AMÉRIQUE CENTRALE – Entre violence et persécution, les réfugiés.

(Marta Sánchez Soler, 01/05/2017 – Trad. B. Fieux)

Le 9 avril débuta à Tecún Umán (Guatemala), le Chemin de Croix des Réfugiés 2017, convoqué par l’organisation  » Peuple sans Frontières » que dirige le militant Irineo Mujica. Ce chemin de croix est composé d’environ 300 migrants parmi lesquels des femmes et des enfants qui transitent par la route migratoire mexicaine pour parvenir à la ville de Mexico.

Selon un de leurs communiqués, leur intention fondamentale est « d’éviter la frontière sud, qui a relégué de nombreuses personnes sans papiers à des lieux de travail précaire, à la discrimination et à l’absence de protection de l’Etat ».

Les témoignages des participants du Chemin de Croix rendent compte de la grande crise des réfugiés qui démontre qu’en Amérique Centrale, les personnes sont déplacées de leurs terres et de leurs habitations par deux catégories de violence extrême :

  • la violence structurelle, où la population vulnérable, indigène et afro-descendante est dépouillée du peu qu’elle possédait pour faire place aux « méga-projets » miniers, touristiques, hydroélectriques…qui les laissent sans aucune possibilité de survie, et :
  • l’extrême violence criminelle qui les harcèle quotidiennement et avec ténacité, menaçant leurs vies.

La dégradation extrême des conditions de vie des pays du triangle nord centroaméricain (Honduras, El Salvador et Guatemala) a provoqué le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes obligées de fuir, non seulement par la cruauté de la pauvreté, mais pour ne pas mourir aux mains du crime organisé.

Cette initiative met le doigt sur la plaie quand elle dénonce que du fait des grandes difficultés pour obtenir les documents qui les reconnaissent comme réfugiés et de l’excessive durée de l’attente, les demandeurs restent échoués, survivant de manière précaire dans les agglomérations frontalières jusqu’à ce que leurs ressource et leur patience s’épuisent, et 30% d’entre eux renoncent et reprennent la route.

Le Mexique répond comme d’habitude : peu, tard et mal. La Loi « Réfugiés et Protection Complémentaire » établit dans son article 13 que la condition de réfugié sera reconnue à TOUT étranger qui se trouve sur le territoire national, aux conditions suivantes :

  • qu’il ait fui son pays d’origine, parce que sa vie, sa sécurité ou sa liberté étaient menacées par une violence généralisée, une agression étrangère, des conflits internes, une violation massive des Droits Humains, ou d’autres circonstances, qui aient gravement perturbé l’ordre public, et
  • que du fait des circonstances apparues dans son pays d’origine, ou comme résultat d’activités réalisées durant sa présence sur son territoire national, il ait des craintes fondées d’être poursuivi pour motifs de race, de religion, de nationalité, de genre, d’appartenance à un groupe social déterminé ou d’opinions politiques, sa vie, sa sécurité ou sa liberté pourraient être menacées par la violence généralisée, l’agression étrangère, les conflits internes, la violation massive des droits humains, ou d’autres circonstances qui auraient perturbé gravement l’ordre public.

Dans les années 80, en raison de l’arrivée de 46 000 Guatémaltèques sur notre frontière à cause des conflits armés, le Mexique créa la « Commission Mexicaine d’Aide aux Réfugiés » (COMAR) dont le but était « l’étude des problèmes et des besoins de la population réfugiée, et lui dispenser aide et protection après sa reconnaissance en qualité de réfugiée ».

En 1996, les conflits armés étant terminés au Guatemala, fidèles à notre tradition de pays de refuge, le gouvernement du Mexique annonça une nouvelle disposition qui consistait à donner la possibilité de retourner dans son pays ou de se faire naturaliser comme Mexicain pour demeurer définitivement au Mexique ; en outre, un programme d’intégration et de rapatriement volontaire était mis en place.

La situation actuelle ne ressemble en rien au Mexique des années 80. Nous ne sommes plus le fraternel pays de refuge, c’est tout juste si on reconnait qu’un grand nombre de centroaméricains méritent de recevoir les papiers de réfugiés au Mexique, tandis que les statistiques de la COMAR reflètent la réalité d’une agence qui n’a ni personnel, ni ressources, ni la volonté de remplir sa mission.

En 2015, la COMAR a reçu 3423 demandes dont seulement 929 furent approuvées. Il n’y a pas le moindre doute que la tendance va vers une augmentation substantielle qui se reflète déjà dans les demandes reçues entre novembre 2016 et mars 2017, quand se présentèrent 5421 demandes d’asile, alors que dans la même période de 2015-2016 il y en eut 2148.

Les statistiques et les témoignages indiquent que le Mexique continue de refuser une grande quantité des demandes de refuge en même temps que la détention et la déportation ont augmenté à partir de la mise en place du programme Frontera Sur ; les chiffres des déportations depuis les Etats Unis dominent, et cela se traduit que non seulement on refuse les droits des réfugiés sur le territoire national, mais on les empêche d’arriver aux Etats Unis pour demander asile.

Dans ce contexte, les migrants en transit pour le Mexique et les demandeurs d’asile ont devant eux un panorama de désolation, tandis que tous les pays impliqués, à l’arrière de la crise, réagissent à peine. Les 6 et 7 juillet 2016, eut lieu la « Table Ronde de Haut Niveau de San José », Costa Rica, organisée par l’ACNUR et l’OEA, où participèrent neuf pays d’Amérique du Nord et d’Amérique Centrale, y compris le Mexique et ses institutions nationales de Droits Humains, les organisations de la société civile, ainsi que les représentants des agences des Nations Unies, les institutions internationales comme la Banque Mondiale (BM), la Banque Interaméricaine de Développement (BID), l’Organisation Internationale pour les Migrations, le Comité international de la Croix Rouge. Les participants se sont mis d’accord sur une série de réponses consignées dans le document

Déclaration d’Action de San José :

  • assurer l’accès au territoire, ainsi que l’asile et améliorer les mécanismes de réception pour les demandeurs d’asile et réfugiés, en reconnaissant le nombre croissant de personnes qui fuient des pays centroaméricains affectés,
  • renforcer les opportunités pour l’autosuffisance et l’intégration locale des personnes réfugiées, en incluant des investissements de fond pour le développement,
  • améliorer la coopération et les alliances régionales par la responsabilité partagée, en incluant un engagement plus fort des organisations de la société civile avec des activités dans des zones clés (administration de lieux d’hébergement, prestations de conseils sociaux, entre autres).
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