NICARAGUA – « Les biens de la Nation sont sacrés »…

(Carmen Herrera dans Noticias Aliadas, 08/05/2018 – Trad. B. Fieux)

« Les biens de la Nation sont sacrés et doivent être respectés ». C’est par cette phrase qu’Augusto Cesar Sandino refusa en 1926 l’exploitation minière étrangère, alors que le gouvernement de Daniel Ortega continue de livrer la richesse minière au capital transnational.

Infidèle au legs de Sandino, qui en 1926 réussit à faire fermer l’emblématique mine de San Albino, de propriété états-unienne, située au nord du pays, le président Ortega tente maintenant de la réouvrir. Dans les 10 dernières années de gouvernement du FSLN, les concessions des mines industrielles se sont accrues de 10%, atteignant 22% de la capacité totale du pays.

« Les biens de la nation sont sacrés et doivent être respectés », a dit Sandino quand on lui a proposé d’accorder autorisation d’exploitation minière dans le municipio El Jicaro, département de Nueva Segovia, qui était sous contrôle des insurgés.

Malgré cela, le régime du FSLN a légiféré en faveur des transnationales extractives, chez lesquelles on n’exige pas d’étude d’impact environnemental; 44% des approbations d’extractions sont dans les zones de réserves forestières; on a réprimé militairement les communautés en résistance, et on a décidé que seulement 10% des bénéfices resteront pour le pays, ceci sans considération des dommages environnementaux et sociaux que laisse l’entreprise quand elle décide de se retirer, entre autres mesures.

« Dans cette expansion des mines industrielles d’extraction métallique dans le pays, nous pouvonc considérer trois types d’implications : économiques, socio-culturelles et écologiques, sans que les territoires et les communes obtiennent pour cela un quelconque bénéfice visible, puisqu’elles prélèvent des taux très bas sur le transfert de la rente aux municipalités, sans transparence de l’utilisation de ces ressources fiscales, au contraire tout ce qu’elles récoltent ce sont des impacts de destruction socio-environnementale et économique très significatifs, devenant des localités colonisées et en décadence continue, jusqu’au départ de l’entreprise par épuisement de la mine, reléguant les communautés à une fin obscure et triste, « explique à Noticias Aliadas le sociologue Roland Membreño.

Dès le début du siècle passé, le Nicaragua a été le point de mire de l’exploitation minière étrangère sous le système de l’enclave. Actuellement, avec l’augmentation des prix internationaux de l’or et de l’argent, les sollicitudes ont proféré, ces métaux se trouvant parmi les principaux articles d’exportation, même quand le pourcentage qui reste au pays n’atteint pas, dans bien des cas, les 10% du total obtenu par la majorité des entreprises étrangères.

En 2013, l’or occupait le premier rang des exportations du Nicaragua, avant même le café et la viande, avec 435,87 millions de dollars, dont 13 millions seulement revenaient au pays, selon les données officielles.

Sans protection de l’environnement.

Le pays a une superficie totale de 71 000 km2 disponibles pour les concessions minières, selon le Ministre de l’Energie et des Mines. Presque 55% des 130 000 km2 que mesure le territoire national. Actuellement,
10 000 km2 se trouvent sous concession et 1500 km2 en cours d’approbation.

« Le nouveau décret, outre qu’il contrevient à tous les accords internationaux en matière d’environnement, est une machinerie de préméditation et de traîtrise dans l’assaut aux ressources locales en faveur du consortium Etat-Transnationales minières, laissant le terrain libre des obstacles légaux et institutionnels qui auparavant protégeaient
les communautés de la prédation de leurs ressources », considère Membreño.

La législation nicaraguayenne est conçue pour favoriser les entreprises minières transnationales. Elles jouissent de bénéfices fiscaux et d’appui politique du gouvernement pour imposer des types d’investissements sur les territoires, bien que le souverain, qui est le peuple, ne soit pas d’accord. « On ne peut pas parler de souveraineté quand, dans la pratique, il existe un Etat Corporatiste, qui met en tête ses intérêts au détriment des intérêts de la population, » dit à Noticias Aliadas Julio César López, du programme radio Onda Local. expert en concessions minières. Au Nicaragua les ressources minières ne sont pas nationalisées. Avec la création de l’ENIMINAS (Entreprise Nicaraguayenne des Mines) en juin 2017, même si la participation de l’Etat est permise, en association avec des entreprises privées, dans le cas des concessions minières le modèle d’intervention sur le territoire est le même que pour les transnationales.

