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NICARAGUA : exploités, malades, et en résistance…
les travailleurs des plantations de banane et de canne à sucre.

(Sources : www.radiolaprimerisima.com –www.rel-uita.org -www.rebelion.org)

COLOMBIE : Uribe… des gestes dans le vide.
Editorial de La Jornada, 07 / 06 / 2007. – Traduction.

Des pesticides à foison…
Le modèle agro-exportateur adopté au Nicaragua au siècle dernier a laissé des séquelles évidentes : déboisement, avancée de la frontière agricole, diminution des ressources hydriques, déplacement de communautés entières, pollution des sols et de l’eau, pathologies diverses liées à l’emploi indiscriminé de pesticides. Une loi existe concernant l’emploi de ces produits mais son application dépend de trois ministères (agriculture, santé,environnement) et le manque de coordination la rend jusqu’ici inefficace. Ainsi, il y a au Nicaragua 17 produits agro-toxiques interdits en principe mais utilisés en fait dans les cultures, comme le DDT.
Cependant le pire est peut-être le stockage des produits interdits : leur destruction ne dépend pas de l’entreprise qui les a achetés mais de l’Etat, qui n’a pas les moyens logistiques de les éliminer. Aussi ces produits restent-ils sur des sites non adaptés, dans des conteneurs peu fiables, et fréquemment ils s’infiltrent dans le sol et polluent les eaux.
Depuis les années 60, au Nicaragua comme dans d’autres pays d’Amérique Centrale, des gens meurent de maladies non identifiées, surtout dans l’ouest du pays, zone fertile cultivée pour la banane et la canne à sucre. On a beaucoup tardé à établir une relation entre les pathologies des travailleurs et leur activité professionnelle. L’entreprise dit qu’elle n’est pas responsable, le médecin hésite à identifier la maladie, le Ministère de la santé (MINSA) affirme que ce problème relève de la Sécurité Sociale (INSS) et celle-ci n’a que quelques médicaments et se refuse à verser des pensions pour risque dû au travail.

C’est en 1999 qu’on commence à parler du drame du Nemagon. Des milliers d’ex-ouvriers des bananeraies de Chinandega, affectés par les pesticides utilisés dans les plantations, entreprennent de parcourir à pied, en dix jours, les 140 km qui les séparent de la capitale pour exiger de l’Assemblée nationale une loi spéciale : il s’agit d’exiger un jugement pour les multinationales nord-américaines qui ont produit, commercialisé et utilisé le produit incriminé. (Standard Fruit Company, Del Monte Fruit, Shell Oil Company, Occidental Chemical Corporation, Dole Food Corporation Inc., et Chiquita Brands International).
Les travailleurs s’installent sur la place face à l’Assemblée. “ Ils semblaient ne pas avoir peur de la mort, ni de montrer leurs corps déformés et de conter leurs tristes histoires chargées de souffrances, ces milliers d’humbles travailleurs qui ont imposé au monde de se regarder dans le miroir et de réfléchir aux horreurs engendrées par le modèle de production mis en place pour des décennies.… Ils voulaient que l’Etat travaille à donner des réponses définitives à ce genre de problème.… Et ils avaient une étonnante capacité à tourner en dérision leur propre avenir, comme pour exorciser le futur inéluctable qui les attendait … ”

La “ Citadelle du Nemagon ”.
La loi 364 votée, l’ambassade nord-américaine la déclare inconstitutionnelle. Les victimes du Nemagon reviennent en 2002, puis en 2004 pour obtenir que l’Etat prenne en charge cette urgence nationale. Le terrain où ils campent sous leurs plastiques noirs, face à l’Assemblée Nationale, a été rebaptisé “ Ciudadela del Nemagon ”. Les habitants de la capitale viennent poser des questions, connaître leurs histoires, apporter des vivres… La capitale découvre peu à peu la détermination de ces travailleurs de l’ouest du pays, et l’indifférence générale face à leurs problèmes.

