CHILI : Travailleur(se)s saisonnier(e)s du secteur agricole, les grands exclus de la prospérité.

(ALTERINFOS, 27 mai 2014)

Dans le Chili rural, des milliers de femmes sont saisonnières dans l’agriculture pour l’exportation. Bien que leur travail génère des profits multimillionaires pour l’industrie locale, ce secteur d’emploi est un foyer de pauvreté et d’inégalité.

En 2013, les exportations agro-pastorales du Chili totalisaient 11 580 millions de dollars, mais la rémunération mensuelle de la majorité des travailleuses saisonnières du secteur ne dépasse pas les 380 dollars, équivalent du salaire minimum de ce pays sud-américain de 17,6 millions d’habitants.

Au plan mondial, le Chili est classé comme l’un des 25 pays à plus forte croissance et le second qui a le plus agi à l’OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique). Le Chili et le Mexique sont les deux seuls pays d’Amérique Latine représentés dans cette entité.

Pour l’OIT (Organisation Internationale du Travail ) le Chili est aussi le pays d’Amérique Latine et des Caraïbes qui présente la meilleure législation du travail. Malgré cela, les tâches journalières et saisonnières, précaires et ignorant les droits sociaux de base, persistent encore.

Le travail des saisonnier(e)s chiliens est devenu un phénomène massif dans les années 80, du fait des plantations de fruits destinés à l’exportation. « Alors, les portes se sont ouvertes pour accueillir des femmes salariées, qui au début furent des femmes pauvres, des paysannes. Bientôt des femmes de la ville commencèrent à émigrer vers la campagne, nouvelles habitantes qui devinrent une main d’œuvre qualifiée et des leaders du travail salarié de la campagne », explique Alicia Muñoz, directrice de l’ANAMURI (Association Nationale des Femmes Rurales et Indigènes).

Actuellement entre 400 000 et 500 000 Chiliens et Chiliennes travaillent à la récolte des fruits durant la saison qui va de septembre à mars. La moitié sont des femmes dont 70 % n’ont pas de contrat.

Les produits agropastoraux sont la seconde catégorie de denrées d’exportation après le cuivre. Dans ce pays, les travaux temporaires sont principalement proposés par les secteurs des mines, de la construction et de la pêche, où existent aussi des contrats journaliers. Mais des études montrent que ce sont les femmes saisonnières des récoltes de fruits qui sont les plus vulnérables, par le travail informel et l’absence totale d’avantages sociaux.

Les salaires des journaliers saisonniers n’ont pratiquement pas augmenté depuis deux décennies, car les augmentations ont été absorbées par les intermédiaires « contratistes » (qui établissent les contrats).

« Les salaires stagnent depuis des années, alors que le coût de la vie augmente très vite. Aussi, pour réunir l’argent nécessaire à la survie pendant les mois sans travail, jusqu’à la prochaine saison de récoltes, les femmes doivent « travailler double », en faisant deux tours, soit 16 heures par jour, pour gagner 800 à mille dollars » ajoute Alicia Muñoz.

Au Chili l’emploi de saisonnier ne se choisit pas, il est l’unique option, constate la FAO. La majorité des femmes saisonnières sont chefs de famille, elles doivent donc trouver un autre travail pendant les mois éloignés des récoltes. Dès 40 ans, ces femmes sont épuisées par le travail et les pesticides.

Le représentant régional de la FAO pour l’Amérique Latine affirme que lorsqu’on analyse les raisons de l’insécurité alimentaire, on se rend compte que les femmes souffrent de manière différente de ces problèmes. « C’est pour cette raison, ajoute-t-il, que nous travaillons activement avec les différents groupes de femmes et les différents groupes de la société civile sur ces thèmes ».

Durant sa campagne électorale, Michelle Bachelet a promis qu’elle impulserait des améliorations au statut de travailleur temporaire. Ce projet avait été mis en route durant son premier mandat puis modifié par son successeur Sebastian Piñera : il apparaissait alors comme une nécessité pour les entreprises mais sans tenir compte des travailleurs.

Heureusement le projet n’eut pas le temps d’aboutir sous cette forme. A présent les organisations se préparent pour une nouvelle table de négociations proposée par le gouvernement pour résoudre le problème des travailleur(se)s temporaires. « On mettra d’abord sur la table les besoins des travailleurs et des travailleuses du Chili, les intérêts des entreprises seront abordés ensuite » dit la directrice de ANAMURI.

Ces femmes travailleuses et mères, sont dans bien des cas l’unique soutien du foyer. Elles peuvent travailler deux ou trois mois durant la saison de l’été austral.

En ce qui concerne le personnel masculin, ce travail est exercé presque exclusivement par des étudiants et pour des périodes plus longues, de 4 à 8 mois.

Il existe aussi la « fausse saison » , qui consiste à travailler 10 ou 11 mois pour un même employeur mais avec des contrats successifs pour des travaux différents, ce qui supprime toute possibilité d’indemnisation au moment de cesser ce travail.

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