BRESIL – Premières mesures…

(Adital, extraits de deux articles, 17/05/2016 – Trad. B. Fieux)

Finalement la présidente Dilma Rousseff a été destituée par le Sénat le 12 mai, et durant 180 jours, c’est Michel Temer, vice-président du Sénat, qui assumera la présidence intérimaire du Brésil.

« Le gouvernement intérimaire ne semble pas avoir prévu la réduction des inégalités parmi ses priorités, c’est même tout le contraire ! » affirme l’économiste Fabio Waltenberg. Il ajoute que pour le moment, il est difficile de parler du contexte actuel, parce que ce gouvernement intérimaire peut durer six mois ou survivre à une nouvelle élection au Sénat et durer deux ans et demi.

Dans son interprétation, le Brésil subit actuellement des attaques  dans ses programmes sociaux, et toute politique destinée à redistribuer un peu plus que ce qu’on redistribue aujourd’hui, est taxée péjorativement de « Bolivarienne, lulopétiste ( de Lula et PT), communiste, gauchiste, etc ».

Une sorte de caricature qui donne à entendre que ce que veut la gauche, c’est transformer le Brésil en un Venezuela, une Cuba, alors qu’en réalité il s’agit de politiques qui, si on les appliquait, créeraient un état de bien-être social selon les modèles de ce qui existe dans les pays développés d’Europe et d’Amérique du Nord.

Des analystes affirment que depuis le coup d’Etat de 1964 qui instaura une dictature de 21 ans, le Brésil n’a pas connu de programme aussi conservateur. Certes on attendait de la part de Temer un gouvernement bien différent de celui de Dilma, mais pas aussi radicalement opposé.

Dès les premiers jours du gouvernement intérimaire, il fut annoncé que toutes les mesures prises par Dilma seraient révisées. La distribution de terres aux indigènes et celles destinées à la réforme agraire, par exemple, seraient réétudiées. Un audit minutieux de toutes les dépenses effectuées cette année par le gouvernement de Dilma est en cours au Sénat.

On annonce une réforme radicale de la législation du travail et du système de retraites. Mëme les centrales syndicales de droite s’y opposent. La Centrale Unique des Travailleurs ( CUT) alignée sur le Parti des Travailleurs (PT), et la plus puissante, a refusé de participer à tout dialogue avec un gouvernement putchiste.

Les lois concernant les manifestations publiques seront révisées. Le nouveau Ministre de la Justice, Alexandre de Moraes, occupait le portefeuille de Sécurité Publique dans l’Etat de São Paulo. Il s’est rendu « célèbre » par la violence des répressions de manifestations d’étudiants par la police militarisée. Ces jeunes, y compris des élèves de secondaire, protestaient contre  la corruption et la mauvaise qualité de l’enseignement.

Les marches contre le coup d’Etat institutionnel ont été réprimées aussi : De Moraes a l’habitude de dire que ce ne sont pas des manifestants mais des terroristes qui utilisent des tactiques de guérilla urbaine pour mettre en péril l’ordre public.

De son côté, le Ministre de la Santé annonce un réajustement du budget et des actions du SUS (Système Unique de Santé) qui dépend du gouvernement national. La répercussion négative de cette intention l’amena à modifier les mesures annoncées, qui ne sont toujours pas claires. Mais ce qui est clair c’est que sa campagne pour arriver à la Chambre des Députés fut financée principalement par des entreprises de santé privées.

On annonce aussi une reconsidération de la Bolsa Familia*, le programme social le plus vaste des 13 dernières années, qui touchait presque 50 millions de Brésiliens. C’est grâce à ce programme que le pays était sorti de la carte de la faim établie par l’ONU.

Pour rejeter l’affirmation qu’il est parvenu à la présidence sans avoir bénéficié d’un seul vote, Temer argumente que quiconque a voté pour Dilma a aussi voté pour lui : son parti, le PMDB, fut allié des deux mandats présidentiels de Lula et des deux de Dilma. Par conséquent, il a contribué à appliquer le même programme de gouvernement qu’il tente aujourd’hui de détruire !

