EL SALVADOR – Femmes criminalisées pour avortement.

(Noticias Aliadas, 26/07/2017 – Trad. B. Fieux)

Le Salvador est l’un des sept pays d’Amérique Latine où l’avortement est totalement interdit, quelle qu’en soit la cause.

Evelyn Hernandez avait 18 ans quand elle fut violée par un pandillero en avril 2016. Elle était enceinte de 28 semaines quand elle commença à ressentir des douleurs dans le ventre. Dans les latrines de son appartement, elle accoucha d’un bébé qui mourut. Elle saignait abondamment et perdit conscience. Sa mère l’emmena à l’hôpital où elle fut accusée d’avoir provoqué son avortement, et mise en détention.

Le 5 juillet elle fut condamnée à 30 ans d’emprisonnement pour « homicide aggravé au préjudice de son enfant nouveau-né. » La décision de la juge se basait sur le fait qu’elle « n’avait pas cherché de consultation prénatale », bien qu’Evelyn assura qu’elle ignorait être enceinte, ayant périodiquement des saignements qu’elle attribuait à la menstruation.

Le cas d’Evelyn est le cas le plus récent de criminalisation des femmes qui avortent de manière spontanée ou provoquée. El Salvador, Chili, Haiti, Honduras, Nicaragua, République Dominicaine et Surinam sont les pays d’Amérique Latine – Caraïbes où l’avortement est interdit en toute circonstance, y compris quand la vie de la mère est en danger.

L’avocat Dennis Muñoz annonça qu’il ferait appel de la sentence parce qu’ »Evelyn avait été accusée injustement. Le Procureur disait qu’elle n’allait pas au contrôle prénatal, mais nulle part il ne décrivait une conduite visant à provoquer la mort de son enfant nouveau-né. »

L’avortement sous toutes ses formes est interdit au Salvador depuis 1998 et pénalisé de 50 années d’emprisonnement maximum pour la femme qui a recours à ce procédé et 12 ans pour le médecin qui l’a réalisé. Les médecins doivent informer les autorités s’ils considèrent qu’une femme a provoqué un avortement.

Depuis 1998, 17 femmes ont été condamnées pour avortement, 15 d’entre elles sont encore incarcérées. La plupart sont arrivées à l’hôpital pour complications de grossesse ou pour avortement spontané. Elles furent dénoncées par le personnel de santé, craignant d’être eux-mêmes accusés de pratiques abortives.

Fin 2016, le gouvernement du Front Farabundo Marti de Libération Nationale présenta un projet de loi permettant l’avortement : en cas de viol, ou quand la victime est mineure ou victime de trafic humain, ou quand le fœtus n’est pas viable, ou encore pour protéger la vie de la mère. Mais la majorité conservatrice du Congrès rejeta la proposition.

Mauvais processus judiciaire.
L’organisation Citoyenne pour la Dépénalisation de l’Avortement Thérapeutique signala dans un communiqué divulgué le 13 juillet que l’investigation sur le cas de Evelyn Hernandez, réalisée par le Procureur Général de la République, « présentait des vides » et que « durant l’audience et dans le dossier, le mauvais processus des policiers était évident », ce qui justifiait de faire appel.

« Dans le cas d’Evelyn il existe un doute raisonnable et une absence de volonté de tromperie sur ce qui s’est passé durant l’accouchement extra-hospitalier qu’elle a vécu, ceci concorde avec les expertises réalisées par l’Institut de Médecine Légale et les médecins qui ont réalisé les examens, selon ce que montre le dossier » dit le communiqué.

Morena Herera, défenseure des Droits Humains, précisa que les raisons de la juge pour la condamner, malgré l’absence de preuves directes claires pour soutenir la condamnation, sont suffisantes pour que la défense soit convaincue que ces opérateurs du système judiciaire n’ont pas enquêté suffisamment pour comprendre les faits et appliquer la justice en se basant sur eux.

Selon l’Institut Guttmacher, ONG états-unienne qui travaille sur la santé reproductive, entre 2010 et 2014 se sont produits 6,5 millions d’avortements par an en Amérique Latine-Caraïbes, la majorité survenant en Amérique du Sud. Le taux annuel d’avortements est estimé à 44 interventions sur mille femmes de 15 à 44 ans. En Amérique Centrale le taux est de 33 pour mille femmes et aux Caraïbes de 65 pour mille.

En Amérique Latine-Caraïbes, signale l’Institut Guttmacher, au moins 10% des morts maternelles sont dues à des avortements dans de mauvaises conditions. Chaque année, environ 760 000 femmes de la région reçoivent des traitements pour complications dérivées d’avortements incertains.

Les services post-avortement de la région sont généralement de mauvaise qualité. Les déficiences les plus communes sont : les retards dans le traitement, les interventions inappropriées, une excessive perte de sang, des douleurs chroniques, des attitudes de censure du personnel de santé dans les cliniques et les hôpitaux… Ces facteurs dissuadent probablement certaines femmes de venir pour obtenir le traitement nécessaire…

 


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