La Commune, “coprésidente du Venezuela”

(Extrait de « VENEZUELA INFOS », 17 / 09 / 2014
texte de Thierry Deronne)

Pour ceux qui désespèrent de voir un jour la démocratie – au sens originel du terme – s’incarner dans la pratique politique, les mesures prises ce mardi 16 septembre par le président Maduro et le mouvement communal montrent que le rêve reste permis. Nous avons rendu compte ici des premières étapes de l’aspect central de la révolution bolivarienne qu’est la transformation de l’État : des critiques répétées du président Chavez face au manque de volonté de ses ministres pour déraciner la bureaucratie de l’État bourgeois et lui substituer l’État communal à la création en juillet dernier du Conseil présidence/commune et à la refondation de l’État opérée par Nicolas Maduro il y a quelques jours .

Ce conseil s’est réuni deux fois pour élaborer un cahier de propositions. “Ce ne sont ni des conseillers ni des experts qui les ont rédigées, a insisté Maduro, c’est l’intellectuel collectif, le peuple qui pense”. Cette instance de gouvernement populaire, dotée du rang présidentiel, comptera 120 délégués (à raison de 5 délégués communaux par état régional). Elle siègera tous les deux mois, renouvelée par une rotation annuelle de ses membres.

Le président a demandé au ministre des télécommunications de mettre en place un système de vidéo-conférence pour que les délégué(e)s puissent organiser des réunions de travail en temps réel avec les 874 communes fondées à ce jour sur l’ensemble du territoire. Lors de cet échange télévisé avec les délégués nationaux du mouvement communal, le délégué Jesús Marcano de la commune « Guarico Sur » de l’État agricole du même nom a rappelé au président la revendication principale : la concrétisation rapide du transfert du pouvoir aux communes.

Lui répondant en direct, Maduro a signé le transfert de compétences à travers la création d’entreprises communales de propriété sociale directe couvrant les secteurs de la santé, de l’éducation, du sport, de la culture, des programmes sociaux, de la construction et des travaux publics; et a approuvé d’autres revendications communardes comme la fusion des diverses banques créées jusqu’ici pour lutter contre la pauvreté (Banque de la Femme, Banque du Peuple ou Fonds de Développement des Micro-crédits) en une banque unique, plus ambitieuse : la Banque de Développement Social des Communes.

Également approuvée par le président, la refonte du Fonds de financement des conseils communaux (Safonac) en fonds de financement des communes. Le chef de l’État, qui s’est défini comme “président communal, récepteur des projets portés par les mouvements sociaux”, a demandé au ministre compétent de concrétiser un accord immédiat pour faciliter aux communes la vente et la distribution de leur production par les organismes de l’État et l’accès aux devises pour importer les matériels nécessaires à la réalisation de leurs projets.

« Si les entreprises privées qui veulent importer des marchandises ont accès aux dollars de l’État, comment les communes- qui ne représentent pas des élites mais des millions de personnes -, ne jouiraient-elles pas du même droit ? » a expliqué Maduro, qui a aussi approuvé la proposition que des délégués communaux soient dorénavant présents au sein des instances régionales chargées de planifier les puissantes Grande Mission Logement Venezuela et Quartier nouveau, quartier tricolore, ajoutant qu' »il faut renforcer le tissu urbain des communes ».

Ce conseil présidence-commune sera suivi le 23 septembre par l’installation du Conseil des mouvements de femmes, le 30 septembre par celui des mouvements de jeunesse, le 7 octobre par celui des organisations de travailleurs, le 12 octobre par celui des peuples indigènes, le 14 octobre par celui des coordinations de paysans et de pêcheurs et le 21 octobre par celui des travailleurs de la culture.

Chaque conseil a pour tâche centrale la formulation de critiques et de propositions pour démonter les structures de l’État bourgeois. Ce dialogue, rythmé par les exclamations émues des communard(e)s, était transmis par une chaîne publique depuis le cinéma Cipreses, une des salles tombées en ruines ou aux mains de sectes religieuses – ce qui a longtemps obligé le public à se replier sur les films diffusés dans les centres commerciaux. Remis à neuf comme une quinzaine d’autres salles de la capitale, il accueille aujourd’hui le premier festival international de cinéma de Caracas, au contenu essentiellement latino-américain et non-commercial.

Le président y a par ailleurs annoncé la construction prochaine de 1500 nouvelles écoles intégrales, dont les espaces seront repensés en fonction du saut qualitatif défini par le pédagogue Prieto Figueroa : “notre école ne doit pas ressembler à la société actuelle mais à celle du futur”. Nicolas Maduro a écouté l’acteur Pedro Lander dresser le bilan du mouvement de formation théâtrale César Rengifo, créé il y a un an pour permettre aux écolier(e)s de s’initier aux techniques d’écriture et d’interprétation dramatiques, et conçu sur le modèle de la formation musicale offerte par le système des orchestres symphoniques, devenu célèbre dans le monde entier, dont l’objectif est d’ouvrir les portes de l’apprentissage musical à un million de jeunes vénézuélien(ne)s de milieu populaire.

Le président a annoncé la création de l’École nationale de Théâtre, qui permettra à la nouvelle génération de donner “un nouvel essor à notre dramaturgie”, invitant au passage les créateurs de l’Amérique Latine et d’ailleurs à appuyer cet effort mené sous l’égide de Rodolfo Santana, Ignacio Cabrujas, César Rengifo, Dario Fo et Bertolt Brecht.

Thierry Deronne, Caracas, le 17 septembre 2014

 

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