Comme pour nos autres infos mensuelles, les articles du dossier « Femmes »… sont des traductions d’articles provenant d’agences latino-américaines telles que : ALAI, NOTICIAS ALIADAS, ADITAL, ECOPORTAL, LA PRIMERISIMA, LA JORNADA…
Cette année, les articles sur les femmes d’Amérique Latine ont été particulièrement abondants entre le 25 novembre (Journée Internationale contre les violences faites aux femmes) et le 8 mars (Journée Internationale de la Femme).
Les thèmes sont nombreux. Les plus fréquents actuellement sont :
- les violences envers les femmes; le « femicidio » (assassinat avec acharnement)
- le droit à l’avortement,
- les grossesses chez les adolescentes.
- les stérilisations forcées, (cas du Pérou).
Les articles que nous avons choisis et traduits traitent de ces thèmes, en expliquant la lutte des femmes dans chaque situation..
Mais il reste d’autres thèmes sur lesquels nous reviendrons par la suite : la traite des femmes, les femmes handicapées, les femmes dans le monde du travail, les femmes et l’émigration, etc…
VIOLENCES, ASSASSINATS, IMPUNITÉ… (mars 2014 )
(ADITAL et NOTICIAS ALIADAS)
La violence de genre et le patriarcat nous submergent. Tant qu’il n’y aura pas de changements réels dans la société civile, la violence sexiste continuera à briser des vies. Dans la mesure où les médias continuent d’être des espaces de reproduction des tabous et de l’indifférence, jamais nous ne serons conscientes de l’impact de cette violence sur nous. Il manque des recherches, des données, des ressources et de nouvelles politiques qui affrontent cette violence et la rendent visible. Et ce vide est peut-être la pire violence dont nous ayons à souffrir : que ni l’Etat ni les médias ne démolissent, ni même ne ramènent au cadre des Droits Humains ces paradigmes culturels qui reproduisent et légitiment la violence.
Ana Leticia Aguilar, sociologue guatémaltèque explique que « le femicidio est l’ultime degré d’un continuum de différentes manifestations de violences contre les femmes, tant en public que dans le privé. Le concept de fémicidio aide à comprendre le caractère absolument politique et social du problème : il n’est possible que parce qu’il existe socialement des dispositifs et des logiques culturelles qui ont institutionnalisé et qui reproduisent les relations de pouvoir opresseur entre les sexes.
En l’absence de statistiques officielles, l’Observatoire des Femicidios d’Argentine, que coordonne la Casa del Encuentro, a présenté le rapport : »5 années de fémicidios en Argentine » en février 2013. Cette organisation à but non lucratif veut établir une analyse en continu, ainsi que la conception de campagnes de prévention plus efficaces, d’assistance intégrale et de formation pour les femmes comme pour tous les citoyens argentins. Le rapport comptabilise, du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, les homicides de femmes pour raison de genre, c’est-à-dire des cas qui n’ont rien à voir avec les vols, les séquestrations et autres situations.
A partir de cette investigation, on a calculé qu’une femme est assassinée par violence sexiste toutes les 35 heures en moyenne. On a enregistré 1236 fémicidios en 5 ans en Argentine. Par ordre d’importance décroissante, ces femmes ont été : tuées par balle – à coups de poings – battues – étranglées – incinérées – égorgées – asphyxiées – noyées – étouffées. Et l’enquête ne mentionne pas les victimes collatérales, les orphelins.
Le lieu le moins sûr pour la femme est son propre foyer. L’agresseur est le plus souvent le mari, le compagnon ou l’amant.
Les jeunes filles, voire les fillettes, sont aussi l’objet de violences sexistes. Une étude réalisée auprès de 450 filles jamaïquaines de 13 et 14 ans a révélé que 13 % d’entre elles avaient subi des tentatives de viols, avant même l’âge de 12 ans. 33 % avaient vécu des rapports physiques non consentis et 33% abusées verbalement. vb(Le problème des grossesses adolescentes est envisagé dans un autra article).
