(Collectivo Latinoamerica Socialista – 29-06-2019 – Trad.B.Fieux)
Le 28 juin 2009, les secteurs conservateurs nationaux, appuyés par le gouvernement des Etats-Unis, lancèrent un coup d’Etat contre le président Manuel Zelaya, événement qui imposait de facto un nouveau président et qui décernait un message clair : « ici rien ne changera ». Le Honduras continuera soumis et subordonné aux intérêts de Washington, le peuple ne décide pas.…
Dix années ont passé et aujourd’hui tout un peuple se lève, sort dans les rues, résiste et lutte contre le gouvernement putchiste, actuellement présidé par Juan Orlando Hernández (JOH) ; les mobilisations massives expriment un message magistral : le peuple hondurien est toujours là, il n’a pas été mis en déroute et finalement ce sera lui qui décidera de sa propre voie. Le peuple commande.
Le coup d’Etat de 2009 : pourquoi ?
Le président hondurien d’alors, Manuel Zelaya, un homme politique libéral, propriétaire terrien et chef d’entreprise forestière, était parvenu en trois ans de mandat à une réduction notable de la dette extérieure et à l’augmentation du salaire minimum ; grâce à son incorporation dans l’ALBA, le Honduras avait amélioré sensiblement divers indices économiques et sociaux. Zelaya s’était proposé de réduire comme jamais encore les indices alarmants de pauvreté du pays. Au cours de la dernière année de son mandat,il impulsa la réalisation d’un référendum constitutionnel pour le 28 juin 2009. Quatre cent mille Honduriens avaient signé une demande de réalisation de référendum, avec l’argument que la constitution, en vigueur depuis 1982, rendait impossible d’adopter des mesures permettant d’éradiquer la misère et l’inégalité qui régnaient au Honduras, où 7 personnes sur 10 vivaient dans des conditions de pauvreté.
Dans la nuit du 23 juin, cinq jours avant la date proposée, le Congrès National tenta de rendre illégal le référendum approuvant une Loi Spéciale qui interdisait la réalisation de référendums ou de plébiscites dans la période de 180 jours avant et 180 jours après des élections générales. Le président Zelaya passa outre cette décision du pouvoir législatif, et insista en continuant de préparer le référendum constitutionnel.
Dans la matinée du 28 juin, date où devait se réaliser le référendum, quelque 200 militaires encapuchonnés pénétrèrent par la force dans la résidence présidentielle et séquestrèrent le président Zelaya. Il fut transporté sur une base de la Force Aérienne, pour être ensuite déporté au Costa Rica. Cette déportation violait de manière flagrante la constitution du Honduras dans son article 102, qui déclare : « Aucun Hondurien ne pourra être expatrié ni remis à un Etat étranger ». L’énergie électrique fut interrompue au niveau national, et tous les émetteurs de radio et télévision réduits au silence ; il n’y eut pas de communication électronique jusqu’à ce que le président soit déporté au Costa Rica.
Une fausse lettre de démission de Zelaya, démentie par celui-ci quelques heures plus tard, fut discutée au cours de la réunion au Palais Législatif de Tegucigalpa. Cette fausse missive était adressée au président du Congrès National Roberto Micheletti, et argumentait sur de supposés « problèmes de santé insurmontables » qui forçaient Zelaya à présenter sa démission « ainsi que celle du cabinet de gouvernement ».
Avec ces arguments, le Congrès National nomma Micheletti nouveau chef de l’Etat, qui déclara : « J’arrive à la Présidence par un processus de transition absolument légal… dans le strict respect et observation de la Constitution…et avec une profonde conviction démocratique ». Au Honduras, Micheletti obtint l’appui de la majorité des chefs d’entreprise, qui évitaient de parler de coup d’Etat, signalant qu’il y avait eu une « transition démocratique » ; ils financèrent les marches de l’Union Civique Démocratique, ensemble d’organisations activistes honduriennes qui appuyaient les nouvelles autorités putchistes. Micheletti eut aussi l’appui de l’Eglise Catholique, ainsi que les pouvoirs législatif et judiciaire.