Les partis farouchement opposés aux quatre mandats du PT, surtout le néolibéral PSDB, ont été bien pris en considération dans la constitution du gouvernement de Temer : ils ont obtenu le Ministère des Finances et celui des Relations Extérieures.

Temer a choisi pour leader du gouvernement à la Chambre des Députés André Moura, figure obscure totalement fidèle à l’ex-président Eduardo Cunha, suspendu de fonctions par le Tribunal Suprême Fédéral. Moura fait l’objet de trois jugements dont deux pour tentative d’assassinat…

L’équipe économique du gouvernement intérimaire annonce qu’elle prétend créer des impôts pour combler le déficit public. Quand Dilma avait annoncé la même mesure, elle avait été huée par le Chambre des Députés… A suivre !

*Bolsa Familia : en français « bourse familiale », programme social mis en place par Lula pour lutter contre la pauvreté. Le versement d’aides est conditionné à l’obligation de scolarisation et de vaccination. Ce programme lancé en 2010 couvrait à l’époque 11 millions de familles. Dans certains Etats, plus de la moitié de la population en dépendait.
L’objectif de ces « programmes conditionnels » est de sortir les familles de l’assistanat en s’assurant que ces enfants soient  mieux éduqués que leurs parents et puissent ainsi sortir de la pauvreté. Ce programme a permis une augmentation du taux de scolarisation, en particulier dans les Etats les plus pauvres.

A ré-écouter (ou podcaster) sur France Culture :
l’émission L’Esprit Public du dimanche 15 mai.

http://www.franceculture.fr/emissions/l-esprit-public/l-esprit-public-dimanche-15-mai-2016

LA PROCÉDURE DE DESTITUTION DE DILMA ROUSSEFF AU BRÉSIL

Dans la nuit de mercredi à jeudi, le Sénat brésilien s’est prononcé en faveur de la suspension de la présidente Dilma Rousseff au terme d’un processus engagé il y a cinq mois. A l’issue d’un procès, qui va durer cent quatre-vingt jours maximum, un second vote au Sénat aura lieu pour destituer effectivement la cheffe de l’Etat. Le vice-président Michel Temer, rival de la présidente et ancien chef du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), assurera l’intérim.

A l’origine de cette procédure en destitution, un scandale de corruption rendu public en mars 2014 et lié au groupe public d’hydrocarbures Petrobras et à des géants du BTP brésilien. Ces entreprises auraient formé un cartel pour se partager des marchés publics de grands chantiers d’infrastructure et les surfacturer en contrepartie de pots-de-vin versés aux différents partis politique, dont le Parti des Travailleurs (PT), au gouvernement depuis 2003. Cet argent sale aurait ensuite servi au financement de campagnes politiques, notamment celles de l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula. Après une perquisition au domicile de son prédécesseur, Dilma Rousseff l’avait nommé membre de son gouvernement, ce qui lui conférait un statut le plaçant hors d’atteinte de la justice. Cette nomination a fait long feu, notamment parce que le juge chargé de l’affaire a rendu public un enregistrement compromettant pour la présidente et son mentor. En mars, des manifestations ont réuni trois millions de Brésiliens pour réclamer le départ de la cheffe de l’Etat.

Dilma Rousseff a occupé le poste de ministre de l’énergie entre 2003 et 2005, puis celui de présidente du conseil d’administration de Petrobras. Bien que son nom n’ait pas été cité parmi les personnalités impliquées dans l’affaire, une grande partie de l’opinion publique estime qu’elle a camouflé les détournements d’argent. Par ailleurs, un soupçon de « pédalage budgétaire » pèse sur la cheffe de l’Etat qui aurait maquillé les comptes publics pour cacher l’importance du déficit et favoriser sa réélection en 2014. Dilma Rousseff assure être la victime d’un coup d’Etat institutionnel.

Depuis 2015, la présidente a vu sa popularité s’effondrer en même temps que le Brésil connaissait une situation économique et sociale de plus en plus morose. Le pays souffre de la chute des cours sur les marchés mondiaux, son PIB a reculé de 3,8% en 2015 et le taux de chômage a atteint en février dernier 8,2% de la population active, soit le plus haut depuis 2009. Le Brésil enregistre pour la deuxième année consécutive une récession, une première depuis 1930.

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