La découverte de 300 femmes mortes à Ciudad Juárez, au Mexique, a démontré une alarmante tendance au femicidio. Durant les dernières années, les assassinats de femmes pour raisons associées au genre ont augmenté, comme au Guatemala, en Bolivie et en Argentine. Le cas du Guatemala est particulièrement grave : selon les données officielles, 1049 femmes ont été assassinées entre 2001 et 2004. Au Paraguay, on enregistre en moyenne une femme assassinée tous les 10 jours.
Des millions de femmes continuent d’être opprimées, violées, frappées, assassinées, victimes de traite. Les politiques publiques qui protègent les femmes en situation de violence sont insuffisantes. Le fléau social de la violence sexiste nécessite des politiques préventives effectives qui donnent à la société des instruments pour pouvoir l’éradiquer complétement. Certes ce problème n’est pas spécial à l’Amérique Latine. L’Union Européenne n’a même pas procédé à la classification du femicidio, ce qui rend encore plus difficile de connaître mieux les chiffres réels de celui-ci. Environ 66 000 cas de femicidios sont enregistrés dans le monde, ce qui représente approximativement 17 % de toutes les victimes d’homicides intentionnels, selon l’organisation Smail Arms Survey dans son rapport « Femicidios : un problème global ».
Les remèdes à essayer ?
– Multiplier des campagnes mieux conçues et mieux diffusées qui dénoncent la culture de violence et d’oppression,
– envisager une nouvelle éducation qui dénonce continuellement la violence sexiste dans la société,
– obtenir des médias, qui ont une influence incontournable pour répercuter la violence de genre, qu’ils s’engagent à soutenir les efforts d’éducation dans ce sens.
Le jour où les crimes passionnels cesseront de justifier les assassinats, peut-être commencerons-nous à nous rendre compte que les assassinats de femmes et la violence de genre détruisent nos sociétés et pas seulement les femmes. Pour l’heure, ce sont les organisations sans but lucratif et la société civile qui sont réellement engagées et parviennent à quelques avancées, par leurs efforts.
Si l’impunité et la désinformation continuent, la violence sexiste continuera aussi.
En 2008 le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon lança sla campagne UNETE (Rejoins-nous) afin de « promouvoir un changement d’attitudes vers des sociétés égalitaires et non violentes, et incorporer les hommes comme partie de la solution et pas seulement comme problème ».
En 2013, à la veille de la Journée Internationale pour l’Elimination de la Violence envers les Femmes (25 novembre), le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) et ONU-Mujeres présentèrent le rapport « Engagement des Etats : plans et politiques pour éradiquer le violence envers les femmes, en Amérique Latine et dans les Caraïbes ».
Ce rapport constatait que « de nouvelles pratiques, plus participatives, impactaient la mise en œuvre de plans nationaux pour lutter contre la violence envers les femmes », mais il notait aussi l’existence de « nœuds critiques » dans toutes les phases de ces plans : peu de volonté et d’appuis politiques; peu de cohérence entre les instruments légaux et les politiques publiques qui abordent la violence contre les femmes; insuffisance des ressources financières; faible articulation interinstitutionnelle, intersectorielle et interjuridictionnelle; réponse institutionnelle fragmentée; taux élevés de rotation dans la gestion institutionnelle, capacités techniques faibles …
Freddy Justiniano, directeur du Centre Régional du PNUD pour l’Amérique Latine-Caraïbes, précisait que l’objectif du rapport est de « partager les connaissances avec les pays de la région et contribuer à améliorer la mise en œuvre des plans ». Il recommandait aussi de « faire de la lutte contre la violence envers les femmes une politique d’Etat qui enverrait à la société un message de tolérance zéro pour la violence envers les femmes ».
Gladys Acosta, de ONU-Mujeres, signala que même si la majorité des pays ont mis en place des politiques publiques dans ce but, il existe encore une « faiblesse institutionnelle » pour éradiquer la violence envers la femme. « A elles seules, les lois ne changent pas les choses, mais l’amélioration des normes permet de mieux diriger les politiques pour affronter la discrimination et la violence de genre. »
BOLIVIE : « Nous avons une loi… et tout continue comme avant! » ( mars 2014)
(REBELION)
Le 25 novembre a été choisi comme « Journée Internationale pour l’Elimination de la Violence contre la Femme », par la résolution du 17 décembre 1999, de l’Assemblée Générale des Nations Unies, en hommage aux sœurs Patria, Minerva et Maria Teresa Mirabal, qui furent brutalement assassinées en République Dominicaine pour leur militance politique contre le gouvernement du dictateur Rafael Leónidas Trujillo.
