(Article de João Pedro Stedile, responsable du Mouvement des Sans Terre,
(17/09/2016) trad. B. Fieux)
Le 31 août dernier, le coup d’Etat judiciaire se consolida au Congrès. La bourgeoisie conclut la première étape de la conspiration qui se préparait depuis octobre 2014, pour introniser, d’une certaine manière, un gouvernement totalement subordonné et disposé à faire peser tout le poids de la crise économique sur les épaules de la classe travailleuse.
A présent, l’étape en cours vise à accélérer la mise en œuvre de mesures néolibérales, qui n’intéressent que le capital financier et le grand capital, en accroissant l’exploitation au travail, en diminuant les salaires, en augmentant le chômage et en appliquant un programme de privatisations et d’ajustements fiscaux qui suscitent la honte, même au FMI.
Tous les jours des annonces absurdes violent la CLT (Consolidation des Lois du Travail), la Constitution et les droits sociaux conquis à grand peine par des décennies de luttes sociales.
Par conséquent, les réjouissances de la victoire parlementaire furent de courte durée. Le coup d’Etat n’est pas parvenu pas à être légitimé, ni par l’opinion publique, ni par le peuple, et il fut même désapprouvé internationalement. Le Président imposteur fut humilié lors de la réunion du G-20, les autres gouvernants ne l’appelèrent même pas Président! Et il dut profiter de son voyage pour aller s’acheter des chaussures dans un Shopping Center quelconque, le pauvre !
Du point de vue juridique, la farce s’effondra quand les sénateurs n’eurent même pas le courage d’imputer la perte de ses droits à la présidente Dilma, révélant ainsi qu’il n’y avait pas eu « crime ». Et pire encore, trois jours plus tard, ces mêmes sénateurs approuvèrent le projet qui légalise les « pédalages fiscaux ». Alors, ce n’était donc pas un crime ?
Mais la réponse la plus dure vint de la rue. Le dimanche 4 septembre, moins d’une semaine après le coup d’Etat, plus de cent mille jeunes de São Paulo sortirent dans les rues pour protester, avec des banderoles « Dehors Temer! », « Elections directes tout de suite! » et « Pas un droit de moins ! » Sans aucune stimulation des radios et chaines de télévision, qui continuent à être totalement serviles aux putchistes.
Ensuite, le 7 septembre, des centaines de manifestations se répétèrent dans tout le Brésil, avec des milliers de Brésilien(ne)s, portant les mêmes banderoles et sur le thème du »Cri des Exclus ».
Puis la classe moyenne avec ses huées, au moment de l’ouverture des olympiades para-olympiques au stade Maracaná.
Qu’adviendra-t-il de ce gouvernement, nul ne le sait. La bourgeoisie a, elle aussi, des doutes. Le gouvernement putchiste ne réussit pas à unir politiquement les forces conservatrices. Son plan néolibéral ne sortira pas le pays de la crise économique et politique; il va au contraire l’aggraver, générant des conséquences graves pour toute la population. Les signes de corruption de ses membres contredisent son discours.
Jusqu’à quand les médias et le pouvoir judiciaire vont-ils passer sous silence les déclarations des chefs d’entreprise, des pourboires illégaux impliquant d’illustres ministres et même l’actuel président imposteur ?
Le gouvernement putchiste pourra se convertir en gouvernement en crise permanente, qui ne fera que discréditer les partis qui le soutiennent, comme durant les dernières années du gouvernement chaotique de Sarney (1985-1989), ou bien la bourgeoisie pourrait le remplacer à partir de janvier 2017 par un autre imposteur plus habile…
Pour la classe travailleuse, la durée de vie utile de ce gouvernement devrait être la plus brève possible. Mais en politique, les faits et les rapports de force ne dépendent pas de la volonté ou des désirs, mais des forces accumulées de chaque côté…
Durant les semaines à venir, le gouvernement putchiste accélérera son offensive contre les droits de la classe travailleuse. Les annonces quotidiennes de la perte des droits, de la réforme de la sécurité sociale, de la politique de subordination au capital étranger, avec privatisations et ventes de terres, des offres de pétrole du pre-sal (*), du gazoduc, …et d’autres richesses nationales, vont éveiller un secteur grandissant de la population et de la classe travailleuse.
Face à cela, divers secteurs de la campagne et de la ville multiplieront leurs mobilisations et leurs luttes nationales, et dans un processus de meilleure organisation des luttes sectorielles, les centrales syndicales appellent à un blocage national pour le 22 septembre. Il y aura un effort du mouvement syndical mais aussi de tous les mouvements d’un Front Populaire Brésil et du Peuple sans Peur, pour que cette paralysie soit victorieuse et suspende les activités de la production, des transports, du service public, du commerce et des écoles…
Les manifestations se multiplieront, souvent spontanées, à São Paulo et dans d’autres villes, majoritairement par les jeunes et les mouvements de femmes, criant « Fuera Temer! » (dehors Temer) pour exiger des élections directes maintenant, et contre les mesures du plan néolibéral en cours
(*) Pre-sal – Ce terme est utilisé pour désigner un type de roche de la croute terrestre formé exclusivement de sel pétrifié, déposé en couches au fond des mers. Ce type de roche peut retenir du pétrole. Au Brésil l’ensemble des champs pétrolifères ou gaziers du pre-sal, récemment découverts se situent à des profondeurs allant de 1000 à 2000 mètres, pour la partie immergée et de 4 à 6.000 mètres au-dessous de la couche de sel. Ces nouveaux champs de pétrole, très difficiles à exploiter, s’étendent sur une bande d’environ 800 km le long du littoral brésilien, entre l’Etat de l’Espirito Santo et celui de Santa Catarina.
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