Infos octobre 2006

BRÉSIL, MEXIQUE, LE CAS LUIS POSADA CARRILES, NICARAGUA, BOLIVIE, EQUATEUR.

*BRÉSIL : un second tour pour les présidentielles (Jornada, Prensa Mercosur 03/09/06)
Parmi les six candidats, deux arrivent en tête mais il faudra un deuxième tour le 29 octobre pour choisir entre Lula, (Parti des Travailleurs) qui a obtenu 48,65 % des voix et Geraldo Alckmin, médecin de 53 ans lié à l’Opus Dei, du PSDB ( Parti de la Social-démocratie brésilienne) 41,58 %. Dans ce pays de 180 millions d’habitants, 126 millions sont appelés aux urnes car voter est une obligation. Il y eut cependant 17 % d’abstention.
Lula a l’appui des mouvements sociaux brésiliens : il a mis en œuvre une politique courageuse en faveur des familles pauvres, le programme Faim Zéro, la Bourse Familiale, une meilleure politique du logement, l’accès à l’éducation secondaire pour la population noire, etc…Les médias n’ont rien fait pour répercuter tout cela, ils ont plutôt insisté sur la corruption de quelques membres du Parti des Travailleurs. “ Le défi à relever est de convaincre que Lula a les mains propres et qu’il est décidé à mettre en œuvre les réformes promises durant la campagne de 2002, comme la réforme agraire. ” Pour la Commission Pastorale de la Terre: “ Si Alckmin gagne, ce sera un changement grave car il est appuyé par les éleveurs de bétail et les grands propriétaires terriens… il pense relancer les privatisations et le modèle néolibéral que Cardoso avait pratiqué durant huit ans ”. Quant aux femmes, elles espèrent fermement la réélection de Lula pour poursuivre les changements amorcés en matière de législation sur l’appui aux femmes, la réforme agraire et la dépénalisation de l’avortement. Le Mouvement des Sans Terre, qui a souvent critiqué Lula pour le retard pris par la réforme agraire promise, vient de l’assurer de son soutien au 2e tour, car “ il ne s’agit plus de juger quel est le meilleur, mais de choisir le projet qui intéresse le peuple brésilien ”.

*MEXIQUE: tout un système politique en crise… (SOLAL, bulletin comité de Caen)
La situation au Mexique est actuellement confuse et périlleuse…
–On sait que la fraude des élections présidentielles du 2 juillet reposait sur des manipulations des processus informatisés de décompte des voix. Les partisans de Andrés Manuel Lopez Obrador ont jusqu’au 2 décembre, date de la prise de pouvoir par le nouveau président, pour faire reconnaître la victoire de leur candidat. La Convention Nationale Démocratique (CND) a rassemblé une foule immense et des délégués ont mis au point un plan de résistance civile qui devrait s’amplifier avec la création d’un gouvernement itinérant en résistance. La CND a déclaré A.M. Lopez Obrador “ président légitime du Mexique ” et décidé sa prise de fonction le lundi 20 novembre sur le Zocalo de Mexico.
–Quant aux zapatistes ils annoncent la reprise de la tournée de “ l’autre campagne ” à travers le Nord du pays. Pour eux la présidentielle du 2 juillet a été marquée par une “ fraude qui s’est achevée sur l’intronisation forcée de Felipe Calderón ”. Les zapatistes donnent actuellement la priorité à la lutte pour la libération des prisonniers politiques d’Atenco. (voir nos infos de mai)
–Dans l’Etat d’Oaxaca, un mouvement qui est parti en mai des revendications du corps enseignant s’est transformé en un phénomène social sans précédent. Après une répression brutale la population s’est emparée de la ville d’Oaxaca et de ses environs, occupant tous les édifices publics. Elle s’est organisée en Assemblée Populaire du Peuple d’Oaxaca ( APPO) et réclame la destitution du gouverneur de l’Etat, Ulises Ruiz, élu par fraude. La situation est explosive…