Quand nous parlons de violence envers les femmes, nous le faisons en nous référant à une multiplicité de formes qui se manifestent dans tous les domaines de la vie publique et privée.
Si nous parlons de violence politique, il est évident qu’ hommes et femmes peuvent être victimes potentielles et effectives, surtout en régime autoritaire et/ou totalitaire qui ne tolère pas la dissidence, l’opposition ni surtout la confrontation ouverte à leurs propos.
Un exemple de ce type de violence est appelé » harcèlement et violence politique » contre des femmes qui exercent des charges politiques. Cette forme de violence est devenue si grave et persistante qu’elle a mérité la sanction d’une loi spécifique, la Loi n° 243 du 28 mai 2012. Autant que je sache, cette norme n’a pas encore reçu de décret d’application.
Cette année, l’Assemblée Législative Plurinationale a finalement approuvé la « Loi pour garantir aux femmes une vie libre de violences », la Loi n° 348, promulguée le 9 mars en hommage à la Journée Internationale des Femmes. La proposition de loi connut un périple étonnamment long, et je pense que, si nous n’avions pas sollicité un ordre présidentiel pour son traitement, – motivé par des faits qui suscitèrent la réprobation publique et médiatique, comme le cas du parlementaire qui fut filmé en plein acte de violation d’une employée du gouvernement de Chuquisaca, ou la grande mobilisation des médias due au femicidio de la journaliste Hanaly Huaycho -, nous en serions encore à attendre son traitement dans l’organe législatif. A 8 mois de sa promulgation, cette loi n’a toujours pas de décret d’application.
Récemment, le CIDEM (Centre d’Information et de Développement de la Femme) informait que, pour 2013, 139 assassinats de femmes avaient été enregistrés dans le pays. De ces cas, 89 ont été classés comme femicidios, tandis que les 50 restants correspondent à des faits d’insécurité urbaine. Le chiffre monte année après année, et l’indulgence des autorités est quelque chose d’inqualifiable.
A mon avis, le retard dans la réglementation de ces normes n’est ni un hasard ni le résultat exclusif de la négligence des autorités : c’est un symptôme qui manifeste une psychologie sociale très particulière: la violence envers les femmes est quelque chose de si naturel qu’en vérité, elle ne semble pas mériter la mobilisation de la société. Tant que ces faits ne frappent pas à notre propre porte, ils sont perçus comme des faits éloignés, étrangers, alors qu’en réalité il s’agit d’une forme de cohabitation malsaine à laquelle nous sommes tellement habitués que nous ne la remarquons plus.
Ces chiffres révèlent quelque chose de beaucoup plus important que des « cas » : ils contiennent les noms, les vies et les histoires de tant de femmes dont les vies furent cruellement supprimées par des criminels divers. Dans certains cas, il s’agit de femmes qui tombèrent dans les mains d’agresseurs intimes, d’hommes qu’elles avaient aimés. Comme Sarah, 23 ans, assassinée par son compagnon, il y a plus d’un an à Sucre, et bien que l’agresseur soit en détention préventive, le jugement n’a pas commencé.
Et Cinthia, le jeune fille qui, avec une belle illusion, allait terminer sa 3e année de formation dans l’Académie de Police, et qui mourut dans des circonstances non élucidées, résultant apparemment d’un sévère châtiment infligé par ses instructeurs. Ceci s’est produit dans une institution qui devrait former des gens capables d’affronter des conflits de toute catégorie avec intelligence, avec un sens de la solidarité et dans l’objectif de service à la communauté. Mais le « cas » révèle que la formation de ces cadres est plus orientée vers l’entrainement à la force brutale.
