(Article de Carmen Herrera, publié par Noticias Aliadas, trad. B.Fieux,19/10/2015)
Des femmes rurales et urbaines s’organisent pour lutter contre les politiques gouvernementales de cession de leurs territoires à des mégaprojets.
Plus d’une centaine de femmes leaders de 34 territoires au niveau national et de membres d’organisations féminines, soutenues par l’ONG « Réseau Nicaraguayen pour la Démocratie et le Développement Local », se sont donné rendez-vous fin août pour créer « l’Alliance Nationale pour les Droits Humains des Femmes » afin de défendre leurs territoires assiégés par les nouvelles politiques de possession de la terre appuyées par le gouvernement pour la mise en œuvre de mégaprojets qui créent des tensions dans la vie des communautés rurales au niveau national.
La dérogation de la Loi 840 du Grand Canal Interocéanique, approuvée par le gouvernement en juin 2013 sans en avoir informé la population, l’annulation des concessions minières qui couvrent déjà 13 % du territoire national, la cessation de la promotion des plantations de monocultures de canne à sucre, de palme africaine et de sésame, qui affectent la souveraineté alimentaire en consacrant de grandes étendues de terres aux produits d’exportation, et la suspension de permis pour la construction de barrages hydroélectriques qui affectent l’environnement, sont quelques-unes des demandes que ces femmes-leaders expriment au gouvernement du président Daniel Ortega.
Durant la rencontre tenue à Juigalpa, – département de Chontales -, située à 140 km au sud de Managua, les femmes ont affirmé dans un message à la nation que « s’ils touchent au territoire, c’est à nos corps qu’ils touchent et à notre intégrité en tant que personnes. Nous ne voulons pas qu’on nous impose où et comment nous devons vivre dans notre propre pays ».
Dans leur message les femmes ont dénoncé :
« Nous sommes dans les mains des transnationales qui achètent les consciences et les cœurs, et qui nous exilent de nos propres territoires. Nos réserves et nos zones protégées sont en cours de destruction par ces invasions, occasionnant des dégâts irréversibles à la nature et aux communautés.
L’avarice du gouvernement met en péril la culture paysanne. Nous, les femmes, affrontons en plus du pouvoir de l’Etat, le pouvoir qu’exercent les multinationales sur nos populations, en vendant promesses en mensonges, en profitant de l’appauvrissement des gens et en utilisant le harcèlement sexuel, la violence physique, la persécution et la menace envers nos fils et nos filles, pour nous effrayer. »
Le principal objectif pour la constitution de cette alliance est de « faciliter un espace plus large pour les femmes qui luttent dans tout le pays contre les différentes formes d’exploitation de leurs territoires qui menacent de les exiler de ceux-ci » disait à Noticias Aliadas Johana Salazar, secrétaire exécutive de la Red Local. (Réseau Local)
Les femmes unissent leurs forces.
Les travaux du Grand Canal Interocéanique ont débuté en décembre 2014 et, à ce jour, 50 grandes marches ont eu lieu dans différentes parties du pays par des agriculteurs et d’autres manifestants qui demandent au gouvernement de suspendre le projet, en considérant que le canal les obligera à abandonner leurs terres et nuira à l’environnement.
La loi 840, ou « Loi Spéciale pour le Développement d’Infrastructures et de transport Nicaraguayen concernant le Canal, les Zones de Libre Commerce et les Infrastructures associées », a octroyé à l’entreprise chinoise HKND Group la concession pour la Construction du Canal qui unira le Pacifique à la Mer Caraïbes, avec une longueur de 278 km, une largeur allant de 230m à 520m, et 30m de profondeur. Le canal traversera le Lac Cocibolca qui constitue la plus grande réserve d’eau potable du pays et avec la construction du Canal ne s’utiliserait que pour la navigation.
« Femmes et Hommes, nous n’admettrons pas qu’ils nous expulsent de nos communautés ! Ils ne nous ont pas demandé si nous voulions quitter les maisons où nous vivons ! » dit Fátima Duarte, représentante de la localité El Cangrejal, à 117 km au sud-ouest de Managua, lieu où passera le canal.
L’expansion de l’activité minière impliquerait aussi l’expropriation et la relocalisation des habitants y compris en zones urbaines.
Dans le municipio de Santo Domingo, département de Chontales, l’entreprise minière B2Gold a l’intention d’agrandir son exploitation d’or jusqu’au centre urbain de la ville, ce qui affecterait 46 familles, qui ont des propositions de relogement.
Santo Domingo a une population de 18 000 habitants et au moins 3 600 personnes travaillent dans l’exploitation artisanale, mais cette situation a changé en 2009, quand l’entreprise B2Gold a acheté de grandes fincas à des producteurs du municipio et son exploitation a été inaugurée en 2010 par Ortega. Au Nicaragua, les mines ont été nationalisées par la Révolution dirigée par le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) dans la décennie des années 1980. Puis elles furent de nouveau privatisées par l’ex-présidente Violeta Barrios (1990-1996).
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