*LE CAS LUIS POSADA CARRILES.
Quatre Prix Nobel et deux académiciens expriment leur demande de justice en ce 30e anniversaire du massacre terroriste de Barbade, dirigé contre Cuba :
Nadine Gordimer, Salim Lamrani, Noam Chomsky, José Saramago, Rigoberta Menchú et Adolfo P. Esquivel.
Le crime sanglant de Barbade ne doit pas rester impuni.
“ Il y a trente ans, le 6 octobre 1976, un crime horrible était perpétré contre 73 innocents qui perdirent la vie dans l’explosion de l’avion de la Cubana de Aviación près de l’île de Barbade.L’auteur de cet acte terroriste sanglant est le criminel notoire et ancien agent de la CIA Luis Posada Carriles, également responsable d’innombrables actes criminels. Il a lui-même confessé ses crimes dans son autobiographie “ Los caminos del Guerrero ” (Les chemins du guerrier).
Les documents officiels du FBI et de la CIA, déclassés en mai-juin 2005, confirment la culpabilité de Luis Posada Carriles.
Arrêté et condamné au Venezuela pour cet acte inqualifiable, Luis Posada Carriles s’évada de prison en 1985, grâce à la complicité de l’extrême droite d’origine cubaine résidant en Floride.
Actuellement, Luis Posada Carriles se trouve en détention préventive au Texas depuis avril 2005, pour entrée illégale sur le territoire des Etats-Unis.
Le Venezuela exige son extradicion, mais Washington refuse de procéder au transfert de Luis Posada Carriles, violant ainsi au moins trois traités de la lutte antiterroriste.
Nous, signataires de cette déclaration, exigeons du gouvernement des Etats-Unis qu’il juge Luis Posada Carriles pour les 73 assassinats commis le 6 octobre 1976 ou bien qu’il l’extrade vers le Venezuela. Nous ne pouvons accepter qu’il y ait deux poids deux mesures dans la lutte contre le terrorisme. Tous les coupables doivent payer pour leurs crimes et les Etats-Unis ont l’occasion de montrer aux yeux du monde qu’ils sont cohérents dans leur lutte contre le terrorisme. ”

*NICARAGUA : la possible victoire du Front Sandiniste dérange déjà…(RLP, Managua)
L’ingérence des Etats-Unis dans les affaires du Nicaragua n’est pas une nouveauté. Le congressiste Dan Burton en visite à Managua a insisté auprès des forces de droite pour qu’elles s’allient et fassent barrage à la victoire des sandinistes. Ingérence assez mal perçue par les Nicaraguayens. Fin octobre Donald Rumsfeld viendra aussi apporter ses suggestions.… En attendant, l’épouse du candidat de droite Eduardo Montealegre, avec Jeane Kirkpatrick, ex-ambassadrice de l’administration Reagan à l’ONU, font la quête parmi leurs invités sur ce thème :“ Votre aide est nécessaire pour freiner la victoire de Daniel Ortega et Hugo Chávez en Amérique Centrale ”. Selon leur générosité les donateurs sont qualifiés de“ partisans ”(500 dollars), “ amis de la liberté ”, “ défenseurs du libre marché ” ou “ champions de la démocratie ” (5000 dollars).…