Et si le femicidio est la forme extrême de violence envers les femmes, la forme la plus atroce et irréparable de violence, nous ne pouvons passer sous silence les mille autres formes de violences quotidiennes, qui humilient, blessent, et détruisent des milliers de femmes sans que la société dans son ensemble réussisse à réagir dans la même proportion. Jusqu’à quand allons-nous continuer à tolérer la violence envers les femmes avec tant d’indifférence ?
Attendons-nous qu’elle frappe à notre porte ou chez nos voisins et nos proches pour réagir ? Il est clair qu’il ne suffit pas de sanctionner, il faut développer des politiques publiques consistantes, il faut prévenir, il faut éduquer, et pour tout cela il faut que l’Etat prenne en charge sa responsabilité immédiate et indispensable, et qu’il investisse des ressources publiques dans des actions réellement efficientes.
Au-delà des normes et des politiques publiques, dans nos espaces quotidiens, où nous n’avons pas besoin de la loi pour agir, il faut modifier les codes de nos relations entre êtres humains, dans nos foyers, dans nos relations familiales élargies, dans nos groupes d’amis.
Dans cet ordre d’idées, je crois qu’il est fondamental de commencer à dévaloriser ces stéréotypes masculins pernicieux qui convertissent les hommes en agresseurs, le stéréotype du guerrier désensibilisé, le stéréotype du pourvoyeur qui nourrit sa famille et assume le droit d’exercer « le principe d’autorité » pour cette seule raison, le stéréotype du pouvoir comme compulsion perverse pour la domination des autres (dans ce cas, les femmes). En échange de cela, je propose de récompenser toute conduite et toute action destinées à construire une forme de co-habitation véritablement humaine, où aucun acte d’agression ne soit toléré mais reçoive la sanction morale permanente des gens.
EL SALVADOR : Violences contre les femmes. (mars 2014 )
(ALAI)
Au cours des dernières années, le gouvernement d’El Salvador a approuvé des lois qui protègent les femmes contre la violence dans toutes ses manifestations, et des marches populaires nombreuses ont attiré l’attention des médias, des décideurs et de divers groupes de la société. Mais les femmes continuent de se taire quand elles sont victimes de violences dans leur foyer. Pourquoi ?
« La honte, la peur d’être jugée par les gens que l’on connait, la peur d’être critiquée, que l’on se moque de moi ou bien qu’on ne me croit pas « , analyse Marina.
Elle avait 20 ans quand elle partit vivre avec son amoureux qui avait 10 ans de plus qu’elle. Au début ce fut une année « couleur de rose », dit-elle, Mais bientôt elle remarqua qu’il rentrait ivre à la maison, il devenait possessif, ne tolérait plus qu’elle continue d’aller à l’Université, la menaçait, se montrait violent…Au bout d’un an elle accepta l’aide de sa mère pour chercher conseil auprès d’un comité d’Eglise.
Comme Marina il y a de nombreux cas que leurs voisins connaissent mais qui se taisent parce que la peur de divers facteurs ne leur permet pas de dénoncer celui qui maltraite une femme de différentes manières : physique, psychologique, verbale…
En 2012 selon la police, on enregistrait un total de 1664 dénonciations pour blessures aux femmes, 7284 dénonciations pour menaces, 1332 dénonciations pour violence sexuelle et 2493 pour violences intra-familiales.
Cependant on note l’entrée en vigueur de la « Loi Spéciale Intégrale pour une Vie LIbre de Violence pour les Femmes », et la Loi d’Egalité, d’Equité et d’Eradication de la Discrimination envers les Femmes ». Le programme « Ciudad Mujer » apporte des services et des soins.
La marche populaire fut organisée par la Concertation Féministe Prudence Ayala, et tout au long de la marche on rappela que « des lois existent mais qu’il faut de la volonté pour les faire respecter, raison pour laquelle nous sommes devant le Centre Judiciaire pour exiger des juges qu’ils fassent respecter les lois et que l’impunité, maintenant ça suffit ! » Des femmes de plusieurs départements du Salvador participaient à cette marche populaire, ainsi que des organisations féministes.
