Nicaragua: le système scolaire de 2007.

avec Miguel De Castilla, récemment nommé Ministre de l’Education de la Culture et des Sports (MECD) – Sources : //rel-huita.org – Article de Giorgio Trucchi – Trad. B. Fieux.

La confiance dans le système scolaire public s’est effritée, et avec la mesure de l’Autonomie Scolaire introduite en 2003 par l’administration Bolaños, on a violé à répétition la Constitution du pays qui établit la gratuité de l’éducation.

On a institutionnalisé une politique de redevances des familles, les amenant en fait à ne pas pouvoir inscrire leurs enfants, ce qui a fait exploser les indices d’analphabétisme et mis à mal la rétention scolaire.

En outre, un système scolaire réduit à un pur négoce a corrompu le secteur au point d’en arriver à privilégier la nomination de maîtres « empiriques » pour ne pas avoir à payer leur formation. La carrière enseignante est devenue une carrière déconsidérée, dans la mesure où elle conduit les étudiants au chômage ou à un futur de pauvreté et de salaires très bas ( les plus bas de la région). La qualité de l’éducation publique en est arrivée à son niveau le plus bas, proposant un enseignement déficient et un faible investissement humain ( parmi les plus bas de la planète). Toute cette situation a favorisé l’émergence d’une multitude de collèges privés.

Actuellement on compte pour le moins 800 mille enfants et adolescents qui, chaque année, restent en dehors du système scolaire, un pourcentage de rétention scolaire très bas par rapport à la moyenne latino-américaine, un niveau d’éducation extrêmement déficient ( au dernier examen d’admission à l’Université d’Ingénierie, seulement 8 % des candidats ont obtenu la moyenne en mathématiques) et l’analphabétisme a augmenté de manière vertigineuse.

Le nouveau gouvernement qui s’est installé le 10 janvier dernier se trouve maintenant face à un défi dont la solution est difficile : non seulement il doit améliorer l’enseignement public et revenir à sa signification intrinsèque, mais aussi remotiver les milliers de maîtres accablés par la tragique expérience de ces deux décennies, et les étudiants qui ne croient plus dans ce type de travail pour assurer leur avenir.

Le lendemain de l’accession au pouvoir présidentiel de Daniel Ortega, le nouveau Ministre de l’Education, Miguel De Castilla, un universitaire expérimenté, expert reconnu dans le monde de l’éducation, a étrenné sa nouvelle charge en réunissant tous les délégués départementaux du MECD, afin de faire connaître la proposition du nouveau Plan d’Education pour les cinq prochaines années de son mandat.

Dans une longue intervention, De Castilla, accompagné de Silvia Milena Nuñez, vice-ministre et dirigeante syndicale de l’ANDEN, – historique et combative Association Nationale des Educateurs du Nicaragua – , a attaqué durement le système de l’Autonomie Scolaire et expliqué à l’assistance les axes fondamentaux de sa future gestion. Dans cette rencontre nous sommes venus annoncer la fin de ce modèle pernicieux qui a fonctionné toutes ces années, convertissant le système scolaire nicaraguayen en marché et les valeurs en monnaie.

Nous allons faire une proposition de politique éducative pour l’Education au Nicaragua et nous allons en discuter avec tous les délégués départementaux et municipaux du pays, parce que c’est ce que prévoit la Loi Générale d’Education.

Aujourd’hui commence notre tâche : consulter les gens et changer les pratiques de travail et de fonctionnement de ces Ministres d’Education néo-libéraux, car le Ministre signait des décisions sans consulter personne. Notre plan est basé sur quatre principes de politique éducative.

Le premier est “ Davantage d’Education ” et son thème sera “ Finie la récré… Allons en classe ! ” Notre proposition, continua De Castilla, est d’offrir davantage d’éducation préscolaire, primaire et secondaire, et de compter moins d’analphabètes. Nous voulons faire exploser les inscriptions cette année. Que les enfants, garçons et filles, et les jeunes ne restent pas sans étudier. C’est un effort extraordinaire que de détecter les enfants qui ne vont pas à l’école, pour quelle raison ils n’y vont pas, et d’étudier chaque cas. Nous allons entreprendre un travail d’enquête de ces cas, comprendre leur motif, qui est presque toujours la pauvreté, et le signaler à d’autres ministères du nouveau gouvernement, afin qu’ils interviennent pour lutter contre les causes qui empêchent la scolarisation des enfants… Nous chercherons comment avancer dans la lutte contre la pauvreté, non seulement économique, mais aussi culturelle. Nous agirons avec toutes les organisations de la société civile qui travaillent avec l’enfance, et tous ensemble, nous devrons travailler sur ce point parce que pour nous, l’éducation est un droit humain fondamental, un droit à la vie. ”

Autre point fort : la lutte contre l’analphabétisme, en cherchant à faire avancer parallèlement ces deux objectifs : meilleure éducation et alphabétisation. Sur ce thème, le MECD a signé un accord avec l’Association d’Education Populaire “ Carlos Fonseca Amador (AEPCFA), organisation qui effectue un travail intense d’alphabétisation avec la méthode cubaine “ Yo, sí puedo .

