COLOMBIE : découverte d’une fosse commune de 2000 corps (27 janvier2010)

(www.rebelion.org)

Dans le petit village de La Macarena, à 200 km au sud de Bogotá, l’une des zones les plus chaudes du conflit colombien, on a découvert la plus grande fosse commune de l’histoire récente du continent. Elle contient environ 2000 cadavres répertoriés “ NN ” : enterrés là sans identification. Depuis 2005, l’armée dont les forces d’élite étaient déployées dans les environs, déposait derrière le cimetière local des centaines de cadavres en ordonnant de les inhumer sans identification.

Le juriste Jairo Ramírez est secrétaire du Comité Permanent pour la Défense des Droits Humains. Il accompagnait une délégation de parlementaires britanniques sur les lieux quand on découvrit l’importance de  la fosse. “  Ce que nous avons vu est terrifiant, “  dit-il. “ Une infinité de corps et à la surface des centaines de plaques de bois blanches portant l’inscription : “ NN ”.Le commandant de l’armée nous a dit qu’il s’agissait de guérilleros “ tombés au combat ”, mais les gens du lieu parlent d’une multitude de leaders sociaux, de paysans et de militants des communautés disparus sans laisser de traces ”.
Alors que le Procureur annonce des enquêtes “ à partir de mars ”, après les élections législatives et présidentielles, une délégation parlementaire espagnole arrive en Colombie pour étudier le cas et rédiger un rapport pour le Congrès.

Les paramilitaires : une stratégie d’Etat financée par l’Etat, les multinationales et l’oligarchie.
L’horreur de La Macarena rappelle à la Colombie et au monde l’effroyable quantité de fosses communes, dont les coordonnées ont été obtenues récemment, après les audiences des paramilitaires qui, acceptant la loi de “ Justice et Paix ”, reconnaissent leurs crimes et livrent les coordonnées de fosses et autres détails de leur rôle dans la sale guerre menée par l’Etat. La loi “ Justice et Paix ” a été conçue par le Président Uribe, pour que ses paramilitaires bénéficient de l’impunité, ou d’une peine minime. Ainsi des centaines d’entre eux, auteurs de milliers d’assassinats, sont exonérés de la prison, après avoir exprimé leur “ repentir ” et donné des coordonnées de fosses communes. Mais les fortunes qu’ils ont accumulées par ces massacres leur restent acquises.

L’extradition enterre la vérité.
Certains ayant donné trop de détails, et dénoncé que leur formation, leur armement et leur protection venaient de l’Etat colombien, ont été extradés vers les Etats-Unis : ainsi ne pourront-ils pas citer les hommes d’Etat et les multinationales responsables des massacres, et on évitera que les noms de la grande oligarchie et des multis soient dévoilés dans leur rôle de financeurs et créateurs de l’horrible phénomène paramilitaire.
Pour les “ auteurs intellectuels ”, l’extradition des paramilitaires évite que toute la vérité soit connue. Ils envoient les paramilitaires aux Etats-Unis pour qu’ils soient jugés pour des délits mineurs et ainsi on fait silence sur les génocides et sur les noms des financeurs.

La dissuasion par la Terreur.
La stratégie de “ dissuader par la terreur ” est expliquée dans les manuels de contre-insurrection de l’Etat (cadeau des Etats-Unis). Elle consiste à inspirer une intense panique à travers les tortures et les démembrements publics pour faire taire les revendications sociales, économiques ou écologiques. En dissuadant par la terreur on déplace des populations entières. La formation des AUC (Autodéfenses unies de Colombie, groupe paramilitaire) comprenait entre autres des cours de démembrement, mis en pratique sur des gens encore vivants : d’abord un bras, puis la tête… “ Un chef des AUC dit :“ Quand nous sommes arrivés à Uraba, nous avons décapité beaucoup de gens, c’était une stratégie pour créer la terreur ”.

Armée et paramilitaires.
Les AUC ne sont pas l’armée. Ce même chef explique : “ A Uraba, quand nous avons commencé, nous laissions les corps sur place. Au bout de quelque temps le pouvoir public commença à faire pression en nous disant qu’ils nous laisseraient continuer notre travail mais que nous devions faire disparaître  les personnes. C’est ainsi qu’on a commencé  à faire des fosses communes. Nous avons assassiné des gens tous les jours, dans toutes les communautés de Uraba. ” Puis se référant à l’armée il ajoute : “ Nous étions dans l’illégalité, eux sont plus coupables que nous parce qu’ils représentaient l’Etat et qu’ils étaient obligés de protéger ces communautés, ils nous utilisaient pour combattre  la guerilla. Nous avons commis beaucoup d’homicides et nous devons en répondre mais eux aussi, ils doivent en répondre. ”

Devant l’inertie de l’Etat, la détermination des mères de La Candelaría.
Le ministère public a plus de 4200 coordonnées de fosses communes, mais a fait des recherches pour à peine 300. Les recherches d’ADN ont été utilisées dans une très faible mesure, sous prétexte que l’Etat “ manque de ressources ”alors qu’il a endetté le pays pour payer les dépenses militaires et paramilitaires. Aussi, début 2007, une délégation de Mères de La Candelaria tint plusieurs réunions avec des chefs paramilitaires – aujourd’hui extradés aux Etats-Unis – et ceux-ci leur localisèrent approximativement les fosses. Dans la commune 13 de Medellin, plusieurs familles décidèrent de se munir d’outils et d’essayer de déterrer leurs morts.

La commission britannique qui visita récemment la Colombie écouta de multiples témoignages de violations de droits, d’exécutions extra-judiciaires, d’assassinats, de déplacements forcés, de disparitions, de criminalisation de l’opposition politique, de vols des terres des paysans au profit de multinationales. La commission conclut : “ Après avoir entendu de tels témoignages nous pensons que l’armée colombienne est responsable de la plupart des violations de droits humains contre la population civile… L’activité paramilitaire persiste surtout dans les zones rurales et à  l’évidence des liens existent toujours entre paramilitaires et forces armées. ”

Quelques données :

  • au moins 50 000 personnes (séquestrées et torturées) ont disparu sous la logique de “ dissuader la revendication par la terreur ”.
  • plus de 4 millions de personnes ont été déplacées de leurs terres par les massacres des militaires et paramilitaires, dans le contexte de la “ terre brûlée ” pour vider la campagne de sa population et offrir ainsi aux multinationales des terrains de haut rendement économique, sans habitants ni revendications.
  • 6 millions d’ha ont ainsi été dérobés aux victimes et déplacés,
  • plus de 2649 syndicalistes assassinés,
  • plus de 7500 prisonniers politiques, dont beaucoup sont victimes de montages judiciaires.

Sans l’énorme “ aide ” belliciste reçue de l’extérieur, sans ses appuis militaires et médiatiques, sans sa stratégie paramilitaire de terrorisme d’Etat, l’Etat colombien n’aurait pas pu perpétrer une telle barbarie. Et le peuple colombien aurait pu marcher vers sa véritable indépendance, loin de tant de mort et de douleur.

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