Selon María Isabel, titulaire du Ministère de la Santé, (MINSAL), » la violence contre les femmes a augmenté, non seulement en nombre mais en cruauté, en acharnement. » Elle rappelle l’un des cas les plus violents de cette année, celui de Silvia, qui fut brûlée par son compagnon et mourut quelques jours plus tard à l’hôpital, son corps couvert de brûlures à 94 %.
Selon le MINSAL, sur le total du nombre de femmes victimes de violence intrafamiliale durant 2012, 60 % correspondent à des violences psychologiques; 24,9 % à des violences sexuelles, et 15,2 % à des violences physiques. Sur 1054 cas de femmes agressées qui furent accueillies à l’hôpital, 99 décédèrent des suites de l’agression.
GUATEMALA : Le « femicidio » : un crime du pouvoir patriarcal. (Documents de ALAI)
(Extrait de l’émission de la Fédération Guatémaltèque
d’Education Radiophonique (FGER), 26 / 11 / 2013)
Depuis bien des années, la violence patriarcale envers les femmes est devenue l’un des plus graves problèmes de ce pays. Malheureusement, nous nous sommes habituées à cohabiter avec elle, et d’une certaine façon, nous l’acceptons comme quelque chose de banal, de normal et contre quoi nous ne pouvons rien faire. Les médias ont contribué à normaliser cette violence par leur manière sensationnaliste, grossière et pleine de préjugés de nous présenter chaque jour les faits, les chiffres et les images concernant ce problème.
Le femicidio (ou feminicidio) est l’expression maximale de la violence patriarcale à l’encontre des femmes. Beaucoup de gens, dans la société, pensent encore que les femicidios sont des homicides dans lesquels les victimes sont des femmes et ceci les a amenés à affirmer que le femicidio est moins important que l’homicide, puisque dans notre pays il meurt chaque jour plus d’hommes que de femmes.
Cette manière de comprendre le femicidio est à l’évidence incorrecte. Tout assassinat de femme n’est pas un femicidio. La Loi contre le Femicidio et autres Formes de Violence contre la Femme, qui fut promulguée au Guatemala en 2008, définit le femicidio comme « la mort violente d’une femme, survenue dans le contexte de relations inégales de pouvoir entre hommes et femmes, dans l’exercice du pouvoir de genre à l’encontre des femmes ».
Ce qui signifie que le femicidio est toujours le résultat de la discrimination et du mépris des hommes envers les femmes par le seul fait qu’elles sont des femmes. En d’autres termes, le femicidio est toujours lié au pouvoir et surtout aux relations de pouvoir inégal qui, dans notre pays, – et dans le monde entier -, existent entre hommes et femmes.
Les idées qui amènent les hommes à penser qu’ils sont supérieurs aux femmes et que par conséquent, nous , femmes, leur sommes inférieures et que nous valons moins qu’eux, sont nées il y a des milliers d’années, ont été diffusées de par le monde, donnant lieu à l’émergence de la société patriarcale dans laquelle nous vivons actuellement. C’est pourquoi on nous a enseigné dès l’enfance qu’il est naturel que les hommes occupent le lieu privilégié dans la famille, à l’école, à l’Eglise, au travail, dans l’Etat et partout. En même temps on nous a dit que nous, les femmes, qui sommes le « sexe faible » , devons toujours vivre sous la protection et la tutelle des hommes, comme d’éternelles petites filles, comme des êtres fragiles qui ont besoin de protection.
Mais cette prétendue protection que les hommes nous apportent a toujours pour conséquence leur contrôle sur notre vie, notre corps, notre sexualité, nos amitiés, et en général, sur toutes les décisions qui nous concernent. Le contrôle est toujours une forme du pouvoir masculin ( du père, des frères, des oncles, du mari, des fils, des gouvernants, etc…)
Autre évidence du pouvoir que les hommes exercent sur les femmes: la dépendance économique pour la majorité des femmes, obligées de se soumettre à leur conjoint car le fait de ne pas recevoir de salaire pour le travail qu’elles effectuent dans le foyer fait que les hommes détiennent le pouvoir économique et exercent leur violence contre elles.