L’union fait toujours la force…
La dernière marche a lieu en 2005, ils la nomment “ Marche sans retour ”. L’évolution de leur lutte les amène à unir d’autres secteurs à leurs revendications, comme les ex-travailleurs de la canne à sucre, (ANAIRC), affectés par les insuffisances rénales chroniques, et à solliciter l’appui des organisations de la société civile nationale et internationale.
Ensemble ils présentent au gouvernement une liste de revendications qui dépassent leur propre cas et envisagent des thématiques plus larges comme le reboisement, l’interdiction d’une longue liste de pesticides, les analyses des eaux polluées de l’ouest du Nicaragua, le contrôle des brûlis dans l’exploitation de la canne à sucre, des projets productifs…

… et les divergences la détruisent !
Mais tout n’est pas positif et les divisions affaiblissent leurs actions. Certains veulent continuer à exiger un jugement des multinationales nord-américaines responsables, d’autres préfèreraient négocier directement avec la multi bananière Dole, d’autres encore s’attachent à solliciter une réaction du gouvernement nicaraguayen à cette situation d’urgence.
Depuis la première marche en 1999 près de 1700 personnes sont mortes des infirmités engendrées par le Nemagon, dont 196 depuis la marche de 2005. 1600 autres ne sont plus en mesure de participer à la marche vu leur état de santé. La solidarité avec ANAIRC est au point mort pour divergence de vues…
Le gouvernement Ortega sera-t-il plus efficace ?
Actuellement, depuis le 30 mai, les victimes du Nemagon campent à nouveau devant le Parlement, pour exiger que les accords signés en 2005 avec le gouvernement Bolaños soient respectés. Car ces accords leur donnaient droit à une assistance médicale gratuite qui a été suspendue. Une commission vient d’être désignée pour traiter de ce problème…En attendant, ils sont un millier à passer les nuits sous leurs plastiques sur la place.
Le 12 juin, Victorino, l’un des leaders protestataires, découvre que leurs avocats entendent bien faire payer leurs services et réclameront au moins 40 % des indemnités obtenues. Scandalisé, il veut se passer des avocats et négocier directement avec les multis.( Celles-ci sont accusées de dommages irréversibles sur la santé des travailleurs et travailleuses qui furent exposés aux pesticides dans les plantations de bananes durant les décennies 1960 et 70.) Mais un compagnon rappelle qu’au Costa Rica, dans un cas semblable, les paysans victimes ont reçu des multis un chèque de 385 dollars avec l’obligation de signer un quitus libérant les entreprises de toute responsabilité jusqu’à la cinquième génération des affectés…

Autre cas : les plantations de canne à sucre.
Autre séquelle du modèle de production basé sur la rentabilité au détriment de la santé des travailleurs : l’insuffisance rénale chronique (IRC) qui frappe les ouvriers de la canne à sucre, toujours dans l’ouest du pays. Parmi les ex-travailleurs de ce secteur on enregistre en moyenne 59 morts par mois dues à l’IRC.
Ici la résistance est partie de la communauté indigène de Sitiaba, dans le département de León. En 2003 ils constituent le comité “ Si à la vie, non à la destruction de l’environnement ” en réponse aux agissements de l’entreprise “ Ingenio San Antonio ”, propriété de la puissante famille nicaraguayenne Pellas. Après l’ouragan Mitch fin 1998, des paysans se retrouvant dépossédés de tout, s’installent à 250 sur une zone inhabitée. Certes ils n’ont pas de titre de propriété et les propriétaires de l’Ingenio San Antonio en profitent pour les chasser sans ménagement, écrasant leurs cabanes à l’aide de tracteurs, dans le but d’installer de nouvelles plantations de canne. Les paysans cédent en se rendant compte qu’ils ne peuvent rien contre plus fort qu’eux.
Mais rapidement ils décident de s’organiser, de dénoncer ce qui s’est passé, tout en ayant conscience des difficultés. “ Nous avons organisé des réunions avec les gens des autres communautés, nous avons fait des activités culturelles sur nos problématiques. Peu à peu d’autres nous ont rejoints. Nous avons essayé de créer des liens avec les travailleurs de l’Ingenio pour leur expliquer les dangers des méthodes de culture de leur entreprise. ”…