Par la suite, la Cour Suprême du Honduras assuma la responsabilité de ces évènements en annonçant qu’elle avait ordonné à l’armée l’expulsion de Zelaya pour son insistance à vouloir réaliser une consultation populaire, déclarée illégale. On décréta le couvre-feu dans le pays en suspendant les garanties individuelles octroyées par la Constitution, avec l’intention de freiner l’action populaire qui exigeait la restitution de l’ordre légal dans le pays et le retour de celui qu’elle nommait « le président des pauvres ». Plusieurs ONG de Droits Humains dénoncèrent jusqu’au 5 juillet au moins 5 morts, 70 blessés et plus de 600 détenus comme conséquence des mesures d’exception décrétées par Micheletti.
Zelaya annonça dans une conférence de presse qu’il reviendrait au Honduras le 5 juillet, accompagné du secrétaire de l’OEA, de la présidente argentine Cristina Fernández, le président de l’Equateur Rafael Correa, le président du Brésil Luiz Inácio Lula da Silva et d’autres personnalités. Il espérait que les militaires se rétracteraient de leur position putchiste, et malgré la grande concentration populaire pacifique dans l’attente de son arrivée, il ne lui fut pas possible d’entrer au pays. Parmi les premières mesures économiques du gouvernement de facto se trouvait une diminution des dépenses publiques. Il décréta aussi le retrait du Honduras de l’ALBA.
Dès lors, la déstabilisation de la volonté populaire et de la démocratie au Honduras ont eu des répercussions sur toute la vie publique du pays. La suppression des mesures du gouvernement de Zelaya pour combattre la pauvreté, est allée de pair avec l’augmentation des inégalités et de la corruption généralisée. Il existe une augmentation sans précédent des indices de migration et de violence dans tout le pays. En 2010 le Honduras est considéré comme « le pays sans guerre le plus violent du monde ».
L’avocat JOH a gagné les présidentielles de 2014, avec une faible participation citoyenne ; sa nomination s’est accompagnée depuis lors de protestations populaires massives contre la corruption. En 2016, grâce à de polémiques changements réalisés sur la Constitution de l’année précédente durant son gouvernement, JOH fut le candidat officiel du Parti National du Honduras dans le but de légaliser la figure de la réélection présidentielle pour les élections générales de 2017, qu’il gagna avec une marge étroite.
Cette fois, sans référendum constitutionnel, sans l’approbation populaire, l’oligarchie nationale et les pouvoirs corrompus célébrèrent cette modification bâtarde de la Constitution. Depuis, la réélection présidentielle est permise sans régulation du pouvoir judiciaire.
Les manifestations des mouvements sociaux ne se firent pas attendre et depuis, étudiants, ouvriers et paysans ont organisé des protestations massives contre le gouvernement corrompu de JOH qui avait augmenté les inégalités, l’insécurité et les indices de migration dans tout le pays durant son premier mandat. Le gouvernement répondit aux protestations par des détentions arbitraires et de la répression dans tout le pays. Des observateurs internationaux contribuèrent à favoriser une crise post-électorale.
Situation actuelle.
Depuis le coup d’Etat de 2009, un modèle néolibéral s’est installé, privatisant tous les services publics, les ressources naturelles et prétendant actuellement privatiser aussi la santé publique et l’éducation. La pauvreté concerne 70% de la population, chiffre le plus élevé de la région, et on signale une moyenne de 11 homicides par jour.
Aujourd’hui, dix ans plus tard, les inégalités économiques et sociales du Honduras ont conduit à des phénomènes de grande envergure : augmentation des violences, traite de personnes, séquestration, rapt de mineurs et autres activités des pandillas et des groupes criminels. Chômage, pauvreté, précarité et violences sont le pain quotidien de la grande majorité des Honduriens.
Ce n’est donc pas un hasard si la majorité des caravanes de migrants sont des Honduriens, il existe une connexion directe entre le coup d’Etat de 2009 et l’exode de migrants actuel.
Quand le gouvernement des Etats-Unis rejette les migrants, il est nécessaire de lui rappeler que toute cette situation a commencé en 2009, par un certain coup d’Etat au Honduras, encouragé et favorisé par … le gouvernement des Etats-Unis !
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