Des études réalisées dans différents pays du monde montrent que les principales raisons pour lesquelles un homme tue sa compagne ou son ex-compagne, sont les suivantes : quand elle lui est infidèle (ou qu’il le suppose); quand elle décide de mettre fin à sa relation avec lui et quand elle décide de travailler au-dehors et de gagner sa vie elle-même.
Chacune de ces raisons est vue comme un affront par les hommes parce qu’ils sentent que cette femme, qui selon eux est leur « propriété exclusive », défie leur pouvoir et tente d’échapper à leur contrôle et à leur domination. Le femicidio est la parfaite démonstration de violence patriarcale envers les femmes.
Si cette même Loi dit que les fémicidios se commettent toujours dans le cadre des relations inégales de pouvoir entre hommes et femmes, nous avons, en tant que société, le devoir de transformer ces relations pour éradiquer le femicidio et toutes les formes de violences patriarcale envers les femmes.
Tout programme, projet ou action politique qui tente d’éradiquer ce fléau, que ce soit à partir du gouvernement, de la coopération internationale, des organisations sociales ou de toute autre entité, doit vouloir, avec détermination, transformer les relations inégales de pouvoir entre hommes et femmes, pour que les femmes puissent un jour vivre sans peur et sans contrôles, et retrouver la dignité qui est la nôtre, de par notre condition humaine si injustement dégradée.
GUATEMALA : Rompre les tabous sur la sexualité.
(Noticias Aliadas, 14 / 02 / 14)
Des femmes jeunes luttent pour leur droit à l’éducation sexuelle.
Durant son adolescence, personne ne parla à María López des changements qui allaient se produire dans son corps, ni ne calma son angoisse quand elle eut ses premières règles. Elle n’apprit rien de tout cela à l’école car le maitre n’aimait pas parler de ces choses « A la maison maman nous en parlait un peu mais c’était tabou », se souvient María, 27 ans, qui est née et a grandi dans le municipio de Jocotán, département de Chiquimula.
Il y a deux ans, María commença à participer à des ateliers pour jeunes leaders communautaires organisés par TIERRA VIVA, organisation guatémaltèque sans but lucratif, qui s’emploie à combattre la violence et défendre les droits reproductifs des femmes.
Après avoir assisté à une série d’entretiens sur les droits humains, la citoyenneté, les rôles de la femme, la sexualité et les droits reproductifs, María devint dans sa communauté un « agent du changement » comme le dit TIERRA VIVA, une personne qui transmet aux autres ce qu’elle a appris.
« Quand je suis entrée à TIERRA VIVA je ne savais rien des droits. Je savais qu’il existe des maladies mais rien sur la contagion. Les jeunes sont très intéressé(e)s par les thèmes sur la sexualité et maintenant je peux les aider », dit-elle.
Selon María, une meilleure éducation sexuelle à Jocotán, où 80 % de la population appartient au groupe indigène maya chortí, a commencé de réduire graduellement les grossesses adolescentes et d’encourager les jeunes à prendre des décisions informées sur les relations sexuelles et la maternité.
« Nous avons réussi à ce que, si elles ont un « novio », (fiancé), elles ne pensent pas à se marier si rapidement et retardent le moment d’avoir un enfant. Les jeunes filles ont tenté de continuer à étudier et travailler, et certaines ont participé à des projets variés, » signale la coordinatrice de TIERRA VIVA.
Résistance des secteurs conservateurs.
Bien qu’elle ait constaté quelques avancées, María dit qu’elle a rencontré de la résistance de la part de responsables religieux, de pères et de mères, et même dans sa propre famille.
« Parfois j’explique à mes neveux de 13 et 14 ans le développement du corps, et maman me demande « Mais pourquoi tu leur dis ça ? »Elle croit que je leur ouvre les yeux et qu’ils vont expérimenter . Mais le sujet les intéresse et ils posent des questions », soutient María.
