BRESIL – Rencontre avec Dilma Rousseff, ex-présidente du Brésil

(Jean-Philip Struck et Clarissa Neher, Deutsche Welle – Allemagne
21/11/2017 – Trad.B.Fieux )

Durant son voyage à Berlin, l’ex-présidente du Brésil, Dilma Rousseff, s’est entretenue avec du périodique Deutsche Welle sur l’actualité politique, et spécialement, sur la nécessité pour le Brésil de « se retrouver ». Elle signala aussi que le Parti des Travailleurs ( PT) ne doit pas affronter les prochaines élections avec un esprit de vengeance. Dilma assura que, si son gouvernement fut victime d’un coup d’Etat, il est maintenant l’heure de « pardonner à la personne qui piétina la table en pensant qu’elle allait sauver le Brésil, pour se rendre compte ensuite de son erreur ». Elle dit également qu’elle ne voit aucun problème à créer des alliances entre son parti , le PT, et des figures comme le sénateur Renan Calheiros.

Jean-Philip Struck et Clarissa Neher : Comment évaluez-vous la situation actuelle du Brésil?
Dilma Rousseff : Le coup d’Etat que j’ai souffert comprenait trois phases. La première fut l’Impeachment. La seconde fut ce chaos qu’il a généré, avec l’amendement qui gèle les frais d’éducation et de santé. Ou la réforme du travail, dans un pays qui est sorti depuis peu de l’esclavage, et le processus de vente du patrimoine public. Et le troisième moment du coup d’Etat est de rendre impossible la candidature de Lula.

J.P. S. et C.N: Sur les élections de 2018, quelles sont vos expectatives ?
Au Brésil la sensation grandit que Lula est persécuté. Sur quoi se base cette affirmation ? Si vous analysez, vous verrez qu’à mesure que se réalisent de nouvelles investigations, l’approbation de Lula augmente. Le peuple du Brésil a la perception qu’il a été le meilleur président. Mon espoir est qu’il reviendra diriger le pays. A l’époque de l’impeachment, ils ( la presse et les rivaux politiques ) ont réussi à imposer comme thème central le rejet de Lula et du PT. Ils comptent sur le fait que le peuple est ignorant. Mais le peuple a noté la persécution.

J.P.S. et C.N. : Que pensez-vous des rapprochements du PT avec le Parti du Mouvement Démocratique Brésilien (PMDB) dans divers Etats du Pays. L’ex- président Lula lui-même a déjà dit qu’il « pardonnait aux putchistes » . N’est-ce pas un peu incohérent que le PT dénonce une coup d’Etat et ensuite s’unisse au parti qui l’a probablement trahi ?
D.R. Il sera difficile de faire alliance avec le PMDB au niveau national. Mais pourriez-vous rejeter une alliance avec le sénateur Roberto Requião ? Il est du PMDB et lui aussi s’est affronté au coup d’Etat. Refuserait-il l’alliance avec Kàtia
Abreu ? Elle aussi s’est opposée au Coup d’Etat.

J.P.S. et C.N. Et des figures comme le sénateur Renan Calheiros ?
D.R.- Renan n’a pas travaillé pour le putsch.

J.P.S. et C.N. Mais il a voté en faveur de l’impeachment.
D.R. – Il présidait le Sénat, il ne pouvait pas voter.

J.P.S. et C.N. – Finalement il l’a fait en faveur de l’impeachment.
D.R.- Mais il ne travaillait pas pour l’impeachment. Et ceci n’est pas l’important. Je ne crois pas que pardonner au PMDB ou au parti de la Social Démocratie brésilienne (PSDB) signifie pardonner aux putschistes. Je pense que pardonner aux putchistes c’est pardonner à une personne qui a renversé la table en croyant qu’elle était en train de sauver le Brésil et ensuite elle s’est rendu compte de son erreur. Il y aura un moment où nous nous rencontrerons. Une partie du Brésil s’est trompée, oui. Mais tu ne vas pas aller vers eux et leur dire « Nous allons te persécuter ». Nous avons besoin de créer un climat de retrouvailles, non de vengeance.

J.P.S. et C.N. – La politique brésilienne n’a-t-elle pas besoin de se rénover après l’impeachment ? Ne serait-ce pas le moment d’ouvrir un espace à de nouveaux leaderships, en particulier à gauche ?
D.R. – Cela s’appelle « comment sortir Lula de la mêlée ». Avec l’impeachment le PSDB a pris fin. Il a disparu. Qu’ont réussi les conservateurs ? Ils ont créé une extrême droite, le Mouvement du Brésil Libre (MBL) et Jair Bolsonaro. Et quoi de nouveau au Brésil ? Un administrateur incompétent du type Trump ? Ou bien Joao Dória ? Ou bien
préfèrent-ils une politique menée par des animateurs de télé, comme Luciano Huck ?

J.P.S. et C.N.- Comment est votre vie un an après l’impeachment ?
D.R. – C’est une routine qui dépend de l’endroit où je suis, que ce soit à São Paulo ou bien à Berlin. Je participe à des débats, des conférences, des caravanes…Quand je peux je fais une activité physique, je fais au moins 50 minutes de bicyclette par jour. Quand je suis à Porto Alegre, je joue avec mes petits-enfants, parfois je les emmène dormir à la maison. Ces petits ont une force inépuisable et nous n’avons plus ce niveau d’énergie. Mais être grand mère a un bon côté : jouer avec les petits et ensuite les rendre à leur mère !

J.P.S. et C.N. – Au Brésil il semble qu’il n’existe pas de rôle clair pour les ex-présidents, comme aux Etats-Unis ou dans certains pays d’Europe. Quel type d’ex-présidente voulez-vous être ?
D.R. -Je ne crois pas qu’un ex-président puisse revenir travailler dans le privé. Pour moi c’est incompatible. Nous allons devoir définir ce qu’il en est. Aux Etats-Unis c’est indiqué de manière précise.

J.P.S. et C.N. – Allez-vous chercher de nouvelles options en politique ?
D.R. – Je ne vais pas quitter la politique parce que je suis ex-présidente ou parce que je n’ai pas été élue pour certaines responsabilités. J’ai fait de la politique toute ma vie, je n’ai pas besoin d’un mandat pour cela, et j’en ferai à un rythme compatible avec mon âge.

J.P.S. et C.N. – Ou peut-être postuler pour une responsabilité précise ?
D.R. – Je n’écarte pas cette idée, mais je n’ai pas réfléchi sérieusement à ce sujet.

J.P.S. et C.N. – Croyez-vous que l’Histoire vous donnera raison ?
D.R. – L’Histoire évolue très vite au Brésil, et elle est en train de me donner raison. Eduardo Cunha, qui a présidé mon impeachment a été suspendu et condamné à neuf ans de prison. Plusieurs procès ont montré qu’il achetait des députés. Il a été prouvé aussi que les motifs invoqués pour réaliser mon impeachment étaient ridicules, que je n’ai rien fait d’illégal. Ils ont dit que l’impeachment allait résoudre la crise économique et politique, mais cette crise n’a fait que s’accroître. L’actuel président usurpateur a déjà été dénoncé deux fois, de même que le sénateur Aécio Neves. Pour tous deux des preuves existent, et ils continuent d’exercer leur charge… tandis que d’autres personnes (Dilma et Lula) ont été accusées du seul fait d’avoir été présidents.…

Ce contenu a été publié dans Les brèves, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.