HONDURAS :coup d’Etat militaire – résistance populaire – crise institutionnelle – impunité. (janv.2011)

(Source :  Lista Informative “ Nicaragua y más ”)

Au milieu de fortes pressions, menaces et harcèlements, la Commission de la Vérité (CdV) poursuit son minutieux travail pour tenter de faire la lumière sur les faits survenus avant, pendant et après le coup d’Etat au Honduras le 28 juin 2009. Il s’agit de signaler les responsables des milliers de violations de droits humains. Entretien avec Mirna Perla Jiménez, membre de la CdV, magistrate de la Cour Suprême de Justice de El Salvador, présidente de la Commission des Droits Humains de El Salvador.

– Quelles sont les avancées de votre travail ?
Nous sommes à six mois de terminer la phase de recueil d’informations sur les violations des droits humains enregistrées à partir du coup d’Etat. Et nous trouvons une situation très particulière et anormale. Normalement les faits se constatent après la fin d’un conflit, alors qu’au Honduras le conflit n’est pas terminé et une situation de rupture institutionnelle persiste. La répression contre les paysans du Bajo Aguán, un conflit agraire dû à une structure injuste de l’Etat qui  permet l’appropriation et l’accumulation de terres et de richesses par quelques personnes, les violations de droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, le manque de respect des institutions pour enquêter et sanctionner les responsables, sur tout ceci nous devons enquêter, analyser et établir des documents.

– Croyez-vous que le pays est pacifié comme l’affirme le gouvernement de Porfirio Lobo ?
De nombreux pays disent que la crise occasionnée par le coup d’Etat n’est pas terminée. Le mandat du président Manuel Zelaya a été interrompu de manière violente. On a organisé des élections auxquelles la majorité de la population a décidé de ne pas participer. On continue de réprimer les secteurs sociaux et populaires qui veulent le retour à l’institutionnalité et qui s’opposent à un gouvernement qui n’est pas issu de la volonté du peuple. Nous sommes dans une situation de violation généralisée des droits des gens, dans un Etat faible et en crise. Cependant et malgré la répression, les gens ont surmonté la peur et en sont arrivés à exiger que leurs droits soient respectés, de même que les institutions.

– La situation est compliquée…
Si cette situation perdure, elle peut être une menace qui risque d’affecter les pays voisins comme le Salvador où le processus de démocratisation est encore faible et où le gouvernement se sent menacé, ou encore le Guatemala. Au Honduras se joue actuellement la possibilité d’une avancée démocratique de la région ou d’un retour vers la dictature…

– Est-ce que l’impunité règne toujours ?
En tant que Commission de la Vérité nous n’avons pas trouvé, de la part de l’organe judiciaire, l’ouverture nécessaire pour réintégrer les juges qui furent expulsés pour leur engagement dans l’institutionnalité. Ce serait une manière de démontrer qu’il y a des avancées dans l’indépendance judiciaire. En outre nous ne connaissons aucun cas où l’on ait poursuivi les responsables de délits commis contre  la population. Il y a une grande faiblesse des trois principaux pouvoirs de l’Etat et ceci met encore plus en évidence la crise institutionnelle du  pays, et aucun signe ne nous indique la fin de l’impunité.

– Le fait d’avoir créé un Secrétariat des Droits Humains n’est-il pas un signe que le gouvernement veut protéger ces droits dans le pays ?
Tant que le discours ne coïncide pas avec la réalité il est bien difficile qu’il y ait des résultats concrets et positifs. Cela semble plutôt un rideau de fumée, parce que ce n’est pas le fait de créer davantage d’institutions qui permet de dire qu’il y a des avancées. Ce que nous voyons, c’est plutôt une violation massive des droits humains avec le consentement de l’Etat.

– Le secrétaire général de l’OEA, José Miguel Insulza, déclare qu’il est temps que le Honduras réintègre cette organisation. Qu’en pensez-vous ?
(Le Honduras avait été rejeté de l’OEA, (Organisation des Etats Américains) après le coup d’Etat qui expulsa le président Zelaya du pouvoir.) Il y a des normes internationales et une Charte Démocratique à respecter. Tant qu’existe la rupture institutionnelle, la violation des droits humains, le non-respect de la démocratie, on ne peut envisager de réintégrer le Honduras dans l’OEA, ni reconnaître un gouvernement issu de  cette situation de crise. L’ex-président Manuel Zelaya ne peut pas encore rentrer dans son pays, les pouvoirs de l’Etat n’ont ni indépendance ni impartialité ni efficacité pour protéger les droits des personnes, ni pour donner des réponses au droits d’accès à  la justice des gens.
Heureusement les temps ont changé et la communauté internationale a évolué et mûri, la preuve en est que ce gouvernement ne réussit pas à s’imposer sur la scène internationale. J’espère qu’en tant que CdV nous pourrons contribuer à la véritable recherche de la vérité, à la réconciliation mais avec justice, avec réparation aux victimes, avec le renforcement des institutions qui garantiront une participation réelle des différents secteurs du pays.

Le régime en place criminalise l’opposition (www.noticiasaliadas.org)

L’approbation par le Congrès hondurien de la polémique loi contre le Financement du Terrorisme, le 18 novembre, est destinée à criminaliser l’opposition politique. Elle oblige les ONG et les organisations de la société civile à informer l’Etat sur leurs donations économiques supérieures à deux mille Euros et destinées aux véhicules et à l’équipement. Ces entités doivent démontrer que leurs dons seront utilisés pour l’avancée sociale et non pour organiser des marches de protestation qui déstabilisent le pays. Pour le gouvernement, il ne s’agit pas en fait de contrôler si les ressources sont effectivement investies dans le social,  mais “ d’intervenir dans l’agenda et d’éviter l’appui aux organisations qui soutiennent le FNRP (Front National de Résistance Populaire) ou qui impulsent des processus de changement social. ”

Cette loi fut approuvée après la comparution du gouvernement hondurien, début novembre, devant le Conseil de Droits Humains des Nations Unies, dont le rapport soulignait la situation d’impunité qui règne au Honduras depuis le coup d’Etat.
A cela s’ajoute le témoignage de Arturo Valenzuela, secrétaire adjoint du Département d’Etat des Etats-Unis pour les affaires hémisphériques : Valenzuela, en visite début décembre à Tegucigalpa, déclare que son pays partage avec la communauté internationale la préoccupation pour la situation des Droits Humains et l’impunité.

Ce diplomate états-unien d’origine chilienne a souligné l’insatisfaction de son pays pour l’impunité après les assassinats de militants et de journalistes. Du 28 juin au 31 décembre 2009, 53 personnes furent assassinées pour des motifs politiques, en majorité des syndicalistes, des étudiants et des hommes politiques de gauche, crimes pour lesquels il n’y eut ni enquête ni jugement. De même, dans les six premiers mois de 2010, 9 journalistes furent assassinés, faisant du Honduras l’un des pays les plus dangereux de l’hémisphère pour la profession.
Valenzuela affirma aussi que la réintégration du Honduras dans l’OEA dépendra du retour de Zelaya qui se trouve toujours isolé en République Dominicaine.

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