Le Directeur de l’AEPCFA, l’enseignant Orlando Pineda Flores, a déclaré que en deux ans et demi nous allons diplômer des milliers de personnes qui sont analphabètes, non pas un diplôme en Sciences et Lettres, mais un diplôme répondant aux besoins des personnes les plus pauvres,des paysans, pour que ce soit une éducation qui se transforme immédiatement en capacité de travail et de production. Le 5 février démarrera la campagne Pour un Nicaragua libre d’analphabétisme dans les 153 municipios du pays et nous envisageons d’arriver au 23 août 2009, anniversaire de la Croisade d’Alphabétisation des années 80, en déclarant le Nicaragua “ Libre d’analphabétisme . Nous ne pouvons pas envisager un processus très lent, ce serait trop facile. Avec l’appui total du gouvernement et l’aide de différentes organisations solidaires, nous allons atteindre cet objectif. ”

Concernant le thème de l’Autonomie Scolaire, le nouveau Ministre a déclaré que l’une des causes qui ont contribué à la privatisation de l’éducation et à la déficience des inscriptions, est la redevance dans les collèges. Nous allons éliminer ces obstacles. La redevance est contraire à la Constitution du Nicaragua et à la Loi Générale de l’Education.Nous avons besoin de très nombreux postes de travail pour tous les maîtres diplômés qui ne travaillent pas dans le système scolaire et que l’Autonomie Scolaire a méprisés, les laissant à l’écart. Ils sont restés à l’écart parce que les directeurs privilégiaient les maîtres sans diplôme, pour ne pas avoir à les payer davantage du fait de leur titre académique.Ce sera une campagne de réhabilitation de l’école publique du Nicaragua, de la morale et de son prestige, synonyme d’école gratuite et obligatoire. Le modèle d’Autonomie Scolaire prend fin pour toujours, nous allons le démonter peu à peu, municipio par municipio, parce que ce ne sera pas facile. Nous allons rencontrer beaucoup de résistance. ”

Les trois autres principes de la nouvelle politique éducative furent aussi présentés. L’un d’eux est “ Améliorer l’éducation , c’est-à-dire que non seulement il est important que les enfants aillent à l’école, mais il importe aussi d’améliorer la qualité de l’éducation qu’on leur propose, avec de meilleures écoles et de meilleures relations pédagogiques.

Le nouveau Ministre se propose de transformer l’action du Ministère en instaurant dans les salles de classe des observatoires permanents. Ceci passe par la formation des maîtres empiriques – qui constituent la majorité de ceux qui travaillent actuellement – et par l’insertion massive de ceux qui ont reçu une formation. Il est proposé, en outre, de réinstaller les ateliers d’Evaluation, de Programmation et de Formation Educative qui existaient dans les années 80.

Un programme d’action intégral, cohérent, harmonieux, qui privilégie l’ “ être ” avant le “ faire ” et qui forme l’étudiant pour son autonomie et son indépendance personnelle et sociale. Un programme qui prépare l’étudiant au présent et aussi au futur, et qui apprenne à apprendre et qui prépare à apprendre durant le reste de sa vie. Un programme qui enseigne à se préparer pour le monde du travail, avec des valeurs de base en relation avec le service des autres. ”

Le troisième et le quatrième principe concernent les thèmes Autre Education – Autre Ecole et “ Education avec optique systémique et Vision intégrale ”.

Selon De Castilla, il faut évacuer le mot argent, extirper l’administration financière des collèges.La fonction fondamentale d’un directeur et d’un centre éducatif est éminemment pédagogique. L’école doit être attractive et non servir de repoussoir. Que les enfants comprennent l’authentique signification de l’école qui leur enseigne à être, à devenir autonome, indépendant, comme le dit Paulo Freire. Une école pour fabriquer la citoyenneté, pour appliquer le droit humain fondamental de l’enfant à apprendre et comprendre que l’éducation est son droit, que l’environnement propre est un droit. L’école doit apprendre à penser, réfléchir, critiquer et proposer. Une école qui dévoile les mécanismes d’imposition idéologique et les transforme en faveur des intérêts et des besoins des majorités appauvries. Tout cela devra être travaillé en collaboration avec tous les secteurs liés à l’éducation. ”

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