Regards sur le MEXIQUE, par Enrique GOMEZ de l’association Enlace Rural (ERRAC)

(Traduction B. Fieux, février 2018 )

Les hommes politiques des différents partis mexicains disent que nous sommes sur le bon chemin, que le Président sortant a fait des actions qui ont beaucoup de valeur pour notre futur. Mais nous nous demandons : « Pour qui sont ces avantages ? »

« L’Auditeur Supérieur de la Nation » (presse), déclare que le majorité des institutions « ne voient pas les choses pour le Mexique, elles les voient pour les intérêts propres des politiciens : le poids des quotas et des « cuates » (participations illicites et amies), la cooptation – des fiscales et des juges – par les partis politiques, les a totalement discréditées. »

Entre 1994 et 2000, les Finances Publiques mexicaines sauvèrent les banques qui étaient sur-endettées par des prêts réalisés en faveur d’entreprises insolvables. L’appui aux banquiers « a coûté 521 mille millions de pesos » ( 2368 millions d’euros en valeur actuelle). 21% soutenaient des affaires illégales. La Cour Suprême de Justice trancha en faveur des banquiers.

L’Auditeur conclut : « La Cour tranche, le peuple paie et le corrompu rit. Le gouvernement lui-même a occulté l’information sur les irrégularités et les abus ». Nous continuons à payer le sauvetage des banques.

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L’action des derniers gouvernements mexicains – durant 12 ans – « nous a amenés à la violence que nous voyons, à cette insécurité que nous ressentons, nous les citoyens », déclare le directeur de l’Observatoire National Citoyen de Sécurité.

Le Ministère de l’Intérieur informe « qu’en 2017, ont été commis 62 469 assassinats ». 38% sont des exécutions du crime organisé… Et on calcule que la majorité des délits ne sont pas déclarés : ils restent impunis.

Des villages entiers, des centaines de famille fuient, quittant leur foyer parce qu’il n’y a pas une police qui assure la sécurité.… Ni l’Armée ni la Marine n’ont eu une stratégie effective : ils accourent quand il y a eu violence grave, mais ne la prévoient pas.

Le budget pour équiper et payer les corps de sécurité est gaspillé. Pendant ce temps, « on ne touche pas à la structure financière des délinquants ». Et « l’arrivée d’armes illicites au pays continue », surtout en provenance de l’Amérique du Nord.

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Les pères et les mères des 43 étudiants disparus les 26 et 27 septembre 2014, à 38 mois de l’agression par les polices municipales de Iguala et de Hitzuco, insistent pour que « l’on enquête sur le rôle joué par l’Armée Mexicaine pour sauvegarder la vie des étudiants ».

Les réponses des soldats sont contradictoires et occultent leurs témoignages dans chaque interrogatoire et dans les demandes d’information : Pourquoi les policiers ont-ils fait descendre et disparaitre les étudiants qui étaient dans le bus 1531, de la Compagnie Estrella de Oro ? Pourquoi est-ce possible qu’ils aient découvert l’héroïne qui était cachée dans le 5ème autobus pour la transporter à Chicago pour les narcotraficants de la région ?

La lenteur à révéler le lieu où se trouvent les jeunes, – futurs enseignants  des populations paysannes -, fait penser qu’entre les forces de sécurité, les autorités municipales, fédérales, de l’Etat, et les délinquants, existe une collusion. Après les investigations du Ministère public, de la Commission interaméricaine des Droits Humains, des agences légistes internationales, nous demeurons dans des suspicions et incertitudes et réclamons un soulagement juste pour les familles des jeunes séquestrés.

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Dans l’isthme de Tehuantepec, au sud-est de Mexico, habite Natalia Toledo, poétesse, fille du célèbre peintre Francisco Toledo. « A mon avis, la reconstruction continue d’être l’affaire des trois niveaux de gouvernement parce qu’il y a plus de 2000 maisons de familles qui n’ont pas été recensées ». Où va aller le financement officiel et international qui leur revient ?
Le problème ne se trouve pas seulement à Juchitán, mais à Union Hidalgo – la plus grande ville indigène ( zapotèque) du pays -, à Tehuantepec, Jalapa del Marqués, Comitancillo…En protestation, les sinistrés ont bloqué les routes et manifesté devant les mairies, sans que soient corrigées les omissions sur les listes, et sans distribution immédiate et complète des aides.

