GUATEMALA. Où est l’héritage de la Révolution Nationale de 1944 ?

( article de Ollantay Itzamná, www.rebelion.org, 20/10/2014 )

Il y a 70 ans, le Guatemala entamait sa précaire décennie de printemps révolutionnaire que l’obtuse élite politico-militaire-économico- religieuse et l’avarice nord-américaine ne laissèrent pas fleurir totalement. Militaires, professeurs et étudiants, indignés par la dictature militaire persistante, impulsèrent une tentative révolutionnaire pour émanciper le Guatemala de la domination des intérêts nord-américains. C’était le 20 octobre 1944.
L’accaparement immoral des terres, la servitude légalement établie que supportaient indigènes et paysans et la systématique violation des droits individuels furent à l’origine de l’éclatement de cette historique Révolution.

A 70 ans de cette apothéose brisée, le Guatemala vit dans un dégoût et un non-sens existentiel généralisés. L’Etat quasi bicentenaire, loin de se fortifier et de consolider son territoire, se dilue presque complètement, mettant en évidence les structures de la corruption putride qui le ronge comme une lèpre chronique.

La Révolution avait tenté de redistribuer la terre dans le pays, garantissant comme unique propriétaire l’Etat (pour éviter l’achat-vente, suivi de l’accumulation ). Le gouvernement des Etats-Unis, promouvant la contre-révolution, parvint à faire rétablir l’immorale propriété de la terre. A présent, les monocultures accaparent plus de 60 % des terres de culture dans un pays où la malnutrition et la faim ont acquis la carte de citoyennes, et dévorent presque 60 % des enfants de moins de cinq ans. Des armées de paysans et d’indigènes sans terre, poussés par la faim, marchent vers les monocultures pour souffrir l’esclavage dans ces prisons vertes. Pendant ce temps, gouvernants et importateurs d’aliments deviennent millionnaires dans l’un des pays les plus affamés de la région.

La Révolution Nationale tenta d’approfondir et de démocratiser la démocratie formelle au Guatemala. Mais les politiciens de droite et de gauche qui arrivèrent, regroupés dans leurs entreprises électorales, usurpèrent la souveraineté et séquestrèrent la représentativité du peuple. Ces canailles en costume-cravate, porteurs de contrats de concessions pour les multinationales, creusent la rupture entre l’Etat apparent et la société fragmentée, au point que le projet d’unité de la nation métisse du Guatemala s’estompe, accélérant les aspirations des autonomies indigènes.

Le Guatemala, avec ses 53 mille millions de dollars de PIB, a l’économie la plus grande de toute l’Amérique Centrale et de plusieurs pays des Caraïbes, et même d’Amérique du sud. Mais c’est aussi le pays le plus raciste du Continent, et avec le plus d’inégalités. Même en Haïti, le fossé entre riches et pauvres n’est pas immense comme dans ce pays : presque 100 % de l’économie est dans les mains du secteur privé. La pauvreté, en zone rurale, atteint presque 100 % de la population. L’Etat néolibéral s’est pratiquement converti en gendarmerie qui garantit l’accumulation du capital par dépossession. Gare aux peuples indigènes ou aux pauvres qui s’organisent et se risquent à défendre leurs droits ! L’Etat et les entreprises les déclarent ennemis internes et les anéantissent sélectivement.

Les élites politico-économico-militaires, après le triomphe de la contre-révolution, ont utilisé la violence officielle comme unique méthode pour se maintenir au pouvoir. Après les prétendus Accords de Paix, elles ont instauré les conditions socio-culturelles pour la germination généralisée de la violence-insécurité-incertitude afin de démobiliser les consciences et la volonté populaire. Maintenant, la sécurité coûte cher au Guatemala, et ce sont eux qui font des affaires avec la sécurité privatisée.

Les professeurs et les étudiants étaient le noyau dynamique du processus révolutionnaire, et l’on croyait que la pensée révolutionnaire serait le plus grand legs de cette révolution inachevée, mais ce ne fut pas possible. La répression et la violence instaurées à l’encontre de la pensée dissidente, dans les décennies post-révolutionnaires, et durant la guerre interne, ont pratiquement condamné professionnels et universitaires au silence. L’auto-censure de la pensée a été assumée comme un mode de subsistance.A cela s’est ajouté l’établissement de l’individualisme comme la plus grande vertu de la société néolibérale.

Contrastant avec cette description, émergent de différents points géographiques et secteurs indigènes du pays, des mouvements locaux de résistance avec leurs objectifs propres. Ces dépositaires de la dignité et de la souveraineté du pays ressentent dans leur chair que le Guatemala comme projet d’Etat-nation est un échec. Ils ont subsisté de nombreuses années sans Etat. Mais maintenant que le capital blessé va de toutes parts, ils ressentent la violence Etat-entreprise, et ils résistent, et beaucoup d’entre eux visent à la reconstitution de leurs territoires indigènes autonomes. D’autres, avec une perspective plus globale, envisagent la nécessité d’une Assemblée Constituante Populaire pour refonder le Guatemala. Mais face à cette proposition, même la pseudo gauche politique du Guatemala a peur.

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Les Peuples Indigènes.
Les Peuples Indigènes représentent 8,3 % de la population totale de l’Amérique Latine. On constate une augmentation de la participation politique des Peuples Indigènes, un renforcement de leurs organisations et l’établissement d’alliances pour l’incidence politique. Mais ces peuples continuent d’être faiblement représentés dans les organes de pouvoir de l’Etat.

Pour 2010, la population indigène estimée en Am. Latine tourne autour de 45 millions de personnes, dont 17 millions vivent au Mexique et 7 millions au Pérou.
Les pays à forte proportion de population indigène sont : la Bolivie, 62,2 % ; le Guatemala, 41 % ; le Pérou, 24 % ; le Mexique, 15,1 %.

Actuellement on compte 826 Peuples indigènes en Amérique Latine. Le Brésil possède la plus grande diversité de peuples indigènes : 305, suivi de la Colombie : 102, du Pérou : 85, du Mexique : 78, et de la Bolivie : 39.
Beaucoup de ces peuples sont en risque de disparition physique ou culturelle : Brésil: 70 ; Colombie : 35 ; Bolivie : 13.

On estime aussi que 200 autres peuples vivent en isolement volontaire en Bolivie, Brésil, Colombie, Equateur, Paraguay, Pérou et Venezuela.

Dans les quatre pays où l’information est disponible, (Mexique, Pérou, Uruguay et Venezuela) on sait que la population indigène vit en majorité dans les villes.

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