La canne à sucre à perte de vue…
Pour planter la canne, l’Ingenio saccage toute la nature : il rase les bosquets, applique de grandes quantités de désherbants et de pesticides à l’aide d’avionnettes… Souvent les communautés de travailleurs sont entourées de plantations de tous côtés, car le propriétaire a acheté peu à peu les terrains environnants. Donc les fumigations polluent totalement l’air et l’eau, détruisent les cultures vivrières quand elles existent.
Mais le plus grave est le manque d’eau. L’Ingenio fore des puits pour sa propre irrigation. Ses pompes ont un potentiel d’extraction de 3800 litres par minute. Les puits de la communauté, tout proches et moins profonds, sont souvent à sec.… De plus, la pratique du brûlis sur les champs de canne est préjudiciable à la population car les cendres retombent partout, dans les maisons, dans la nourriture, dans les puits, et la fumée affecte les voies respiratoires.

Et la législation ?
La loi 217 sur l’Environnement et les Ressources naturelles devrait permettre de régler les différends, la Constitution de 1987 avait prévu la protection du milieu ambiant à travers un organisme de protection et de restauration des ressources naturelles (MARENA). La loi 217 dit que tout le monde a le droit à l’eau mais ne définit pas comment exploiter cette ressource. MARENA condamne l’Ingenio à quelques mesures réparatoires. Les fumigations aériennes ont été suspendues, remplacées par un système manuel. Mais l’Ingenio qui n’ignore pas que la terre et l’eau étaient déjà polluées, se dit que peu importe si la pollution est un peu plus forte. Les travailleurs auxquels les banques refusent toute forme de prêt, finissent par vendre leur parcelle à l’Ingenio qui n’attend que cela pour étendre la superficie cultivée.

“ Nous ne demandons pourtant pas l’impossible : du travail, le respect, la dignité. Il est urgent de réaliser une consultation dans l’entreprise, parce que la culture de la canne n’est pas une mauvaise chose en elle-même. Nous ne sommes pas contre le progrès, la production ou le développement, mais ici ce sont les mauvaises pratiques dans la culture de l’Ingenio qui sont en question. Nous avons fait des propositions mais on ne veut pas nous écouter.… Nous tentons de sensibiliser la population. Nous avons contacté un collège à Poneloya et les universités pour que les étudiants s’impliquent dans la protection des ressources naturelles. Mais nous avons en face de nous un monstre habitué à corrompre les leaders en achetant les consciences. ”

COLOMBIE : Uribe… des gestes dans le vide.
Editorial de La Jornada, 07 / 06 / 2007. – Traduction.

Acculé par les derniers scandales politiques, – les preuves des liens de son gouvernement avec des groupes paramilitaires et la révélation de l’espionnage téléphonique illégal réalisé par les autorités envers des journalistes et des politiciens d’opposition -, le Président colombien Alvaro Uribe tente à présent le geste spectaculaire de libérer unilatéralement deux centaines de prisonniers supposés être des guérilleros membres des FARC. La décision de leur élargissement a été prise au Palacio de Nariño après que la France et les Etats-Unis aient fait pression pour éviter que Uribe tente un sauvetage à feu et à sang, et avec un risque extrême, de quelques otages parmi la soixantaine séquestrée par les FARC, et parmi lesquels se trouvent l’ex-candidate à la présidence Ingrid Betancourt de nationalité française et prisonnière des rebelles depuis cinq ans, ainsi que trois conseillers militaires états-uniens. Le mandataire a donc eu cette idée équivalente à la quadrature du cercle pour libérer les otages sans actions militaires et sans négocier avec les insurgés : libérer un groupe de prisonniers pour toucher l’opinion publique afin qu’elle fasse pression sur les FARC et obtenir de cette manière la libération des séquestrés.