*BOLIVIE : la paix sociale rompue par un affrontement sanglant dans le secteur minier.
Dans la localité de Huanuni près de Oruro, un conflit menaçait depuis plusieurs mois dans la mine d’étain Posokoni, entre les mineurs d’Etat syndiqués de la Corporation Minière de Bolivie (COMIBOL) et les coopérativistes. Il faut rappeler que les syndicats miniers furent parmi les principaux acteurs de la politique bolivienne dans les années 50 et eurent un rôle central dans la révolution de 1952 et dans le soutien à l’Etat nationaliste révolutionnaire qui lui succéda. Mais en 1985, avec la chute mondiale du prix de l’étain, le gouvernement néolibéral du président Víctor Paz Estenssoro réduisit fortement les activités de la COMIBOL, ce qui provoqua le licenciement de vingt mille mineurs dont beaucoup migrèrent dans la ville de El Alto pour tenter de gagner leur vie et d’autres allèrent cultiver la coca près de Cochabamba. Une partie des mineurs se constituèrent en coopératives, -sortes de petites entreprises privées-, pour s’approprier des gisements qu’ils exploitent encore. Actuellement ces coopérativistes sont au nombre de 4000 et il reste 1000 mineurs d’Etat. La COMIBOL exploite la partie profonde, la plus riche en minerai, pour laquelle l’Etat a investi en infrastructure. Les coopérativistes exploitent la partie la plus proche de la surface sans avoir réalisé aucun investissement. Or le prix de l’étain a récemment doublé du fait de la demande chinoise et les coopérativistes réclament aujourd’hui une partie des mines d’Etat. Les coopérativistes surexploitent la force de travail des femmes et des enfants au bénéfice de groupes réduits. Ce secteur a tenté d’acheter le riche gisement pour une somme dérisoire et repoussé toutes les offres du gouvernement tout en refusant de partager l’exploitation de la compagnie d’Etat. Finalement les coopérativistes ont attaqué à la dynamite l’infrastructure et aux armes à feu les ouvriers de la COMIBOL. Bilan : 16 morts et une soixantaine de blessés… Le président Morales a fustigé l’égoïsme du coopérativisme minier et nommé un nouveau ministre des mines, qui a promis un changement d’orientation dans la politique minière après consultation des secteurs concernés.

*EQUATEUR : Vers une victoire présidentielle de la gauche en Equateur ? (élections le 15/10)
par Nelson F. Nuñez Vergara (article de RISAL – RISAL : www.risal.collectifs.net)
Des élections générales vont se tenir le 15 octobre prochain en Equateur, et leurs résultats pourraient provoquer des changements politiques importants dans le pays, et avoir un effet appréciable dans la région. Dans les derniers sondages, les deux principaux candidats qui passeraient au deuxième tour sont Rafael Correa, de gauche (33%), et le social-démocrate León Roldós (22%). Selon les normes électorales, celui qui obtient plus de 40% des votes, et 10% de différence avec son rival le plus proche peut être déclaré vainqueur, et Correa est très près d’atteindre cet objectif.

Rafael Correa est un économiste formé dans les universités de Louvain, en Belgique, et de l’Illinois, aux Etats-Unis. Il représente un projet radical de gauche avec un discours anti-système. Ce n’est pas un “ outsider ”, parce que lui et ses principaux collaborateurs ont été liés à la lutte des mouvements sociaux. Correa a été ministre de l’Economie du gouvernement d’Alfredo Palacios [le gouvernement actuel, depuis avril 2005, ndlr] et a démissionné à cause de désaccords. Un autre des hommes-clés est Alberto Acosta, un économiste respecté dans le milieu académique et aux solides relations avec le mouvement social et indigène. Il y a aussi le colonel à la retraite Jorge Brito, un spécialiste dans le renseignement, la doctrine et les stratégies de guerre – qui est l’expression d’un secteur nationaliste des Forces armées et qui s’est allié au mouvement indigène qui chassa du pouvoir le président Mahuad [janvier 2000, ndlr]. Ce furent justement ces personnalités qui insistèrent auprès des dirigeants indigènes à cette occasion, pour qu’ils ne soutiennent pas Lucio Guttiérrez et ce sont de durs opposants tout comme Correa au gouvernement de Bush et à la politique nord-américaine dans la région. Correa fut explicite en signalant que “ mon opinion personnelle est que Bush est une personne extrêmement limitée et rappelez-vous que je vivais aux Etats-Unis quand Bush a gagné la première élection, même à coup de fraude ”.