Malgré les abus du gouvernement, agissant en faveur des grandes corporations étrangères et du capital Etat-privés, les voix des communautés affectées ne se sont pas fait attendre. Il y a eu répression et des mineurs prisonniers, mais aussi des processus de concession ont été reconsidérés, comme le cas d’une mine située dans le municipio de Rancho Grande, à 180 km au nord centre de Managua, qui après des marches, plantons, arrêt des activités économiques territoriales, entre autres activités de pression, culmina en octobre 2017 avec la déclaration gouvernementale de non viabilité de la mine de Rancho Grande à faire parvenir à Mgr Rolando Alvarez, évêque de Matagalpa, département auquel appartient ce municipio.

« Dans le cas de Rancho Grande l’instrument de lutte fut la marche, la quantité de mobilisations réalisées par la population qui contint de manière efficace l’intervention minière. La leçon qu’elle a donnée c’est que face à un environnement de faible efficacité locale ou de l’Etat, l’unique attitude efficace est la mobilisation directe des gens, la prise des rues.Le « paro » civique a eu à Rancho Grande l’ingéniosité de se focaliser comme « paro » scolaire territorial. Les pères de familles ont décidé de ne plus envoyer leurs enfants à l’école jusqu’à ce que le gouvernement refuse des concessions minières sur le territoire. » cite Membreño.

Lutte des communautés.

Une autre lutte emblématique des comunautés pour éviter les concessions minières est le cas de la Mine La India, située au nord-ouest du département de León. Ensevelie il y a 40 ans, La India est depuis lors exploitée comme mine artisanale. Des leaders communautaires disent que malgré les risques qu’implique ce type d’exploitation, ils n’ont eu aucun accident à déplorer.

« L’an dernier, durant trois mois et demi, nous avons résisté pour que l’entreprise Condor Gold, de capital anglais, ne dynamite pas la mine pour la convertir en mine à ciel ouvert, puisqu’elle est ensevelie depuis 40 ans. Nous étions assiégés par 400 policiers anti-émeutes. Nous ne les laissions pas entrer: de 6h du matin à 6h du soir les femmes protégeaient l’entrée, et les hommes la gardaient les 12 heures suivantes. Durant ce temps les mères refusaient d’envoyer leurs enfants à l’école, tout projet du gouvernement était paralysé, et finalement ils ont dû s’en aller. Nous gardons toujours les lieux bien que le gouvernement nous traite comme des délinquants, nous sommes nés ici, nous sommes en défense permanente de notre territoire, » raconte à Noticias Aliadas Caroline Hernández, de la Plateforme Nationale de Communautés contre la Mine Industrielle.

Récemment le gouvernement a annoncé qu’il réouvrira la Mine San Albino, située dans le Municipio de El Jícaro, à plus de 250 km au nord-est de Managua, où en 1926 Sandino se leva contre l’entreprise minière de la propriété de l’Etats-unien Charles Butter, au point de provoquer son départ du pays. Depuis lors, cette communauté est considérée comme le bastion de la lutte de Sandino, puisque c’est là qu’il constitua le premier groupe de sa « petite armée folle » qui allait lutter contre l’intervention des marines états-uniens entre 1927 et 1932, quand ces derniers quittèrent le pays.

90 ans plus tard, en août 2017.

Le régime d’Ortega a approuvé la concession aux entreprises Nicoz Resources, subsidiaire de la mine canadienne Golden Reign et de Condor Gold pour dynamiter l’emblématique mine San Albino, ces entreprises se trouvant en résistance de leurs habitants qui à ce jour ont refusé l’entrée de ces entreprises. « En mémoire de Sandino on ne fera rien dans ma communauté bien que ce fut un bastion sandiniste. Nous sommes menacés de faire la mine à ciel ouvert, et alors la mémoire de Sandino où est-elle? C’est la communauté qui vit la dure réalité, nous savons ce que signifie avoir de l’eau contaminée. La mine est fermée depuis 1927 quand Sandino se leva en armes avec beaucoup de mineurs, il y a 90 ans, contre l’intervention de troupes étrangères qui arrivaient dans notre pays cette année-là. Nous ne voulons pas que la mine soit réouverte parce que cela amène des problèmes écologiques aux communautés » dit à Noticias Aliadas Luisa Rodriguez de la Communauté San Albino. « Nous semons du café et des grains de base ici et nous voulons continuer dans cette dynamique productive » ajoute-t-elle. « Ils disent que la communauté ne sera pas affectée s’ils vont exploiter les forêts de San Albino. Le gouvernement se considère comme le maitre du Nicaragua, mais là-haut ils peuvent dire une chose et ici en bas, dans les communautés, nous disons autre chose ».

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