Que Sea Ley : Interview de Juan Solanas à propos de la lutte pro-avortement en Argentine

Rédigé par Eugénie Malinjod – https://www.festival-cannes.com – 18/05/2020

Présenté en Séance Spéciale, le documentaire Que Sea Ley de Juan Solanas, plonge au cœur de la lutte pour la légalisation de l’avortement en Argentine, où une femme meurt chaque semaine des suites d’un avortement clandestin. À travers des témoignages ainsi que des portraits de femmes et d’hommes, le cinéaste argentin expose l’espoir que leur mobilisation a fait naître au sein du pays.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre film ?

Le droit à l’avortement en Argentine est un thème qui me révolte depuis les années 2000, quand j’ai appris qu’il était interdit d’avorter dans mon pays. C’est une chose inconcevable et irrationnelle que je n’arrive toujours pas à accepter. Avant le tournage, je me suis imposé deux règles : être ma propre équipe et ne jamais forcer les choses pour être le plus juste et fidèle à cette réalité que je souhaitais montrer. À cela s’est imposée une troisième exigence : faire tout dans l’urgence. Je souhaitais capter cette énergie et dynamique de l’urgence, cette réalité crue et forte.

Comment peut-on rester objectif lorsque l’on est confronté à un tel sujet ?

Concrètement, je suis impliqué. C’est de cet engagement qu’est né le film. Cela ne veut pas dire que le film soit un pamphlet, c’était justement le danger à éviter. Le documentaire se contente de montrer le vécu des victimes, la complexité de la réalité qu’on ne peut réduire à des slogans tels que « Sauvons les deux vies », « Aspirons à plus ». Le film expose au public les conséquences de telles déclarations et invite l’audience à une vraie réflexion. Je me suis mis comme règle de ne jamais rien forcer, de ne pas intervenir, de ne pas poser des questions aux intervenants mais de leur laisser la caméra comme une fenêtre au public. Je souhaitais être le plus transparent possible en montrant d’un côté la réalité de ces millions de femmes et de l’autre, le parti des idéologues.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué chez ces femmes ?

Leur courage et leur volonté m’a le plus impressionné. Mais surtout, j’ai été marqué par leur vitalité extraordinaire. Ce sont elles qui défendent la vie alors que l’autre camp soit disant « pro vie » n’amène que la mort. Par ailleurs, j’ai été frappé par la brutalité des médecins anti-avortement qui, parfois, refusent une anesthésie ou font attendre pendant douze heures une femme qui risque la mort.

Comment pensez-vous que le film va être reçu en Argentine ?

L’Argentine est un pays au bord du gouffre et dont la société est totalement divisée politiquement parlant. La question de l’avortement a causé une deuxième division qui touche tous les partis et aussi bien les femmes que les hommes. Ce film s’adresse à ceux qui se trouvent au milieu de cette faille binaire et qui ne préfèrent pas trop se prononcer face à un thème aussi clivant.

Votre dernier film était un drame fantastique. Comment passe-t-on de la fiction au documentaire engagé ?

En ce qui me concerne, j’ai besoin d’un message politique ou social, qui est à l’origine de tous mes films. Je dirais qu’un documentaire est une démarche plus directe mais dans lequel je parviens toujours à mettre mon langage visuel, ma poétique, au service de la cause que je défends.

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