NICARAGUA : Récupérer la souveraineté alimentaire. Le « Programme Paysan à Paysan » (PCAC) (novembre 2013)

« Cette zone se compose de minifundios (petites  propriétés), les parcelles font de 1,5 à 2 manzanas (1 manzana = 0,7 ha). Nous avons entrepris un processus de pratiques agro-écologiques en diversifiant les cultures, en utilisant nos connaissances, en étant créatifs pour faire produire le sol. Nous avons dû nous familiariser avec des pratiques auxquelles nous n’étions pas habitués : nous avons abandonné le « défriche-brûlis », nous avons incorporé des chaumes, des « mauvaises herbes » dans nos terrains, pour qu’ils s’améliorent. Il faut comprendre que les sols demandent de l’entretien, qu’ils peuvent mourir mais aussi vivre si nous les traitons bien. On trouve tout dans la nature, à condition  de savoir utiliser ses ressources. »

C’est ainsi que Leonel Calero, promoteur du PCAC, de la communauté El Mojón,  à 7 km de Managua, direction de Masaya, résume ses 18 années de pratiques agro-écologiques.
L’expérience du PCAC a débuté au Guatemala au milieu des années 1970 sous l’impulsion d’agronomes progressistes qui se donnaient pour mission de défendre l’agriculture paysanne par la conservation des sols et l’utilisation d’engrais organiques, en mettant l’accent sur l’expérimentation  par les paysans eux-mêmes. Mais ces promoteurs subirent une répression sauvage et furent contraints de se réfugier au Mexique, où ils trouvèrent un espace de travail.

Puis en 1987, la SEDEPAC, – organisation mexicaine qui les accompagnait -, entre en contact avec la UNAG du Nicaragua (Union Nationale des Agriculteurs et Eleveurs). Lorsqu’en 1990, en raison du changement de régime, les paysans nicaraguayens  perdent brusquement l’accès au crédit et voient leurs coûts d’engrais et de semences augmenter, le Programme « Paysan à Paysan » trouve là un écho favorable.

L’agronome Michel Merlet définit ainsi la méthode de travail du PCAC : « Cette méthode rompt avec la tradition de l’assistance technique : le technicien n’est plus le seul à savoir et à enseigner, il devient avant tout un « facilitateur ». Le producteur, au lieu de recevoir et d’obéir, devient le principal protagoniste du processus de diffusion et d’innovation technologique, une tâche qu’il assume tout à fait consciemment, en prenant des risques, en se trompant, en corrigeant ses erreurs, bref en apprenant ».

Malgré les difficultés, pendant les 17 années de gouvernement libéral (de 1989 à 2006), le PCAC  réussit, même s’il reste encore confidentiel, à essaimer dans tout le Nicaragua et à permettre de maintenir sur leurs terres les petits paysans. Puis le retour du sandinisme atténue les difficultés.

Le PCAC continue de se développer. On « apprend en faisant », on donne beaucoup de valeur au savoir de la famille paysanne, les femmes et  les jeunes participent ; une grande diversité de thèmes agro-écologiques sont abordés : sécurité alimentaire, engrais organiques, semences natives, formation de promoteurs… Le pays compte 1200 promoteurs dont 38 % sont des femmes.

« Le programme a fait un grand travail en nous « enseignant à pêcher » au lieu de nous « donner du poisson ». Le savoir est important pour le producteur, il lui permet de devenir autonome, de ne pas toujours « tendre la main ». Si on n’a pas  le savoir on ne peut rien faire. Pour cette grande plantation que j’ai là, je n’ai pas sorti des sous de ma bourse, je n’ai rien acheté à la pépinière : j’ai seulement fait usage des connaissances que j’ai apprises pour reproduire les plantes ! Le savoir est très important pour démarrer, avancer et sortir de la pauvreté », explique Leonel Calero.

Le Mouvement Agro-écologique Nicaraguayen, constitué d’organisations qui défendent les pratiques écologiques dans les systèmes productifs, établit des stratégies de campagnes qui contrecarrent la propagande démesurée de promotion des produits agro-chimiques.

Pour le secteur agro-écologique, le thème des semences d’origine est inévitable. Elles constituent jusqu’à 75 % des semences de « grains de base » (maïs, sorgho et haricot) et sont une garantie de la sécurité alimentaire.

« La sauvegarde des semences d’origine n’est pas une question folklorique, mais une stratégie de souveraineté et de sécurité alimentaire, parce que le thème de souveraineté évoque le fait d’exercer un pouvoir, de prendre des décisions. Tant que les gens n’ont pas le pouvoir de décider de leurs ressources génétiques, il n’y a pas souveraineté. »

Grâce à des fonds de l’Union Européenne, l’Institut Nicaraguayen de Technologie Agropastorale (INTA) a développé un programme d’appui à la promotion  de moyens techniques pour la production de semences, car celles-ci ne sont régies par aucune  loi.

Le gouvernement actuel promeut la diffusion des semences d’origine dans ses programmes d’Etat. La UNAG continue de travailler en alliance avec INTA et MAGFOR (Ministère Agropastoral et Forestier) qui administrent la distribution de semences améliorées afin d’accroitre les rendements productifs et de garantir la sécurité alimentaire. INTA et MAGFOR sont les organisations qui apportent un appui technique aux producteurs.

Les thèmes actuels pour le secteur agro-écologique sont : les menaces des cultures de transgéniques promues par les entreprises multinationales ; l’impact de la frontière agricole dans l’abattage des forêts ; l’usage excessif de bois de chauffe qui porte préjudice  à la faune, la flore et l’eau, surtout dans la zone sèche du  pays (municipios de Estelí, Nueva Segovia et Madriz) et du Pacifique : León et Chinandega.

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