 grammes d’or par tonne de roches -, que pour l’extraire il faut triturer et moudre d’énormes quantités de pierre et user de considérables quantités d’eau et de cyanure, détaille le rapport.

Les activités d’exploitation des mines et des carrières de pierre représentent moins de 1% du PIB de ces trois pays, et leur contribution à l’emploi est infime : moins de 0,5% du total d’affiliés à la sécurité sociale de ces nations, explique le document.

Belloso a admis que dans le passé il y a déjà eu des rapprochements avec des organisations écologiques du Guatemala et du Honduras, et du 24 au 29 avril des militants de la région tiendront un forum à Managua, – Nicaragua -, afin de définir les stratégies pour aborder le thème de l’exploitation minière régionale.

« Il y a beaucoup de travail, il faut continuer à organiser et mobiliser les gens pour qu’ils défendent leurs ressources naturelles, la lutte continue ! » conclut-il.

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