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Seuls, les 43 « comedores » communautaires, organisés par Francisco Toledo, ont apaisé la situation désespérante de la population affectée par les séismes des 7, 19 et 23 septembre et plus de dix mille répliques. La banque populaire a aussi distribué des fonds pour activer l’économie régionale, par la reconstruction de six mille fours pour faire cuire des pains et des « totopos » (tortillas grillées d’environ 30 cm de diamètre).

Les sinistrés se regroupent. Leurs leaders sont menacés. Il y a des artistes qui organisent des ateliers. Le programme citoyen : « Braves gens, donnez à manger aux 50 enfants et adolescents qui vont à l’école et reviennent pour vous aider. »

Ce qu’il y a de meilleur dans l’isthme et Mexico, ce sont ces gens, de nombreux jeunes qui peuvent collaborer au changement politique, social et économique qui est très urgent.

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La présence des femmes dans la lutte pour les droits humains et contre la discrimination permet des avancées remarquables. Début mai 2006, sur le marché de Texcoco, la police supprima les espaces de vente des paysans(nes) qui vendaient des fleurs. Ils venaient du village de San Salvador Atenco. Les comuneros de là-bas s’étaient opposés à l’invasion de leurs parcelles par les porteurs de projet du Nouvel Aéroport.

Les représailles ne se firent pas attendre : 1815 policiers d’Etat et environ 700 policiers fédéraux entrèrent à Atenco et parmi les gens appréhendés, il y avait 11 femmes qui furent violées.

Soutenues par des associations nationales et internationales, elles sont allées à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. Elles se sont présentées organisés sous le slogan : « Rompons le silence ». Elles ont demandé une investigation complète qui parvienne jusqu’aux responsables supérieurs parmi lesquels se trouvait Peña Nieto, gouverneur de l’Etat de Mexico et responsable du comportement policier, afin qu’il soit qualifié de criminel de guerre pour permettre et ordonner des tortures.

Il a fallu 11 années de lutte de ces femmes pour asseoir l’Etat Mexicain sur le banc des accusés.

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Le mercredi 6 décembre 2017, tous les membres de Enlace Rural se sont réunis dans une assemblée de fin d’année, avec des paysans représentant les villages du Semi-désert de Queretaro.

Nous nous sommes demandés si nous trouvions de la satisfaction dans notre travail. Les réponses furent une auto-évaluation spontanée :

  • J’ai expérimenté le plaisir de me former sur le plan humain et professionnel, au services des personnes marginalisées.
  • Le fromage de lait de chèvre que nous produisons ici a été reconnu comme l’un des meilleurs du centre du pays.
  • C’est une fierté de défendre le droit des pauvres et de les conseiller. Ce sera toujours un défi d’organiser l’aide de paysan à paysan.
  • Avancer dans les engagements pris avec les gens nous fait sentir que nous sommes co-responsables, nous avons gagné leur confiance et ceci est une satisfaction.
  • Je suis contente de participer au comité de crédits. Je me suis trouvée avec des gens qui pensent différemment, mais nous cherchons toujours comment appuyer ceux qui en ont besoin.
  • Je sais que je ne viens pas pour enseigner mais pour parvenir à des accords entre humains et professionnels. Nous cherchons comment mettre en valeur ce que les gens fabriquent. Nous pensons avec ceux qui cherchent de l’aide.
  • Nous sommes ici depuis des années parce que ce que nous faisons nous fait plaisir. Nous faisons un travail de qualité. Cela nous dignifie aux yeux des autres.
  • J’ai rencontré il y a des années, une femme remontant une côte très pentue. Elle faisait paître 3 ou 4 chèvres maigres. Nous intervenons pour que la vie de nombreuses femmes comme celle-ci soit plus humaine. Les gens nous ont guidés. C’est notre satisfaction
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