NICARAGUA : Le Canal Interocéanique : (suite de l’article du site CALJ ) Quelques réactions…

(ENVIO)

Le 12 juin, à la veille de l’approbation par l’Assemblée Nationale de la concession du Canal, 20 mouvements sociaux et politiques du pays signèrent un Manifeste pour la Défense de la Souveraineté Nationale, qu’ils intitulèrent : « Le Nicaragua n’est pas à vendre! ». Leurs arguments étaient virulents… Ils appelèrent à une manifestation devant l’Assemblée Nationale pour le lendemain ; vu la hâte de la convocation, elle s’avéra significative mais réduite à 150 personnes.

Le 24 juin, plus de cent Nicaraguayens de diverses tendances et reconnus pour leur apport au pays, publièrent un autre  « Manifeste pour la défense de la souveraineté nationale ». Après avoir décrit en détails les onéreuses conditions dans lesquelles la concession du Canal fut donnée à Wang Jing, ils concluent : « Ceci démontre qu’au Nicaragua ce qui règne est un système autoritaire, qui soumet les institutions à l’arbitraire de décisions sans consultations  qui concernent pourtant toute la nation et son avenir, sans aucune considération de l’ordre constitutionnel ni des lois en vigueur, ni des intérêts nationaux souverains…Un second canal interocéanique en Amérique serait d’une incontestable utilité pour le commerce international.. Mais la mondialisation et le commerce ne signifient en aucune manière que les pays doivent renoncer à leur souveraineté ni à leurs richesses naturelles, en les cédant à des compagnies ou des pays étrangers. Au contraire, les gouvernements qui respectent la dignité nationale défendent leur souveraineté et protègent jalousement leur patrimoine écologique et leur environnement et les sauvegardent en s’insérant dans la mondialisation. Nous appelons tous les Nicaraguayens, sans distinction aucune de classe, à prendre conscience de cette violation sans précédent contre l’intégrité de notre patrie, et de la nécessité d’élever unanimement nos voix en protestation et en condamnation du traité Ortega-Wang Ying, en exigeant son annulation immédiate. »

Le CIRA (Centre pour l’Investigation des Ressources Aquatiques) prend  la parole :
En juillet 2012 avait eu lieu le forum « Bassin des Grands Lacs et du Rio San Juan : colonne vertébrale du développement nicaraguayen ». On commençait à parler de la construction du Canal Interocéanique. Salvador Montenegro, directeur du CIRA,  avait dit notamment : « Malheureusement nous n’avons pas encore pu convertir notre richesse hydrique en prospérité, en bénéfice économique et social. Ceci nous oblige à nous mettre dans les mains de tierces personnes qui prennent les décisions, ce qui est risqué parce que nos alliés ont des intérêts stratégiques et commerciaux, ils n’agissent pas par solidarité. C’est à nous de nous occuper de la soutenabilité. Si on me demande quel est le projet le plus viable dans la durée, je pense que c’est le projet d’irrigation, parce que pour irriguer nous avons besoin d’une eau de bonne qualité. Nous devons prendre soin de l’eau des Nicaraguayens et nous avons la capacité et l’obligation de maintenir la qualité de notre eau. La qualité est la caractéristique la plus importante à laquelle nous devons prêter attention. Parce que n’importe quel bateau flotte sur l’eau, même sale, même si c’est du pétrole, mais l’eau polluée ne sert ni à irriguer ni a satisfaire la soif, qui est l’usage le plus important. Et aujourd’hui l’eau à boire a un prix très élevé. »

La Viabilité financière.
L’ingénieur civil Guillermo Nóffal Zepeda qui évalua les projets de l’OEA entre 1966 et 1974, a communiqué aux médias nicas un résumé de son étude : »Viabilité financière du Grand Canal du Nicaragua ». Il y compare les coûts du Canal de Suez et du Canal de Panama, concluant notamment : »Malgré tant de supposition optimiste, on ne peut donner aucune garantie de viabilité financière au Grand Canal. Bien au contraire : les pertes annuelles varieraient entre 3047 et 2698 millions de dollars durant les 36 ans de vie utile, pour une moyenne de 2870 millions par an. Chaque habitant devrait verser au Grand Canal environ 500 dollars annuels durant 40 ans pour le plaisir douteux d’avoir un Canal Interocéanique. Sans aucun doute, le Grand Canal n’est pas autre chose qu’une mégatromperie qui aura une très mauvaise répercussion internationale  pour tout le pays dans le futur immédiat. Même s’il est louable que les gouvernements tentent de trouver un  projet national qui sauve le Nica de la situation économique déplorable dans laquelle il se trouve, il est regrettable qu’ils n’aient pas « découvert » le projet, plus grand, meilleur, et aux avantages multiples, que le Nica ait connu : celui que l’ingénieur Modesto Armijo présenta en 1975 pour « Sauver les lacs », bien moins coûteux qu’un canal interocéanique. »
(voir le résumé de ce projet : //www.confidencial.com.ni/articulo/12275/)

Député d’opposition au FSLN, Eduardo Montealegre s’exprime dans « La Prensa »: « Pour l’agrandissement du canal de Panama le président Omar Torrijos avait décidé qu’avant d’engager l’investissement il ferait un référendum pour connaitre l’opinion de la  population. Comment pouvons-nous accepter que dans notre pays la consultation se fasse en une seule  journée et que le projet soit approuvé? Et cela se réalise avec quelqu’un qui dit avoir de l’expérience seulemenr parce qu’il a une adresse à Hong Kong…Dans le plus grand projet du monde, – le métro de la ville de Dohan, Katar – , dont le coût sera de 35 milliards de dollars, sont impliqués des banquiers, des avocats, des ingénieurs, des écologistes, qui ont été consultés pendant dix ans et il faudra encore dix ans de plus avant qu’on ne pose la première pierre… Il est temps d’arrêter de duper le peuple nicaraguayen. »

Les Peuples originaires.
Sur les quatre itinéraires qui avaient été envisagés au départ pour la construction du Canal, trois affecteraient les territoires ancestraux des peuples indigènes et afro-descendants. Le député miskito Brooklyn Rivera, allié du FSLN, a exprimé sa préoccupation pour l’expropriation des terres indigènes dans la construction du canal, mais, fidèle à son alliance avec le FSLN, il a voté en faveur de la réalisation. Le 1er juillet, des représentants des peuples Miskitos, Ulwa et afro-descendants créoles ont déposé devant la Cour Suprême de Justice un recours en inconstitutionnalité contre la Loi 840, celle de la concession du canal. Ils s’opposent à la construction du canal parce qu’ils n’ont pas été consultés, que ce projet lèse leurs droits de propriété sur des terres « inaliénables » dont ils possèdent les titres légaux, et que cette décision viole les instruments internationaux comme l’Accord 169 de l’OIT, la Déclaration de l’ONU sur les Droits des Peuples Indigènes et la Convention Américaine sur les Droits Humains, de l’OEA.

Pour finir, un rappel savoureux : la déclaration du Président Ortega en mai 2007…
A la fin d’une exposition de l’Institut National Sylvicole sur l’urgence de défendre les forêts du Nicaragua, Daniel Ortega déclara : « Même pour tout l’or du monde, nous ne pouvons mettre en danger le Grand Lac. Il n’y a pas d’or dans le monde qui puisse nous faire céder sur ce point, parce que le Grand Lac est la plus grande réserve d’eau de l’Amérique Centrale et nous n’allons pas le mettre en péril par un mégaprojet tel qu’un Canal Interocéanique !… »

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