Correa n’a pas présenté de candidat au Congrès national parce qu’il a indiqué que sa première mesure sera de convoquer une Assemblée nationale constituante, qui initiera un processus de changement radical du système politique équatorien. Il signale qu’en outre il modifiera le système des élections, pour éviter que la “ particratie ” ne la capture. Il mise sur une représentation directe des secteurs sociaux urbains et indigènes, qui sont sa base sociale. De la même façon, il a réitéré qu’un traité de libre-échange (TLC, sigles en espagnol) ne serait pas signé avec les Etats-Unis et qu’il ne renouvellera pas l’accord pour la permanence de la base militaire nord-américaine à Manta. Il est explicite sur ses relations avec les régimes de gauche dans la région, en particulier avec le Venezuela, avec lequel il espère avoir de solides accords politiques et commerciaux. Ce n’est pas un étatiste et il a dit qu’il allait stimuler l’investissement productif, et non l’investissement spéculatif, ce qui inclut de renégocier la dette extérieure, et même la possibilité de déclarer un moratoire unilatéral. Sa politique pétrolière radicalisera les mesures que vient de prendre l’Etat équatorien, et qui représente presque 30% de son budget national. Toutes ces annonces ont provoqué une augmentation de l’indice de risque pays, de 532 à 623 points pour ce qui est de septembre et l’inquiétude du patronat, en particulier celui lié au secteur bancaire.

Correa est un candidat à solide réputation au sein de la population qui lutta dans les rues contre Guttiérrez et qui est très insatisfaite de tous les partis politiques équatoriens (y compris Pachakutik). Et il n’est pas facile de l’attaquer, parce qu’il a une très bonne présence médiatique. Il est jeune (43 ans), il a réussi professionnellement, est lié depuis l’époque de l’université avec les secteurs les plus pauvres, il est catholique pratiquant et a une image de jacobin, qui provoque des adhésions dans tous les secteurs sociaux et toutes les régions. Il ne peut être accusé d’être militariste parce que c’est un civil, ni d’être extrémiste (ses mesures aujourd’hui sont presque consensuelles du moins c’est ce qui se dit, de la bouche des autres candidats). Ses manières et ses attitudes sont très fermes, mais pas agressives et chaque fois que les politiques traditionnels l’attaquent, il continue de monter dans les sondages. D’aucuns disent que c’est un Chavez en costume-cravate – avec de bonnes manières en sus – ou un Salvador Allende jeune. Il réaffirme son option de gauche et se définit comme un socialiste. Ce qui est sûr c’est que le plus grand doute qu’a le citoyen lambda, c’est qu’il ne finisse pas par trahir ses promesses comme le reste des politiciens par le passé. Il a réussi à rassembler derrière sa candidature les mouvements sociaux, lesdits “ hors-la-loi ”, de nombreux cadres moyens et historiques indigènes, ainsi que des groupes de ladite société civile, des intellectuels et des secteurs de l’église progressiste.(…)
Sur le plan international, un gouvernement de Correa, consoliderait les relations avec Cuba, le Venezuela et la Bolivie, et renforcerait le bloc latino-américain de gouvernements de gauche. Pour Alan García au Pérou, cela peut impliquer à moyen terme plusieurs problèmes. Si les politiques de Correa fonctionnent comme la renégociation avec les entreprises pétrolières et l’application d’une politique non néolibérale, cela donnerait plus de force aux mouvements d’opposition au Pérou et pourrait remettre en question les politiques économiques qui sont en train d’être suivies. Avec la Colombie, la situation est déjà tendue à cause du refus de l’Equateur de participer au Plan Colombie , et des incursions des militaires colombiens sur le sol équatorien pour combattre la guérilla des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), en plus des dizaines de milliers de réfugiés qui ont fui en Equateur à cause du conflit interne du voisin du Nord.
(17/10 : selon des résultats partiels, Noboa serait en tête et un 2e tour aura lieu le 26 novembre)

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