Mais l’organisation guérillera a aussitôt rejeté cette idée, déclarant que parmi les bénéficiaires du plan Uribe, beaucoup pouvaient être étrangers à l’insurrection, – et peut-être certains délinquants plutôt liés aux paramilitaires alliés du président lui-même – et réitéré sa demande initiale de démilitariser une portion de 800 km2 dans le sud-ouest colombien afin de pouvoir y réaliser les négociations d’échange de prisonniers. L’un des ex-prisonniers, le dirigeant rebelle Rodrigo Granda lui-même, séquestré depuis trois ans à Caracas par des agents secrets de Colombie, déprécia le prétendu “ geste humanitaire ” du président et signala qu’il n’agirait pas en qualité de “ médiateur de paix ” comme le lui demandait le gouvernement, à moins que les dirigeants de la guérilla le lui ordonnent.

En somme, la libération des supposés guérilleros est un acte démagogique qui prétend spéculer sur la douleur des familles des séquestrés par l’insurrection et présenter Uribe comme un homme de paix, alors qu’en réalité il est profondément engagé dans les solutions militaristes. La situation des captifs des rebelles, outre qu’elle est humainement intolérable, constitue la preuve que les FARC exercent un contrôle réel sur des zones du territoire colombien et c’est ce qui semble être le principal motif qui donne lieu aux mises en scène officielles. Le dégagement d’une zone territoriale, comme le demandent les guérilleros, confirmerait tout simplement cette réalité.

D’autre part, la récente recomposition législative aux Etats-Unis a laissé le mandataire de droite dans une situation précaire et presque désespérée, étant donné que les majorités démocrates qui contrôlent à présent le Capitole ne croient pas en la viabilité des mesures militaires comme solution aux diverses violences qui se manifestent en Colombie. Sur cette toile de fond, mis à mal par ses propres incohérences en politique intérieure, Uribe est arrivé hier à Washington pour apprendre une nouvelle désastreuse pour lui : une sous-commission de la Chambre des Représentants avait rogné de plus de 30 % les fonds d’assistance militaire à la nation sud-américaine, éliminé le budget pour l’éradication des cultures d’espèces illicites – feuille de coca, pavot, marijuana -, et restructuré radicalement l’aide des Etats-Unis : bien que la Maison Blanche ait sollicité la répartition des fonds en 76 % pour l’aide militaire et 24 % pour l’aide au développement, les législateurs avaient décidé d’accorder 55 % aux dépenses de guerre et 45 % aux programmes de développement social. Pour comble, le Congrès états-unien vient d’ annoncer qu’il ne donnerait pas suite au Traité de Libre Commerce projeté entre Bogota et Washington tant que la Colombie ne met pas fin à la persécution contre les opposants et à l’impunité des nombreux fonctionnaires et mercenaires impliqués dans des délits de lèse-humanité.

De tous les chefs d’Etat latino-américains, Uribe était habituellement le favori de la Maison Blanche. Actuellement, sa situation angoissée pourrait servir d’exemple et de leçon à d’autres gouvernants de la région qui, comme le Colombien, se consacrent à exécuter point par point et au mépris de leur propre dignité et de la souveraineté de leur nation, les directives provenant de Washington.

Nos informations sont tirées de diverses agences latino-américaines et donc à partir d’articles en espagnol.

Cependant il existe des sources d’information en français, en particulier RISAL qui offre chaque semaine sur internet un bulletin comprenant cinq ou six articles détaillés sur des sujets d’actualité. On peut s’y abonner (gratuitement) pour les recevoir régulièrement, ou consulter: //risal.collectifs.net/

De même ALAI (Agence Latino-Américaine d’Information) propose aussi des articles en français, espagnol, anglais et portugais : //alainet.org

DIAL ( Diffusion d’Information sur l’Amérique Latine ) n’existe plus sous forme de bulletin mais on peut s’y abonner en ligne et recevoir chaque mois les infos : //enligne.dial-infos.org

Articles en espagnol : www.rebelion.org — www.rodelu.net – www.prensamercosur.org — www.noticiasaliadas.org… entre autres !
Pour le Nicaragua :www.radiolaprimerisima.com (plus objective que les quotidiens)

Prochaine réunion mardi 18 septembre
20h30 Centre Social Pavigny.

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