Rutilia Jiatz, directrice exécutive de INCIDE JOVEN, ONG défendant l’éducation sexuelle, indique qu’un grand travail est nécessaire pour éradiquer le tabou lié au débat sur les droits reproductifs. TIERRA VIVA, comme INCIDE JOVEN, fait partie de la Campagne Nationale pour l’Education Sexuelle, créée en 2009 par une coalition d’Organisations de la société civile.
« Ce que nous avons appris durant ces années de travail, c’est que non seulement il faut renforcer ces organisations, mais aussi il faut faire d’autres actions avec les personnes alentour pour que ces organisations ne soient pas discriminées pour avoir parlé de ces thèmes », dit Rutilia.
« Ce sont les Eglises qui nous ont donné le plus de travail.
Nous essayons de parler des bénéfices de l’éducation sexuelle : nous leur disons que qu’elle prévient les grossesses non désirées et nous insistons sur le fait qu’il existe un cadre légal qui classe les grossesses des moins de 14 ans comme des délits »,ajoute-t-elle.
Dans un effort pour éradiquer le machisme et éviter que les femmes qui participent aux campagnes en faveur des droits reproductifs soient isolées dans leur communauté, le Collectif pour la Défense des Droits de la Femme au Guatemala (CODEFEM ) organise des ateliers de genre destinés aux hommes. « Les jeunes femmes nous disent : « Nous savons quels sont nos droits, mais nos maris ne le savent pas, et c’est là l’obstacle » affirme la directrice de CODEFEM, Ana Alvarez.
L’éducation sexuelle est-elle une priorité ?…
Les chiffres de l’Institut Guttmacher aux Etats Unis, illustrent pourquoi il est si urgent d’introduire l’éducation sexuelle dans les écoles du pays : en Amérique Centrale, le Guatemala est au 3e rang pour les grossesses d’adolescentes ( 144 naissances pour mille jeunes femmes de 15 à 19 ans). La moitié de toutes les jeunes Guatémaltèques de moins de 20 ans sont mariées ou vivent avec leur compagnon, et bien que 83 % des adolescentes entre 15 et 19 ans qui sont mariées ou vivent avec leur compagnon ne veulent pas d’enfant dans un futur proche, seules 18 % d’entre ellles utlisent des contraceptifs fiables.
En 2005, le Congrès approuva une loi de planification familiale qui obligeait tous les hôpitaux et centres de santé à délivrer des contraceptifs gratuitement et les écoles à dispenser l’éducation sexuelle. Cependant la loi n’entra en vigueur qu’en 2008 quand fut créée la Commission de Sécurité des Contraceptifs.
Pour 2010, les Ministères de la Santé et de l’Education conçurent pour les étudiant(e)s des différents âges des textes et du matériel éducatif sur l’éducation sexuelle, les risques des grossesses prématurées, la prévention du sida et d’autres maladies à transmission sexuelle. Des organisations de la société civile participèrent activement au processus et dispensèrent l’information.
Quand le matériel fut disponible, on forma les maitres sur leur usage approprié. Avec les parents et les leaders communautaires, on réalisa des ateliers sur l’importance de l’éducation sexuelle. Finalement on lança un programme pilote bien conçu pour mettre en place le nouveau plan d’études dans 7 sur 22 des départements du pays.
Mais tout le processus se paralysa en 2012 quand le général en retraite Otto Pérez Molina fut élu président. Sous la pression des groupes conservateurs incluant l’Eglise catholique ainsi que les Eglises évangéliques, le nouveau plan d’études fut archivé !
« Ce gouvernement n’a pas eu la volonté politique de continuer d’avancer sur ce thème », précisa Rutilia.
Au grand dam des organisations de la société civile qui ont défendu bec et ongles le droit des femmes à contrôler leur corps, en août dernier durant la première réunion de la Conférence Régionale sur la Population et le Développement de l’Amérique Latine et des Caraïbes, (CEPAL), réalisée à Montevideo, le gouvernement guatémaltèque accepta de signer le Consensus de Montevideo qui appuyait l’avortement, les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et l’accès aux méthodes contraceptives, mais seulement après avoir inclus une réserve qui signalait que les familles sont les uniques responsables de l’éducation sexuelle de leurs enfants …
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